Voici comment les femmes sont pénalisées par leurs succès au travail

Si les businessmen tout puissants tels que Steve Jobs et Bill Gates dominent fièrement du haut de leur piédestal, les femmes de pouvoir, elles, sont régulièrement jetées en bas de l’échelle. Leur ambition est toujours étouffée sous un « elles n’ont pas les épaules » ou « elles sont trop sensibles pour diriger ». Et nul besoin de s’appeler Angela Merkel ou Beyoncé pour en faire le constat. Selon une nouvelle étude portée par Women of Influence, les femmes ont l’impression que leur succès n’est jamais reconnu en entreprise et ce qu’importe leur grade.

Pire, il est piétiné (et pas seulement par les Richelieus pointus des hommes d’affaires). Même lorsqu’elles accèdent enfin à leur moment de gloire professionnel, les femmes sont ralenties dans leurs ardeurs. Comme s’il n’y avait pas assez avec le plafond de verre et les inégalités salariales… Voici le dur sort des femmes qui « daignent » réussir au travail. 

Le succès des femmes au travail vu d’un mauvais oeil

Avant d’espérer atteindre les hautes sphères de leur entreprise, les femmes doivent redoubler d’efforts et d’énergie. Un acharnement qui récolte un silence galactique en interne. Une fois qu’elles parviennent à glaner une promotion ou un contrat en or, les félicitations sont fantomatiques. Elles semblent restées coincées dans la gorge des supérieurs. Dès que les femmes « montrent les crocs » au travail et qu’elles commencent à faire de l’ombre à leurs collègues masculins, elles s’attirent l’image de la « fauteuse de troubles ». Si à l’origine, l’ambition fait « propre » sur le CV, dans les mains d’une femme elle semble devenir « tache ». C’est en tout cas ce que démontre l’étude menée par Women of Influence le 1er mars 2023.

Les chiffres, peu optimistes, témoignent de l’hostilité envers la réussite des femmes au travail. Près de 90 % des femmes estiment avoir été pénalisées et méprisées à cause de leur succès professionnel. En écho au syndrome du grand coquelicot, stratégie « volontaire » qui consiste à discréditer les femmes en pleine ascension, cette étude tire un état des lieux morose. Alors que le monde du travail se targue d’être plus inclusif et égalitaire, en souterrain, il fait encore la guerre aux femmes « conquérantes ».

Cette étude de grande ampleur a été réalisée dans 103 pays auprès de milliers de femmes, toutes catégories socio-professionnelles confondues. La majorité des répondantes ont affirmé se sentir intimidées, dénigrées et reniées dans leur succès. Ainsi, 77 % d’entre elles ont vu leurs réalisations minimisées et 72,4 % ont été marginalisées des réunions. Plus terrible, 66,1 % ont déclaré que les autres s’accaparaient le mérite de leur travail. Un bilan assourdissant qui retranche encore les femmes dans leurs « petits rôles ».

Une dépréciation qui agit au-delà du cercle professionnel

Selon cette étude poussée, les femmes au tempérament frondeur ne sont pas les bienvenues dans la culture d’entreprise. Poussées au complexe d’infériorité, à la remise en question et à l’auto-critique, elles sont indéniablement les « vilains petits canards » de l’open space. Pas question de les auréoler de lauriers, même si elles remportent un deal à gros chiffres et bouclent un dossier périlleux. Alors que les femmes se heurtent déjà à des remarques salaces de leurs collègues au QI de poisson rouge et subissent des questions désobligeantes pendant les entretiens d’embauche, elles doivent aussi composer avec cette défiance ambiante.

Et elle ne se cantonne pas seulement aux murs de l’entreprise. Cette dévalorisation constante se répercute par ricochet sur la santé des femmes. D’après l’étude de référence, 85,6 % des femmes ont déclaré que leur stress avait augmenté à cause du syndrome du grand coquelicot, et 73,8 % indiquaient qu’il avait un impact négatif sur leur santé mentale.

