Costume d’Halloween sexy : d’où vient cette fâcheuse tendance ?

Halloween, grande institution aux États-Unis, arrive à grands pas. Les citrouilles se parent de leurs sourires machiavéliques, tandis que nous, les femmes, partons en quête du déguisement idéal. Problème : Google répond à notre demande par des costumes d’Halloween ultra sexys, tout sauf effrayants.

Mini-jupe, bas résille, corset satanique et autres réjouissances sulfureuses répondent présents… un constat terrifiant qui a de quoi nous hérisser le poil. Il est temps de faire tomber le masque sexiste de cette fête, en apparence si sympathique. Éclairons vos lanternes. 

Quand les clichés sexistes embrument Halloween

Halloween, fête cultissime outre-Atlantique, s’invite en France sous une forme moins exubérante, mais tout aussi conviviale. En 2021, 70 % des Français.es se prêtaient d’ailleurs à cette noce monstrueuse faite de sorts et de bonbons. Hormis, le plaisir des sucreries, Halloween nous offre le privilège (ou pas) de muter en personnages sadiques redoutables.

Cérémonie aux allures de films d’épouvante, Halloween met ainsi nos plus grandes peurs à l’amende en déclinant sorcières possédées, nonnes cadavériques et clowns sanguinolents. Du moins, en théorie. Car dans les faits, Halloween fait surtout planer une ambiance sexiste très pesante. Tandis que les hommes se permettent des folies vestimentaires loufoques, axés sur la dérision, les femmes, elles, sont soumises aux dures lois du costume fantasmé.

Un palmarès déconcertant de costumes d’Halloween sexy proposé par Google

Trouver une tenue qui dépasse le genou relève presque de l’impossible. Une manipulation simple nous le confirme. En inscrivant « costumes Halloween femme » dans notre moteur de recherches, les résultats se rapprochent plus du porno soft que du sinistre.

Diablesse en mini-jupes, chaperon rouge en porte-jarretelle, arlequin à corsage, ange déchu en cuissarde… les costumes d’Halloween affichés, tous estampillés du mot « sexy », lèvent le voile sur une hypersexualisation quasi obligée. Lauri Hyers, professeure-chercheuse à l’université américaine de West Chester pose des chiffres effarants sur cette tendance parfumée au « male gaze ».

« Près d’un tiers des costumes de filles et plus de 90 % des costumes de femmes présentent une certaine sexualisation. Par ailleurs, cela touche moins de 1 % des costumes de garçons et seulement 11 % des costumes d’hommes », précise Lauri Hyers dans les colonnes du média  Inquirer

Costumes d’Halloween sexy : la faute à une parade des 70’s ?

Pour assister aux prémices d’Halloween, il faut faire un bond 3000 ans en arrière. Les Celtes célébraient « Samain », un Nouvel An atypique à la croisée de deux mondes, celui des vivant.e.s et des mort.e.s. Très superstitieux, iels portaient des vêtements effrayants pour faire fuir les démons. À cette époque, les oreilles de lapine et les décolletés plongeants n’auraient donc pas eu beaucoup d’effet.

Mais alors quand est-ce que la tradition a viré au « grand n’importe quoi » ? Les costumes d’Halloween ont pris ce tournant sexy dans les années 70, à l’occasion d’un défilé de Greenwich Village selon les dires de Slate. Cette fête de quartier, principalement portée par la communauté gay, était surtout un moyen de s’affranchir. Les homosexuels se présentaient donc dans des tenues volontairement provocantes, dans lesquelles le tissu se faisait rare. Avec ces looks de dragsters rebelles aux accents militants, l’événement a vite gagné la sympathie d’un New York en mutation.

Mais en tombant entre les mains vénales des détaillants, la symbolique, à la base positive de ces tenues sexy, a vite rendu l’âme. C’est donc en partie notre société de consommation qui pousse aux dérives sexistes. Et, plus le temps passe, plus les costumes d’Halloween se raccourcissent chez la gent féminine. À l’heure de la révolution féministe, cette représentation infantilisante et romancée de l’horreur pourrait bien trépasser.

Les costumes d’Halloween sexy, enfin sur le déclin ?

Aujourd’hui, l’image de la femme-objet tire des sueurs froides au féminisme, comme le ferait un visionnage de « Chucky ». Pour la génération millenials, il est temps d’exorciser cette société de ses démons machistes. Sur fond de révoltes féministes, les costumes d’Halloween sexy sont en passe de rejoindre le cimetière des aberrations.

Ainsi, en 2018, lorsque le site de déguisements sexy Yandy sortait un remake très coquin de la servante phare de The Handmaid’s Tale, la toile entière s’indignait. Pour cause, cette série dystopique, connue en France sous le nom de « La Servante Écarlate », tire le portrait de femmes réduites en esclaves sexuelles pour doper le taux de natalité.

Aperçu du costume très maladroit inspiré de The Handmaid’s Tale qui a fait un tollé en 2018

Donner à ces servantes un air aguicheur revient à sexualiser des femmes asservies, condamnées au silence, violées au pluriel. En bref, c’est 65$ de honte. Face à ce déferlement de critiques, la marque a immédiatement retiré ce costume d’Halloween sexy et odieux de son site.

En 2022, ce sont des héroïnes badass, indépendantes et résolument modernes qui se mettent à l’heure d’Halloween. Lisbeth Salander, hackeuse de génie vue dans Millenium, Dana Scully, agente spéciale de X-Files ou encore notre très chère Buffy contre les vampires font ainsi frissonner les normes patriarcales.

La malédiction des costumes d’Halloween sexy tire enfin sa révérence. Ciao ! Comme le dirait un dicton féministe 2.0 « nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ». À bon entendeur.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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