« Mon père a dit que j’étais la honte de la famille » : des coming out poignants vus de l’intérieur

Les mains moites, le ventre qui se tord, le cœur qui danse la macarena dans la poitrine… ces symptômes imprévisibles colonisent les corps avant cette entrevue à double tranchant. Face-à-face redouté, le coming out est presque devenu un rituel sacré. Au tribunal du respect, les objections injustifiées affluent et les commentaires humiliants détonnent. Entre les opérations de dissuasions, les élans de joie inattendus et les attitudes scandaleuses… chaque histoire renferme des souvenirs uniques, tantôt glorieux, tantôt affreux. Témoignages.

Une découverte de soi semée d’obstacles

Certain.e.s s’entraînent pendant des heures devant le miroir, comme s’il s’agissait d’un entretien féroce. D’autres, plus spontané.e.s, élèvent la voix au détour d’une conversation lambda. Les attirances sexuelles, parties intégrantes de notre oasis privée, se mettent à nu. Une nécessité pour la communauté LGBT+ qui évolue dans un univers pétri de standards. Révélation forcée ou confidence salvatrice, le coming out reste une étape délicate.

Une société cloitrée dans l’hétérosexualité, un poison pour sa propre construction

« Inconsciemment je me suis formaté à ce que je voyais à la télé ou dans les publicités. Je suis sorti avec des filles, mais il n’y avait pas cette petite étincelle. J’étais dans le déni total ». Matthieu, 24 ans, a découvert son homosexualité tardivement. Le natif de Rambouillet s’est mis des œillères jusqu’à son entrée au lycée. En allant à la pêche à l’information, il se heurte à des contenus sinistres.

Sur la toile, des tirades moroses et des lignes anti-suicide s’entrechoquent. Déconcerté par ces trouvailles, le jeune homme tombe de haut. Google semble placer l’homosexualité comme un mal absolu ou une voie sans issue. Avant de faire son coming out, on traverse une pluie de tourments.

« C’était atroce. Tout de suite on est placé comme hors-norme », renchérit Matthieu

Malgré des progrès notables, la représentation de la communauté LGBT+ stagne. En France, il a fallu attendre 2018 pour voir un couple gay à l’écran. C’est la série « Plus Belle la Vie » qui avait jeté le pavé dans la mare. Une incrustation minoritaire dans une vaste mosaïque audiovisuelle. Si les affiches de potiches clouées derrière une machine à laver et les slogans déplorables à l’instar de « Moulinex libère la femme » ne passent plus, des clichés sexistes subtils, eux, perdurent.

L’homme présenté en mâle Alpha, roule des mécaniques et se prend pour un Don Juan irrésistible. La femme, elle, est reléguée au rang des « objets fragiles ». L’étude, « Regarde où tu marches » menée par l’artiste chercheur Frédéric de Manassein s’est penché sur 58 bandes annonces et les résultats sont affolants.

Dans 92 % des cas, la voiture est conduite par un homme. Et dans 70 % des cas, les cris de détresse sont émis par une femme. Dès le plus jeune âge, les enfants sont exposés à ce schéma grossier. Un modèle hétéronormatif inadapté et restrictif qui nuit fortement à leur développement personnel. Jonathan* en a fait les frais.

Après un divorce compliqué entre ses parents, il se retrouve seul avec sa maman dans un logement parisien étroit. Déjà à 5 ans, le comptable fuyait les instruments de bricolage et les voitures de course en plastique. Véritable diva en herbes, il pioche dans la penderie de sa maman en quête de chaussures à talon et de pinces perlées. « Quand on recevait le catalogue de Noël, j’allais directement à la page Barbie ».

L’inclusivité manque à l’appel

Lors des occasions spéciales, sa maman, une complice hors pair, se pare de ses pinceaux et de ses palettes pailletées pour lui dessiner un maquillage digne des contes de fées. Pourtant, une discussion entre sa mère et une collègue de travail fera chavirer cette nature candide.

