Pour de nombreuses femmes, se mettre en mouvement est un moyen de s’évader, de se ressourcer. Sauf que, trop souvent, l’espace sportif – qu’il s’agisse d’un trottoir, d’un parc ou d’une salle de sport – se transforme en lieu d’inconfort, de peur ou d’humiliation. Entre harcèlement verbal, regard insistant, gestes déplacés et intrusions non consenties, les comportements de certains hommes poussent de nombreuses femmes à abandonner leur passion.
Des chiffres alarmants
Une étude du RunRepeat auprès de plus de 4 000 coureuses révèle que près de 46 % d’entre elles ont été harcelées en courant, et près de 10 % ont subi un contact physique non désiré. À la suite de ces expériences, 80 % ont modifié leurs habitudes : changer d’itinéraire, adapter leur tenue, ou cesser de courir seules.
D’autres données collectées au Royaume-Uni indiquent qu’environ deux tiers des femmes ont été victimes de harcèlement en courant. Le sentiment d’insécurité est tel que beaucoup renoncent à une pratique pourtant essentielle à leur équilibre.
Dans les salles de sport, 56 % des femmes déclarent avoir été harcelées pendant leur séance ; 72 % ont déjà reçu un commentaire non sollicité, et près de 40 % se sont senties intimidées.
Témoignages édifiants
Le Daily Mail a recueilli les témoignages de plusieurs femmes confrontées au harcèlement lors de leurs séances de sport, révélant l’ampleur et la banalisation de ces comportements intrusifs.
Minreet Kaur, 44 ans, passionnée de course, a vu son quotidien bouleversé par le harcèlement répété. Dans une salle de sport, elle raconte : « Il me filmait la poitrine pendant que j’étais sur le tapis… Certains hommes inscrivaient même leur numéro sur ma bouteille d’eau ». Ces intrusions ont fini par la convaincre de ne plus remettre les pieds dans un gym.
Autre exemple : Chrissie Wunna, habituée aux caméras pour sa carrière télévisée, a pourtant dû abandonner la salle de sport, trop anxieuse face aux regards insistants, aux propositions et aux commentaires intrusifs. « Je n’arrivais même pas à passer la porte d’entrée sans être abordée. Je ne voulais pas faire d’histoires, mais je voulais juste qu’on me laisse tranquille ».
@doctorradhika I really debated whether to post this, but after seeing @em_clarkson’s video about being catcalled, I felt less alone. I went for a run on Monday and I wore shorts (which took me a lot of confidence in itself) because it was hot – and someone catcalled me. Being a female runner can feel so scary. I’ve spent many runs looking over my shoulder to make sure no one’s following me. Even choosing what to wear feels like a risk assessment. Catcalling is not a compliment. It’s intimidating, it’s invasive and it’s not harmless. And the saddest part is that some part of my brain felt like I overreacted, or someone might say that he was just being nice, or that I deserved it because I was wearing shorts. Let this be your reminder that no woman deserves to feel unsafe or intimidated whilst trying to exercise, or even just existing. #running #runner #beginnerrunner #catcalling #catcallingisnotacompliment #womenwhorun #femalerunner #londonrunning ♬ QKThr – Aphex Twin
Un impact considérable sur la pratique sportive
Le harcèlement dans les espaces publics et sportifs pousse les femmes à modifier leur comportement :
- Elles évitent certaines zones de la salle, s’entraînent à des heures spécifiques ou optent pour des cours féminins.
- Beaucoup abandonnent totalement la pratique, par crainte ou lassitude.
- La course à pied, pourtant libre et accessible, devient anxiogène pour celles qui ne veulent plus courir seules.
- Certaines préfèrent renoncer à l’extérieur et s’enfermer dans des lieux plus contrôlés, quand elles ne renoncent pas totalement à l’activité physique.
Une question structurelle
Ces comportements répétés, banalisés, relèvent d’un problème systémique. La domination masculine dans l’espace public comme dans les lieux de sport rend l’environnement hostile à de nombreuses femmes. Et rares sont celles qui osent porter plainte : soit parce qu’elles doutent d’être prises au sérieux, soit parce que les agressions verbales ou visuelles ne sont pas punies, malgré leur impact psychologique réel.
Ces récits témoignent d’une tension latente et d’un sentiment d’insécurité quotidien pour les femmes, même en plein jour, même en simple tenue de sport.
Vers des solutions concrètes
Des actions existent pour tenter de rééquilibrer les espaces sportifs, telles que :
- Certaines salles de sport mettent en place des horaires réservés aux femmes ou forment leur personnel à la gestion du harcèlement.
- Le développement de communautés sportives mixtes et bienveillantes, ou de groupes féminins, permet de se réapproprier l’espace de manière collective et solidaire.
Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. Tant que les comportements sexistes ne seront pas fermement dénoncés et sanctionnés, les femmes resteront contraintes d’adapter leurs pratiques.
Lorsqu’une femme déclare : « Il filmait ma poitrine », ce n’est ainsi pas une anecdote. C’est un signal d’alarme. Une alerte sur un système où trop souvent, le corps des femmes devient une cible, même dans des moments où il devrait simplement se sentir libre. Promouvoir le sport chez les femmes, dans une démarche bienveillante et body positive, c’est aussi leur garantir des espaces sûrs. Libres de bouger. Libres de transpirer. Libres d’exister.