Autre donnée alarmante : 66,2 % ont vu leur estime d’elles-mêmes chuter drastiquement. Malgré un mal-être professionnel palpable, les femmes préfèrent mettre leur peine en veilleuse en prévention du regard des autres. Elles redoutent précisément de passer pour des personnes paranoïaques qui se plaignent tout le temps. En résumé, les femmes subissent un monde du travail hypocrite qui prône l’égalité, mais campe sur les dogmes du « mâle dominant ».

Pourquoi l’ambition chez les femmes dérange autant ?

Entre le plafond de verre, le plancher collant et les discriminations à l’embauche, les femmes ne sont pas gâtées par l’univers très « phallique » du travail. Et lorsqu’elles brillent un peu trop fort, la société ne tarde pas à les blâmer pour imposture. Les girls boss et les autres obstinées du boulot n’ont pas encore réussi à se forger une réputation enviable. Mais pourquoi tant de haine envers ces femmes dévouées pour leur travail ?

Une qualité chez les hommes, un défaut chez les femmes

Les hommes ambitieux se voient attribuer charisme, acclamations et bénédiction du N+1. Ils deviennent par la suite des mentors inspirants. Mais cette qualité semble être un privilège purement masculin. Les femmes ambitieuses, elles, s’entichent du rôle de la dame de fer, impitoyable, glacial et austère. Dans l’imaginaire collectif, ce sont des répliques de la féroce « Miranda Priestly », vénales et sans pitié.

Mis au féminin, l’ambition sonne tout de suite moins élogieuse. Là où les hommes sont encensés, les femmes sont accusées d’arrivisme ou d’égoïsme accru. Il y a toujours cette pensée tenace du « sacrifice familial ». Selon les codes archaïques, la ténacité d’esprit et le côté « loup solitaire » nécessitent forcément un chibre. C’est la définition même de l’ambition qui pose problème. Les hommes l’associent à l’avidité de pouvoir tandis que les femmes l’appréhendent plus comme un « dynamisme ».

Une confusion entre être carriériste et avoir de l’ambition

Les femmes qui prennent trop de place au travail et qui osent se présenter « ambitieuses » prennent tout de suite l’étiquette de la vipère carriériste. Les potins insinuent à tout va qu’elles ont fait ce choix par désespoir sentimental ou pour rattraper une excitation qu’elles n’ont pas dans leur vie personnelle. Foutaise.

Cette faute de langage cause du tort à ces mesdames. Une femme qui s’investit dans sa carrière et prend les devants n’est pas de facto une carriériste endurcie. Le terme carriériste induit souvent rivalité, coups bas, manipulation et bestialité. À l’inverse, l’ambition est plus saine et modérée. C’est une conviction personnelle qui n’appartient qu’à soi. La femme ambitieuse n’a pas pour vocation d’écraser les autres pour accéder au sommet, elle utilise simplement son énergie et sa motivation dans l’espoir de progresser.

La démission, le nouvel acte militant des femmes leadeuses

Pour protester contre cette conspiration professionnelle silencieuse, mais détonnante, les femmes tournent les talons (ou les baskets) et plient leur carton. Selon une étude américaine intitulée « Women in the Workplace », près d’une femme sur trois a songé à quitter son travail ou du moins ralentir la cadence.

Puisque leurs exploits sont voués au néant ou à la terrible réappropriation, elles préfèrent protester en rendant leur badge. Les auteurs de l’étude parlent même d’une « grande démission ». Si à l’époque, les femmes manifestaient pour travailler, aujourd’hui elles se lèvent (de leur chaise de bureau) pour plus de reconnaissance et d’égard envers leur potentiel.

Cette étude, fraîchement sortie, met ainsi en exergue un nouvel obstacle sur le chemin professionnel des femmes. Mais elles n’ont pas dit leur dernier mot. Selon un compte rendu de l’ONU Femmes, les femmes n’ont jamais été aussi nombreuses à occuper des postes à haute responsabilité. Mode girl power activé !

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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