Dans le quartier très animé de Hongdae, à Séoul, une nouvelle figure virale s’est imposée sur les réseaux sociaux : celle des « Hongdae boys ». Popularisé par le TikTokeur sud-coréen Sean Solo (@itsseansolo), ce terme désigne des jeunes hommes coréens connus pour aborder frontalement les femmes étrangères, en particulier les touristes blanches, dans l’espoir de nouer des relations.
Un phénomène qui dépasse le simple divertissement
Les vidéos de Sean Solo montrent ces jeunes hommes en train de faire des tentatives de séduction maladroites, parfois intrusives, dans la rue ou les bars. Certains posent des questions explicites aux femmes étrangères, comme « Tu es ouverte d’esprit ? » ou proposent directement d’aller dans un motel. Derrière le « comique » se cache une critique acerbe d’une réalité sociale bien plus complexe : celle d’une certaine forme d’exotisation des femmes occidentales, perçues comme plus « ouvertes » ou plus accessibles que les femmes coréennes.
La tendance n’est pas anodine. Elle reflète un déséquilibre de pouvoir et une perception genrée des femmes étrangères, souvent influencée par des fantasmes véhiculés par la pop culture coréenne elle-même : K-dramas romantiques, clips de K-pop, et l’image idéalisée de l’homme coréen attentionné.
@itsseansoloWhen you drop your phone in Korea♬ original sound – Sean Solo
La double peine des femmes dans l’espace public coréen
Le phénomène des « Hongdae boys » s’inscrit dans un contexte plus large de crispations autour des rapports de genre en Corée du Sud. Alors que le pays est souvent perçu à l’étranger comme progressiste et modernisé, de nombreuses femmes sud-coréennes dénoncent un sexisme profondément enraciné : harcèlement de rue, violences, et explosion des crimes numériques.
En réaction, certaines femmes ont initié le mouvement des « 4B » (ou « les quatre non »), qui rejette le mariage, la maternité et les relations hétérosexuelles comme formes d’oppression. Bien que marginalisé en Corée du Sud, ce mouvement a gagné une audience internationale, tout comme les vidéos dénonçant les « Hongdae boys ».
@itsseansoloBecause so many requested!♬ original sound – Sean Solo
Derrière les fantasmes : le choc de la réalité
Pour beaucoup de femmes étrangères venues en Corée attirées par l’idéal romantique projeté par les fictions coréennes, la confrontation avec la réalité peut être brutale. La culture des bars de « chasse » (hunting pocha), très répandue à Hongdae, accentue le sentiment d’être réduite à un simple objet de consommation pour le plaisir masculin.
Sean Solo, tout en précisant que ces comportements ne représentent pas tous les hommes coréens, met le doigt sur un malaise profond : la façon dont les femmes étrangères sont perçues comme différentes, donc exploitables, dans un système qui peine encore à intégrer les revendications féministes locales.
Le rôle ambivalent de la pop culture coréenne
La fascination pour la Corée du Sud, alimentée par les industries musicales et télévisuelles, participe à la création d’un imaginaire collectif romantisé autour des hommes coréens. Pourtant, cette représentation occulte souvent les luttes menées sur place par les femmes coréennes elles-mêmes.
La popularité de contenus comme ceux de Sean Solo révèle l’écart entre la Corée fantasmée et la Corée réelle. Ils donnent aussi la parole à une génération plus critique, prête à remettre en question des normes ancrées depuis longtemps.
Ce que montrent les « Hongdae boys », au-delà des sketchs et des tendances TikTok, c’est ainsi une fracture entre perception et réalité. Si les femmes étrangères peuvent être tentées par l’aventure coréenne, elles doivent aussi être conscientes des dynamiques genrées en jeu. Le rire devient alors un levier pour dénoncer, comprendre, et peut-être faire évoluer les mentalités.