Publicités sexistes : l’image de la femme a-t-elle vraiment évoluée ?

Terminé les pubs sexistes et misogynes ? Pas vraiment si on en croit les rapports de l’association « Résistance à l’agression publicitaire » (RAP) et de l’ARCOM publiés en 2017, 2021 et 2022. Entre clichés archaïques et stéréotypes bien ancrés, la publicité française a encore de gros progrès à faire en termes d’image de la femme.

Une concertation citoyenne

Pendant un an, du 25 mars 2019 au 25 mars 2020, la RAP a mis à disposition des citoyen.e.s, sur internet, une plateforme où chacun.e pouvait accéder à un formulaire de l’Observatoire de la publicité sexiste. On pouvait y inscrire affichage extérieur, spot télévisuel, page de magazine ou encore, annonce radio jugés sexistes.

Le but ? Inclure la société civile dans le débat sur la régulation de la société. Ceci afin de contrebalancer et de compléter l’action de l’Autorité de régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). Au total, la plateforme collaborative a reçu 165 contributions venant de 20 villes différentes. On compte 48 % de contributions parisiennes.

Résultat : multiplication du publisexisme

Sur 110 marques épinglées comme problématiques, quelques-unes se démarquent et représentent à elles seules 15 % des « mauvaises élèves ». De même, 86 % des supports mis en cause dénoncent des affichages extérieurs (panneaux publicitaires, vitrines, mobiliers urbains…) et sont donc visibles par le plus grand nombre.

Enfin, on apprend dans ce rapport datant de 2020 que 81 % des publicités dénoncées concernent le genre féminin, dont 50 % les secteurs de l’esthétisme et de l’apparence. La RAP détaille récemment dans Mediapart :

« Les injonctions observées sont multiples : beauté, jeunesse, minceur, consécration au soin et à la domesticité, soumission à l’expertise et au regard masculin, etc. Les principaux ressorts sont la sexualisation à outrance du corps féminin et l’objectivation des femmes. Avec des effets normatifs et sanitaires dramatiques : discriminations, troubles de l’alimentation et de la consommation, banalisation de la culture du viol, mésestime de soi, etc. »

C’est ce que l’on appelle le publisexisme. Et il est d’autant plus frappant lorsqu’on compare une pub destinée à une femme et son équivalent, destiné à un homme. Le rapport met notamment en avant cette publicité ci-dessous. Précisons qu’elle émane du même club sportif et s’affiche en même temps dans le métro :

Premier cliché au niveau des couleurs choisies pour les affiches : celle destinée aux femmes est rose. Celle des hommes est bleue. Deuxième cliché : celle des femmes les pousse à travailler leur summer body (cela signifie que si elles ne sont pas minces et sportives, elles ne peuvent pas aller sur la plage ?). Celle des hommes encourage ses adhérents à « oser le 42 km ». Les poussant plutôt vers la performance. Au secours…

Une sexualisation toujours prégnante

L’année suivante, l’ARCOM (Autorité publique de la régulation et de la communication audiovisuelle et numérique) examinait 2 310 publicités diffusées entre octobre 2021 et mai 2022. Elle a comparé ces résultats à ceux d’une étude similaire réalisée en 2017. Plus précisément, les études se sont intéressées à « l’évolution de la représentation des stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité ». Les résultats sont sans appel : pubs et féminisme ne font pas bon ménage. En effet, ces études démontrent que les femmes sont encore trop sexualisées dans les publicités.

Pour identifier les contenus connotés sexuellement, l’ARCOM a noté « les comportements tels qu’une attitude très suggestive, une simulation d’acte sexuel ou encore les cadrages insistant particulièrement sur certaines parties intimes du corps ». Parmi les publicités visionnées, 40 % imagent un rapport de séduction entre des hommes et des femmes (majoritairement dans des relations hétérosexuelles).

« 58 % des personnages féminins sont sexualisés et représentés en objets de désir, contre 2 % des hommes. »

Et même si la nudité est en baisse à l’écran, 49 % des femmes sont représentées partiellement ou totalement nues. Ce chiffre descend à 24 % concernant les hommes.

Malgré les progrès notables, les stéréotypes de genre persistent

Entre l’étude menée en 2017 et celle publiée en 2022, l’ARCOM note un progrès. Elle affirme que les publicités se rapprochent de la réalité sociale puisque les femmes sont présentes dans la moitié d’entre elles. On ne peut tout de même s’empêcher de constater que les clichés règnent toujours.