« En me voyant arriver dans ma robe de princesse, elle a pouffé de rire. C’était tout sauf bienveillant. Elle a dit que c’était trop farfelu et que je ne devais pas m’habiller comme ça. Pour elle, c’était limite un crime »

Après ce sermon interminable qui ressemblait comme deux gouttes à une thérapie de conversion déguisée, Jonathan est déboussolé. Sous influence, il remet en cause ses envies et se plie à des jeux « virils » qu’il déteste.

Les regards méprisants sur les bancs de l’école, un frein à l’acceptation

Ces dialogues hostiles ne sont pas réservés aux adultes, ils débutent dès la cour de récré. Une étude réalisée aux États-Unis révèle que 40 % des élèves interrogé.e.s ont subi des moqueries à cause de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Le collège mute en pénitencier impitoyable. Les élèves immatures et intolérants en sont les bourreaux. Tel.le.s des chasseur.se.s avisé.e.s, iels cherchent une proie facile d’accès. Lou, 22 ans, s’est retrouvée dans le viseur à cause de son look affirmé.

Pull jacquard déniché dans le rayon homme, pantalon cargo évasé, cheveux rasés, pilosité apparente… un côté androgyne à moitié assumé qui n’était pas au goût de tou.te.s. Une optique récalcitrante qui renvoie son coming out au point de départ.

« J’ai vécu du harcèlement pendant deux ans. Les critiques venaient surtout d’un groupe de filles. On me disait que j’étais bizarre, on me regardait comme si j’étais un ovni. J’ai tout de suite eu l’étiquette du garçon manqué »

À contrecœur, l’étudiante porte des robes et des jupes alors qu’elle se rêve avec un torse lisse, recouvert de pectoraux.

« C’est comme si j’avais une maladie contagieuse »

À cette époque, les termes transidentité, non-binarité, asexualité ou aromantisme étaient de vastes brouillards. Une barrière supplémentaire pour Lou qui tente de se trouver dans ce vacarme environnant. Sans cesse interrompue dans son travail d’introspection, elle finit par inscrire « Transidentité » dans la barre de recherche de l’ordinateur familial.

« J’ai regardé des documentaires et ils étaient très pessimistes. Je me suis moi-même restreinte. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je sois trans parce que ça rimait avec danger »

Mais lorsque ses hormones se déploient, une poitrine généreuse s’installe au milieu de son corps. Ces deux masses lui semblent totalement étrangères. Pour effacer cet attribut proéminent, elle songe à la mammectomie. Un choix radical difficilement envisageable à seulement 16 ans. « J’ai essayé le bandage, mais c’était encombrant, ça m’opprimait. Je n’osais pas sortir dehors avec, je savais que j’allais de nouveau me faire insulter ». L’adolescence, ordinairement symbole d’émancipation, est entravée par les critiques médisantes des autres.

À l’inverse, Marylou, 22 ans, ne s’est jamais cachée. Dès la 4e, elle scandait sa bi-sexualité de façon naturelle et spontanée. Les messes basses dans les couloirs et les attaques verbales envoyées à la volée ne l’ont jamais déstabilisé. Pourtant, une attitude excessive, masquée sous le chiffon de l’humour, l’a marqué au fer rouge. « Deux camarades proches qui étaient à côté de moi se sont décalées comme si j’avais une maladie très contagieuse ». Un dégoût abstrait qui a creusé une plaie. Marylou avait l’impression de porter l’insigne de la bête à abattre.

Un électrochoc, une balafre dans le moral qui n’est pas sans conséquences. Repli social, risque de dépression accru, troubles du sommeil, manque de confiance, décrochage scolaire… les répercussions sont colossales. Une célèbre maxime érigée par l’illustre Socrate recommandait : « Connais-toi toi-même ».

Pour résoudre ce mystère intérieur, on pousse parfois des portes encombrées. Dans ce dédale de la vie, les pièges invisibles et les aventures tortueuses nous jouent des tours. Avant de trouver sa place, on se plie à des épreuves coriaces.

