Autrefois le terme métrosexuel s’accrochait aux hommes apprêtés, à ceux qui rentraient la chemise dans le pantalon, qui se coiffaient avec minutie et qui ne se contentaient pas seulement d’un coup d’after-shave. Mais ce terme, en contradiction avec la virilité brute, a fait son temps. Aujourd’hui, il trouve des variantes moins ambiguës.
Le métrosexuel, symbole de liberté masculine
Il se balade en mocassin avec le magazine GQ dans une main et une besace en cuir dans une autre. Il a un look travaillé, une coiffure impeccable et une démarche confiante, presque hautaine. Cet homme-là, il s’y connaît plus en produits de beauté qu’en grosse cylindrée. Ce qui le passionne, ce ne sont pas les matchs de foot ou la mécanique, mais les dernières tendances capillaires et les défilés de la Fashion Week. À la différence du mâle alpha qui passe tout son temps dans les pubs, son paradis à lui s’appelle Sephora. Voilà le portrait type du métrosexuel des années 2000.
En contradiction avec le « gros dur insensible » qui laisse ses poils s’épanouir et qui se passe volontairement de déodorant, le métrosexuel prend soin de lui et s’amuse avec les codes. Pour ce type d’hommes, guéri de la virilité, sortir en jogging sans parfum ni coup de peigne est un sacrilège. Le métrosexuel de l’époque, incarné par Jared Leto ou encore Zac Efron, était souvent pris pour un « homme gay ». Aux yeux de la société, un homme qui se faisait des masques à l’argile et qui exigeait une coloration chez le coiffeur, c’était forcément « suspect ». Comme une nouvelle étiquette, le terme « métrosexuel » n’a pas tardé à devenir une variante plus « acceptable » du mot « gay », selon certaines personnes.
Pourtant, selon la définition qu’en tire le journaliste britannique Mark Simpson qui en est l’auteur, ça n’a rien à voir. Le mot métrosexuel est la contraction des mots « métropolitain » (pour le style de vie urbain) et « sexuel » (pour évoquer une conscience de son pouvoir de séduction). Même si le mot « métrosexuel » symbolisait la renaissance d’un genre, il avait la fâcheuse tendance à enferme les hommes dans des cases.
Le looksmaxxer, successeur du métrosexuel
Au fil des années, le métrosexuel a laissé place à d’autres « modèles ». Il y a d’abord eu le « spornosexuel », un mélange explosif entre « sport », « porno » et « sexuel ». Un néologisme trouvé par Mark Simpson, l’inventeur du terme « métrosexuel ». Le « spornosexuel » n’avait plus l’allure d’une fashion-victime et comptait moins de produits dans son vanity mais il était toujours très attentif au paraître. Il ne trouvait plus son bonheur sur le siège ciré des coiffeurs, mais entre les machines des salles de sport et sur la table des tatoueurs.
En quête d’un corps qui se regarde avec admiration et qui se rapproche du fantasme, il affichait une musculature sculptée, mais trop imposante, des tatouages et des piercings. Il le mettait en scène à travers des hauts à col V plongeant, des polos choisis une taille en dessous et des shorts à ras de la cuisse.
Mais tout comme le métrosexuel, le spornosexuel a aussi tiré sa révérence pour voir naître le looksmaxxer. Une version plus aboutie, mais aussi plus extrême. Vestiaire sans fausse note, régime alimentaire bien rodé, routine beauté millimétrée, le looksmaxxer ne fait pas dans la demi-mesure. Il fait du yoga, maîtrise le rouleau de Jade comme personne et réclame des permanentes chez le coiffeur. Il ne frôle pas la féminité, il l’embrasse sans complexes. Sauf que voilà, il succombe aussi aux standards de beauté et n’hésite pas à recourir à la chirurgie plastique. Cet homme, qui, dans les années 2000 arborait foulard et jean slim, se crémait le visage et se rasait de fond en comble a fini par devenir une caricature.
Fini les étiquettes, place à l’homme pluriel
Le métrosexuel a ouvert une brèche. Mais c’est l’homme pluriel, libre et assumé, qui l’a remplacé. Un homme qui n’a pas besoin d’un mot pour justifier qu’il se maquille, fasse du yoga, porte du rose ou se montre vulnérable. Le besoin de se définir s’efface devant la liberté d’exister tel qu’on est. Métrosexuel, spornosexuel, finalement les hommes peuvent facilement se perdre dans ces termes qui se targuent d’être « progressifs ».
Aujourd’hui, les hommes queer, trans, racisés, ou simplement non-conformes aux normes dominantes occupent la scène médiatique, influencent les codes de beauté, et déconstruisent les étiquettes. L’ère est à la fluidité, pas aux cases bien délimitées.
Alors oui, on peut dire merci au métrosexuel. Il a permis à une génération d’hommes d’oser un rapport différent à leur image, à leur corps, à leur sensibilité. Il a bousculé les normes de genre. Mais aujourd’hui, l’essentiel n’est plus dans la validation extérieure. Il est dans la connexion à soi.