En effet, elles sont éternellement relayées aux pubs relatives aux soins du corps, à l’apparence et aux tâches ménagères (92 %). Qui plus est, les femmes sont généralement statiques face à la caméra. Les hommes quant à eux s’attellent à 88 % aux activités de bricolage, de travaux ou de mécanique et sont représentés en mouvement. L’étude souligne aussi une donnée surprenante dans le champ de l’alimentation.

« Les hommes sont nettement majoritaires parmi les chefs cuisiniers (86 %) et les femmes plus nombreuses parmi les cuisinières domestiques (53 %). (…) D’ailleurs, particulièrement dans la catégorie “alimentation”, plusieurs publicités présentent encore des scénarios où les femmes s’affairent aux tâches domestiques pendant que les hommes mangent ou se divertissent. »

Il semble ainsi que les stéréotypes de genre, même les plus basiques, subsistent dans le monde de la publicité. C’est d’ailleurs ce que s’emploie à dénoncer le compte Instagram @Pépitesexistes pour faire bouger les lignes.

Existe-t-il une once d’espoir ?

Derrière ces chiffres effrayants subsiste un soupçon d’espoir : en 2022, 48 % des sujets abordés par les chaînes d’information portaient sur les violences faites aux femmes. Mieux encore, plus d’un tiers proposaient des « solutions aux discriminations faites aux femmes » afin de briser ces stéréotypes sexistes. Qui plus est, les femmes sont désormais majoritaires dans la représentation d’activités scientifiques et la conduite de véhicules.

De l’autre côté, les hommes sont plus souvent montrés exécutant une tâche ménagère ou s’occupant seuls des enfants (56 %). Cela étant dit, s’ils sont montrés avec leurs chérubins, il s’agit de moments d’amusement. À l’inverse, les femmes sont en charge des soins et émotions.

Quelles solutions face aux publicités trop sexistes ?

Le fond n’est pas seul dans le viseur de la RAP et de l’ARCOM. La forme est également dénoncée. En effet, ces publicités sexistes nous sont littéralement imposées. On les croise le plus souvent dans la rue, à l’arrêt de bus ou en prenant le métro. Si certain.e.s n’y font pas attention, cela peut-être perçu comme agressif pour d’autres. Pire encore, cela peut valider certains stéréotypes sexistes.

Comme le rappelle la RAP, nous n’avons pas le choix que d’y être confronté, ce qui nous brime dans notre liberté. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les publicités de 1950 avec la fameuse ménagère ne sont finalement pas si loin :

« Les publicités sexistes ont peu évolué, voire se sont renforcées. La déformation et la sexualisation du corps féminin, la récupération du féminisme, la mise en scène des femmes comme des êtres faibles et ignorants persistent. Son analyse juridique démontre enfin que la législation en vigueur serait insuffisante. La pub est, en effet, régulée par le secteur lui-même (ndlr, la fameuse ARPP), à la fois juge et partie. »

Alors que faudrait-il faire pour que les choses changent et évoluent dans le bon sens ? Le rapport de l’RAP datant de 2020 évoque trois propositions concrètes :

  • Mettre fin à l’autorégulation publicitaire en créant une instance de régulation indépendante et dotée de pouvoirs de sanction. Car, selon la RAP, l’ARPP « condamne, au mieux, une campagne publicitaire par un avis défavorable publié sur son site bien après la fin de cette dernière. Et au pire, elle ne fait rien du tout ».
  • Agir d’un point de vue législatif, en écrivant clairement dans la loi, l’interdiction du sexisme dans la publicité. En 2019 par exemple, le Royaume-Uni a interdit toute publicité sexiste.
  • En n’utilisant plus de corps entiers, morcelés, humains ou humanoïdes dans la publicité.

Parce qu’elle est partout et qu’elle influence notre regard, la publicité devait se montrer exemplaire. Or, c’est encore loin d’être le cas. Il est grand temps que les mentalités évoluent et cessent de véhiculer des clichés néfastes envers les femmes (et même les hommes).

Amandine Cadilhon
Amandine Cadilhon
Journaliste mode, mes articles, mettent en lumière les diverses tendances et styles qui façonnent l'univers de la mode féminine. Mon objectif est de proposer un contenu diversifié et accessible à toutes et tous, en soulignant l'importance de l'expression personnelle et de l'empowerment à travers la mode.
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