Dans la foule sentimentale, difficile de déchiffrer son idéal

Hormis quelques exceptions telles que « Call me by your name » ou « It’s a sin », les romances à l’eau de rose tant convoitées durant la jeunesse, sont loin d’obtenir l’Oscar de la diversité. Selon l’association américaine GLAAD, seuls 4,7 % des personnages réguliers portés à la TV sont issus de la communauté LGBT+. En manque de repères, les minorités se sentent alors parfois obligées de rentrer dans le moule. Pauline, 20 ans, s’est aperçue qu’elle faisait fausse-route en terminal.

Cupidon n’avait pas tiré au bon endroit. Pendant dix ans, elle s’est voilée la face pour coller à ces maudits codes. Victime d’une arnaque sentimentale bien ficelée, elle avait sculpté un amour en carton pour un copain de classe. « Les sentiments étaient inexistants, mais je m’étais persuadée qu’il fallait que je sorte avec. Quand je lui ai avoué qu’il me plaisait, il m’a mis un gros râteau. Et en faisant ça il m’a ôté un énorme poids ». Partagée entre soulagement et incompréhension, Pauline entame un dialogue avec elle-même.

Renouer avec soi en passant par la case déboires

Mais rien ne se passe comme prévu. Harcèlement, amitié toxique, événements traumatisants… après ces épisodes carabinés, elle sent que son Jardin Secret lui échappe. « Je me sentais dépossédée de moi-même. J’étais complètement bousillée, je devais comprendre qui j’étais vraiment. C’était un cas de force majeur ». Ce surplus d’émotions lui ouvre les yeux.

Sa vision, jusqu’alors brouillée par un amas d’injonctions, s’éclaircit. Une rencontre sur les réseaux sociaux la catapulte dans un océan de vérités. Elle tombe sous le charme d’une personne non-binaire. Après plusieurs rencontres physiques, des papillons virevoltent dans son ventre : « J’ai pris conscience que ce n’était pas grave d’aimer une fille. Le fait de me l’avouer, ça m’a rassuré. C’était le point de renouveau ».

Refouler ses envies quitte à se brûler les ailes

Le parcours de Lou se superpose étroitement à celui de Pauline. Elle a vécu dans une relation nocive pendant trois ans avant de comprendre qu’elle était non-binaire. Cette longue phase de doutes sur son identité s’était dissipée, elle n’a pas creusé et s’est laissée porter par le flot des traditions. Anorexie, passage à vide, dysphorie de genre… autant de signaux qui se déversent tels des S.O.S. Dépendante affective, Lou se dévoue corps et âme sans s’apercevoir qu’il s’agit d’une mascarade infâme.

« Pour lui plaire, je faisais des choses qui me répugnaient. Dans les relations sexuelles, j’essayais de reproduire ce qu’on voit dans les pornos. Il m’avait transformé »

Infidélités en cascade, lâcheté permanente… des coups bas affligeants qui se soldent par une rupture. Lou tente d’alléger sa peine en voguant sur la toile. Elle tombe nez à nez avec un compte militant LGBT, une coïncidence troublante soufflée par des algorithmes déchaînés. En lisant des descriptions, elle se reconnaît dans la définition de la non-binarité. Mais ces péripéties éreintantes n’en sont qu’à leur balbutiement. Ce travail d’auto-analyse s’inscrit sur la préface d’un roman personnel touffu, composé de chapitres plus ou moins sombres.

« Ma mère a dit que c’était juste une passade »

Depuis qu’il est inscrit dans les mœurs, le coming out fait couler beaucoup d’encre. Les médias en sont friands. L’exemple le plus emblématique remonte au 14 avril 1997. L’animatrice américaine Ellen DeGeneres affichait son homosexualité dans les colonnes du magazine Time.

Une confession d’avant-garde qui a secoué les mentalités puritaines outre-Atlantique. Depuis, les paroles se délient. Le 21 juin 2021, un documentaire diffusé sur Canal + s’attaquait à ce sujet. Six sportifs de haut niveau sont sortis du placard en témoignant face caméra. Pour faire son coming out à ses parents, Lou s’est aussi appuyée sur un support audiovisuel bouleversant.

