Un simple geste d’adieu peut-il présenter un risque pour la santé ? Une vidéo virale relance un débat délicat, entre pratiques funéraires, hygiène et émotions.
Une vidéo virale… et une alerte non vérifiée
Le message est aussi brutal que viral : « N’embrassez jamais un défunt ! », déclare le Dr Ivanovik dans une vidéo TikTok partagée des centaines de milliers de fois. Ce professionnel moldave, difficile à identifier clairement en dehors de cette vidéo, affirme qu’après la mort, le corps humain libère des bactéries dangereuses qui pourraient provoquer, entre autres, une perte de l’odorat.
Derrière la viralité de cette séquence, peu ou pas de vérifications : aucune trace claire d’un Dr Viktor Ivanovik dans les registres médicaux publics, ni dans des publications scientifiques. Son identité, comme ses qualifications, n’ont pas pu être confirmées. Faut-il pour autant balayer ses propos ? Pas forcément. Si le nom du médecin reste flou, la question qu’il soulève mérite un traitement rigoureux.
@viktor.ivanovik
Ce que dit réellement la science
Le processus de décomposition débute effectivement quelques heures après la mort, en fonction de la température, du lieu et de l’état de santé du défunt. Cela inclut :
- La prolifération de bactéries intestinales,
- La libération de composés organiques volatils (odeurs typiques de la décomposition),
- Et la dégradation des tissus, parfois source de fluides corporels.
Cependant, aucune source médicale ou sanitaire reconnue ne mentionne la perte d’odorat comme conséquence directe d’un baiser donné à un corps sans vie. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le contact avec un corps mort, dans un cadre civil (non infectieux), présente un risque extrêmement faible, surtout s’il est manipulé dans les délais classiques post-mortem (dans les 24 heures). Le danger réel apparaît plutôt dans des contextes précis :
- Décès liés à des maladies infectieuses (tuberculose, méningite, COVID-19, etc.),
- Mauvaise conservation du corps dans des zones chaudes,
- Manque de précautions pour les professionnels du funéraire (port de gants, hygiène renforcée).
Le poids du rituel et de l’émotion
Dans de nombreuses cultures, embrasser le défunt fait partie des rituels de passage. C’est un geste d’adieu fort, souvent irremplaçable sur le plan émotionnel. Pour certains, refuser ce dernier contact serait impensable, quelle qu’en soit la justification.
Et c’est là que le débat devient plus complexe : comment concilier respect des traditions et prudence sanitaire ? La réponse tient souvent au contexte. Si la mort est survenue dans un cadre médicalisé, que le corps a été rapidement pris en charge, et que l’on suit les précautions d’usage, les risques sont minimes, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
À l’inverse, en cas de doute sur la cause du décès, ou dans des contextes de maladies contagieuses, il est en effet conseillé d’éviter tout contact direct avec le visage du défunt.
TikTok, entre santé et prudence
Cette affaire soulève une autre question essentielle : la viralité des messages médicaux sur les réseaux sociaux. Si certains créateurs de contenu diffusent des conseils utiles, d’autres partagent des alertes sans fondement solide, ni cadre scientifique. Pour les professionnels de santé, le risque est double : diffuser des informations erronées, mais aussi générer de l’anxiété inutile, surtout dans des moments déjà très sensibles comme le deuil.
Dire adieu à un être cher est un moment profondément personnel. Le geste d’embrasser un défunt, dans certains cas, ne présente pas de danger. Toutefois, il existe bel et bien des situations où la prudence est recommandée, notamment en présence de maladies infectieuses ou de délais prolongés.
Ce qu’il faut retenir, c’est ainsi l’importance de s’informer : auprès de médecins, de professionnels du funéraire, ou via des sources sanitaires fiables. Et surtout, ne jamais culpabiliser un geste d’amour ou de deuil. La santé publique et le respect des rites peuvent coexister, si l’on prend le temps d’écouter, d’expliquer et de faire preuve de discernement.