Les inégalités se ressentent jusqu’au creux du lit. Alors que les hommes dorment souvent d’une traite et font parfois le tour du cadran, les femmes, elles, ont un sommeil haché et passent des nuits agitées. Victimes d’insomnies, elles peinent à mettre leur esprit en veille et ça les laisse loin de Morphée.
Des inégalités jusque sur l’oreiller
Les hommes ferment à peine les yeux qu’ils sont déjà partis au pays des rêves. Et rien ne semble pouvoir les tirer de ce sommeil de plomb, pas même le chien du voisin ou le marteau piqueur. À l’inverse, les femmes, elles, ne plient pas paupières aussi facilement. Lorsqu’elles posent la tête sur l’oreiller, elles sont happées dans une spirale infernale de pensées. « Est-ce que j’ai bien verrouillé la porte ? ». « Pourquoi j’ai dit ça tout à l’heure ? ». « Comment je vais gérer ce dossier demain au boulot ? ». Cette petite voix intérieure, qui est parfois rugissante, les tient éveillée et fait l’effet inverse des berceuses d’enfance.
Ces mesdames, en mal de sommeil, se retournent dans tous les sens, comptent les moutons et tentent quelques exercices de respiration, en vain. La nuit semble durer une éternité alors que les hommes ne la voient même pas passer. Loin de relever de la simple coïncidence, ce constat s’observe aussi dans les chiffres. Selon l’assurance maladie, 14 % des adultes de 18 à 75 ans souffrent d’insomnie chronique, dont 16,9 % des femmes et 9,1 % des hommes.
Ça se confirme aussi à travers un sondage IFOP mené en mars 2022 : 36 % des femmes adultes mettaient plus d’une heure à se rendormir ou n’y parvenaient pas contre 24 % des hommes. Les données sont éloquentes. Même dans le sommeil, les femmes sont pénalisées et l’explication dépasse parfois l’entendement.
Ce qui ruine réellement le sommeil des femmes
Si les femmes sont sujettes aux insomnies, ce n’est pas parce que leur compagnon de chambre ronfle la bouche ouverte. Comme le pointe une étude publiée dans Sleep medicine reviews, elles n’ont pas le même cycle circadien que les hommes. Les femmes sécrètent la mélatonine, fameuse hormone qui fait le trait d’union avec Morphée, assez tôt dans la journée, ce qui crée une sorte de « décalage » au moment du couché. La nature n’a vraiment pas été clémente avec elles.
Comme si ce n’était pas assez, les hormones, qui, elles, ne se reposent jamais, sèment aussi la zizanie. Douleurs menstruelles, grossesses, allaitement ou ménopause, à chaque période de vie son lot de perturbations.
Les femmes plus surmenées que les hommes
Si les femmes font les cent pas à deux heures du matin au lieu de se balader dans leurs rêves, c’est aussi parce qu’elles ont la tête sacrément encombrée. Loin de se coucher avec l’esprit vide, elles s’allongent sur le matelas avec des points d’interrogation en pagaille et le disque dur saturé. Elle traîne leur charge mentale comme les enfants traînent leur doudou. Si le fameux monstre de la chambre à coucher devait avoir une apparence, il aurait des bras tentaculaires, une peau couverte de post-its et une carapace faite de factures, de lessive et de vaisselle sale.
Selon l’Inserm, deux fois plus de femmes que d’hommes sont stressées en général. La société les a tellement conditionnés à être « aux petits soins » et à se dévouer sans modération, qu’elles s’inquiètent facilement et cogitent doublement. C’est d’autant plus frappant à l’arrivée d’un enfant, période où les mères perdent une heure de sommeil contre quinze petites minutes pour les pères. Si les femmes sont sujettes aux insomnies, c’est parce qu’elles gèrent plusieurs rôles à la fois et que leur esprit ne désemplit pas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, leur quotidien a beau être usant, les impératifs l’emportent sur la fatigue. Cette vertigineuse to-do list ne les quitte jamais.
Ce ne sont pas les infusions à la camomille ou les lampes en forme de lave qui vont rétablir la paix sur l’oreiller. Pour que les femmes retrouvent un sommeil de bébé, il faudrait changer la société, pas seulement quelques habitudes pré-dodo.