Alors que sa famille est installée au creux du canapé, l’étudiante en histoire s’arme de la télécommande et lance « Petite Fille ». Ce chef-d’œuvre cinématographique retrace le quotidien de Sasha, un enfant de sept ans emprisonné dans une enveloppe charnelle qui ne le reflète pas. « C’était très touchant. Je sentais que ça les avait remués. Juste après le visionnage, je leur ai dit que j’étais non-binaire et ils ont simplement répondu « D’accord”, sereinement ». Le lendemain, ils sont revenus avec une batterie de questions.

Aux antipodes de la curiosité déplacée, ils souhaitent simplement être renseignés pour éviter les amalgames blessants. Un cas de figure radieux loin d’être unanime. Quand Marylou a fait son coming out auprès de sa maman, ça a été la douche froide.

« Elle m’a sorti « C’est juste une passade ». J’ai été très blessée, ces mots étaient inconcevables, ça a remis en cause ma bisexualité »

La cellule familiale, supposée nous bercer dans la douceur, n’est pas l’espace le plus sûr. Cette façade menaçante est clouée dans l’intimité. Le coming out, perçu d’un mauvais œil, déchire les liens du sang. Ignoré, il est souvent réduit en vulgaire secret de famille. En 2017, SOS Homophobie a recensé 160 témoignages d’homosexuel et le constat est sans appel. Au total 80 % signalent des formes de rejet de la part de leurs proches et la moitié ont subi des insultes.

Le coming out, un plongeon périlleux, mais nécessaire

Pendant des années, on se forge un masque mensonger pour ne pas réveiller les doutes. On déguise nos propres envies en esquivant les questions indiscrètes. On enchaîne les parades pour retarder ce contre-la-montre effrayant. Mais la valise émotionnelle devient massive. Ce poids lourd encombrant tire notre épanouissement vers le bas. Tiraillé entre la peur d’être renié et la soif d’authenticité, on s’improvise scénariste, on dessine plusieurs brouillons avant d’afficher notre vrai visage. Sur le terrain du coming out, les autres s’érigent en arbitres décisifs.

Une révélation éprouvante à l’origine de cataclysmes familiaux

Ce dévoilement public ponctué d’appréhension, d’incertitude et de méfiance fait pencher la balance de la confiance. Jonathan*, lui, a vu toutes ses espérances tomber en ruine. Son enfance paisible aux côtés de sa maman a pris une tournure radicale. « À l’école, j’étais un vrai cancre, je faisais beaucoup de bêtises. Ma mère pensait que c’était parce que je n’avais pas eu de représentation masculine à la maison ».

Dès ses 16 ans, il est contraint de loger chez son père, un sombre inconnu qu’il n’a quasiment jamais côtoyé. Il pousse les portes d’un temple dopé à la testostérone. Militaire endurci, rockeur dans l’âme, figure autoritaire au cœur de pierre, son père est comparable à un « dictateur ». Au sein du foyer, l’atmosphère est irrespirable, Jonathan a « l’impression d’être en prison ».

C’est seulement en franchissant la grille du lycée qu’il peut enfin souffler et se déconnecter. Une bouffée d’oxygène qu’il partage avec Paul, un camarade attentionné. Au fil de l’année, ils scellent le pacte de l’amour, en toute discrétion. Le sablier s’écoule et les rapports avec son père se tendent. Jonathan est abasourdi par ses pensées archaïques, qui semblent tout droit sorties du Moyen-Âge.

Une conversation le pétrifie. Attablés devant la télévision, ils regardent le journal de 13h dans un calme olympien. Un reportage retraçant le parcours du couturier Yves Saint Laurent fera office de déclencheur.

« Mon père a dit que les homosexuels n’étaient pas normaux et qu’ils ne devraient pas exister. Ça m’a broyé »

Mettre les voiles pour fuir la tempête

Tout s’enchaîne vite. En déposant Jonathan à l’école, son père remarque que la relation avec Paul est louche. Un SMS retentissant s’affiche sur son téléphone : « Il faut qu’on parle ». L’heure du verdict a sonné. Pris dans un vent de panique, Jonathan retarde son retour au domicile paternel. « Je savais que j’allais passer un sale quart d’heure ».

Après un interrogatoire fatigant, Jonathan cède. La pression est trop intense. Son coming out a été forcé. « J’ai vu son visage se décomposer. Il n’a même pas essayé de comprendre, il m’a juste dit “T’es la honte de la famille” ». Excédé, il plie bagage et sans réfléchir, il fuit.

Un choix complexe lorsque les mineurs sont sans revenus et qu’ils dépendent du porte-monnaie de leurs parents. Pourtant, parfois c’est une question de survie. En 2019 la fondation Le Refuge, qui possède plusieurs antennes en France, a hébergé 40 112 jeunes de moins de 24 ans.

Matthieu a pris la même décision risquée. Comment est-ce que je vais me débrouiller seul ? Et si jamais je devenais SDF ? Le contrecoup a été dévastateur, l’avenir était réduit à néant. Heureusement, grâce à un job étudiant ingrat, il trouve une chambre chez l’habitant, en attendant que les tensions s’apaisent. Les remarques maladroites et indirectement dégradantes l’ont poussé à bout. Écorché à vif, il pensait qu’il n’était plus le bienvenu.

« J’étais seul contre tous »

Lors d’un dîner, son père venait de sortir de table, sa mère en profite pour lui demander si Chloé est plus qu’une meilleure amie. Il rétorque naturellement « Ça ne risque pas ». « Sur un ton agressif, elle m’a balancé « Pourquoi, t’aimes les hommes ?!”. J’ai hoché de la tête. Elle est devenue toute pâle, elle a repoussé son assiette et elle a dit « On est pas dans la merde” ». Ce coming out improvisé tisse le fil des blocages. Le cœur meurtri, Matthieu balaye de nouveau ses préférences sous le tapis de la pudeur.

Il encaisse sans broncher, mais bouillonne de rage. Une phrase fait déborder le vase de la nervosité. Sa maman déclare à Matthieu et à son frère « De toute façon vous me décevez ». C’est le message subliminal de trop. Il débarrasse le plancher et quitte ce cercle malsain.

Ce n’était que les prémices d’un voyage sinueux. Après cette tempête irritante, il refait surface dans un banquet fastueux. Toute sa famille est présente. Positionné sur les starting-blocks de la révélation, il est coupé dans son élan.

Sa mère lui vole ce précieux coming out. Les yeux s’écarquillent et un vide sidéral remplace les éclats de rire. Les réactions sont assourdissantes. « Mon aîné a lancé « Ah t’es PD donc on avait raison de se foutre de ta gueule quand tu étais petit ». Ensuite, mon petit frère a dit « C’est pas vraiment un homme ». Et mon père a dit « C’est ni l’un, ni l’autre ». Il m’a résumé à un rien. J’étais seul contre tous ». Cette absence de soutien et de compassion est d’autant plus ancrée dans les familles religieuses.

Quand la religion s’en mêle…

D’après des recherches pilotées par l’ONG britannique Albert Kennedy Trust, près de 50 % de jeunes se sont retrouvé.e.s à la rue après leur coming out. En cause ? Des dogmes religieux fermés et des croyances dépassées. Les textes prêchent le respect, mais la religion rétropédale lorsqu’il s’agit d’avancées sociétales.

Pauline a évolué dans un milieu catholique. Elle-même guidée par une foi indubitable, elle savait que son coming out familial allait être délicat. Avec des pincettes, elle prend la température et jette des indices d’un pas hésitant. Alors qu’elle prend son envol et qu’elle s’immerge dans le bain universitaire, Pauline chausse les baskets de l’assurance.

Prête à se livrer à cette chevauchée de haute voltige, elle engage le dialogue avec ses parents. De passage pour fêter son anniversaire dans son logement étroit, ils paraissent décontractés. Pauline leur tend des perches, mais cette technique confuse passe à la trappe.

« C’était le jour de la Manif pour tous. Je leur montrais ma fascination pour les militants, je disais que ça me touchait… Mais ils ont directement changé de sujet »

Une libération qui se solde par des déceptions

Finalement, elle se rétracte et patiente. Une attente interminable qui la ronge doucement. Elle imagine une mise en scène nette pour éviter les fausses notes et les démarrages laborieux. Lors d’un trajet en voiture, sa mère pilote pour la conduire à un rendez-vous médical. Durant ces deux heures de route, Pauline se mord les doigts, agite son pied et tremblote. Ce moment est crucial. Encore une fois, elle se bride et lance des parades originales comme des bouteilles à la mer.

« J’ai mis “Amour Censure” de Hoshi sur mon téléphone. Je voulais attirer son attention alors je lui ai dit de bien analyser les paroles »

Cette musique qui dresse fièrement la flamme arc-en-ciel est une ode à la communauté LGBT+. Embourbée dans l’ignorance, sa mère reste muette. Obnubilée par la voix du GPS, elle fait mine de ne pas comprendre. Une fois arrivée à bon port, Pauline fait une dernière tentative, sans succès. Elle crève enfin l’abcès en clamant « Maman, réveille-toi, je suis en train de te faire mon coming out ! ».

Le sentiment de malaise semble soulever la coque du véhicule tant il est grand. « Elle n’a pas arrêté de répéter « Ça me dérange pas” ». Une boucle auditive qui transpire de superficialité. Sa mère reste de marbre et enterre cet aveu dans la basse-fosse des souvenirs insignifiants.

Sur la roulette russe de la tolérance, quelques numéros chance

Pour panser cette déchirure inattendue, Pauline peut compter sur ses ami.e.s. Véritables remparts anti-déprimes, iels l’inondent de bonnes ondes et servent de béquilles en cas d’affaissement. Une lueur solaire qui chasse ce nuage gorgé de grisaille et d’idées reçues. D’ailleurs Pauline a été agréablement surprise de la réaction de sa meilleure amie lorsqu’elle lui a fait son coming out. « Pourquoi tu paniques ? L’amour c’est universel, ce qui compte c’est ton bonheur », lui a-t-elle déclaré.

Selon une étude de grande envergure, l’amitié agirait comme un antidote bienfaisant. Elle doperait l’estime de soi et décuplerait notre taux de joie. Si ces récits de coming out sont aussi dévastateurs qu’un ouragan, ils comportent quelques rayons chaleureux. Matthieu, ravagé par son coming out familial, a remonté la pente grâce à son gang soudé.

« Dès que mes ami.e.s ont su, iels étaient euphoriques. C’était à peine croyable. Cette bienveillance et ce soutien m’ont permis d’avancer l’esprit léger »

Même son de cloche pour Jonathan. Lui a été accueilli à bras ouvert par sa maman. Éprise de culpabilité et de remords, elle s’en est voulue de l’avoir parachuté dans un maudit taudis. En récupérant son fils dans un état lamentable, elle prend conscience de la torture mentale qu’il a enduré, sans jamais crier au secours.

« Quand j’ai fait mon coming-out auprès de ma maman, elle m’a simplement répondu “Tu croyais que je ne le savais pas ?”. Puis, elle m’a avoué qu’elle avait déjà flirté avec une fille dans sa jeunesse. Ça m’a scotché »

À l’ère virtuelle, les mises à nu jaillissent de toutes parts

Aujourd’hui, le coming out s’affiche dans toutes les sphères comme un emblème de fierté. Sur la toile, l’acteur Elliot Page levait par exemple il y a quelques temps le voile sur sa chirurgie de réattribution sexuelle. Un torse garni de cicatrices et de points de suture qui a suscité une vague de générosité. Des millions d’internautes ont liké cette photo mémorable.

Le 22 juin 2021, le duc de Bavière a à son tour brisé la glace. Du haut de ses 87 ans, il a posté une photo aux côtés de son conjoint. Un portrait officiel qui prouve que le coming out peut germer à tout âge.

Des échos qui tambourinent ardemment sur les pensées désuètes. Une nécessité pour gommer durablement les injustices et les horreurs qui perdurent dans des contrées perfides.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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