Elle retire son haut et plonge dans le bassin masculin : le geste fort d’une nageuse trans

Elle s’est présentée devant son couloir de nage la poitrine libre, sans l’ombre d’un maillot de bain. Vêtue d’un simple slip, Anne Isabella Coombes, nageuse britannique de 67 ans, a participé à une compétition officielle avec le strict minimum sur ses courbes. Un geste à contre-courant des règles, qui exigent aux femmes de porter un maillot une pièce, mais surtout un acte militant pour dénoncer le manque de tolérance à l’égard des sportives trans.

Nager sans haut, la revendication en toile de fond

C’est une scène qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a inondé les réseaux sociaux. Avant de se jeter à l’eau, Anne Isabella Coombes, s’est délestée de sa serviette et de son haut de maillot. Hissée sur le plot de départ, les bras tendus et la poitrine à l’air, elle s’est élancée dans les eaux chlorées du comté de Cornouailles aux côtés des hommes. Si d’ordinaire, lors des championnats officiels, les femmes sont soumises au traditionnel maillot une pièce, Anne a fait une entorse au règlement, d’ailleurs très contradictoire en ce qui la concerne. Fidèle au club de natation de Reading depuis plus de trente ans, la femme amphibie s’est jetée dans le grand bain et a changé de sexe il y a cinq ans pour être pleinement elle-même.

En 2023, elle a concouru à une épreuve Masters à Sheffield dans la catégorie féminine. Elle se sentait enfin à son aise au milieu de cette rangée de femmes. Alors que de nombreux détracteurs reprochent aux athlètes trans de pénaliser leurs concurrentes et d’avoir un avantage physique sur elles, Anne Isabella Coombes rappelait « Je veux que ce soit clair : je ne suis pas là pour prendre la place de qui que ce soit ». Au moment de la compétition, elle est arrivée deuxième, sans jamais talonner son adversaire, qui avait pulvérisé un record européen.

En septembre dernier, Swim England, fédération anglaise de natation, a réécrit le règlement, en défaveur des athlètes trans. Elle a créé deux catégories bien définies, une dédiée aux personnes qui ont été assignées fille à la naissance et une autre un peu « fourre tout » destinée aux hommes cis, aux personnes trans et non-binaires. Un choix qui ne coule pas du tout de source pour la principale concernée.

Une nageuse trans qui évolue en eaux troubles

Cette nouvelle mesure, qui filtre un peu plus les genres, n’est pas très limpide. Anne Isabella doit investir le bassin des hommes et jouer des coudes avec eux, mais son dress code est différent de celui de ses homologues. Au lieu de se fondre dans la masse, elle porte l’étiquette « trans », à cause de cette tenue qui ne s’arrête pas au nombril, mais qui remonte jusqu’au buste. « On m’impose de nager avec les hommes, mais dans un maillot une pièce féminin. Cela m’expose publiquement comme trans, sans que j’aie mon mot à dire. C’est exactement ce que je voulais dénoncer en nageant torse nu, comme les autres hommes », explique-t-elle sur Out.

Loin d’être un problème de surface, c’est avant tout un sujet de fond qui s’étend bien au-delà de la natation. Ce débat, qui ne devrait même pas en être un, revient inlassablement comme le va-et-vient rugissant des vagues. Cette règle infondée que Anne Isabella dénonce dans le silence d’un plouf, mais à travers une image bruyante est source de discrimination. Elle témoigne d’un manque d’ouverture d’esprit criant dans le milieu sportif.

« Le maillot que je porte peut m’être interdit si l’arbitre le juge contraire à la « morale » ou à la sécurité. Cette appréciation subjective ne s’applique à personne d’autre. Ces règles, en réalité, me traitent encore comme un homme », abonde-t-elle.

La partie visible d’un iceberg bien profond

Dans l’imaginaire collectif, beaucoup pensent qu’une femme trans a un pouvoir de supériorité face à d’autres sportives, nées femmes. Il suffit d’ailleurs d’une victoire parmi d’autres pour remettre de l’eau dans le gaz. En avril dernier, une femme trans, en tête d’une course féminine organisée dans l’Oregon, s’est vue accusée d’imposteure, de « tricheuse ». Pourtant un rapport CCES précise « il n’existe aucune preuve solide indiquant que les femmes transgenres bénéficient d’un avantage cohérent et mesurable en termes de performances globales après 12 mois de suppression de la testostérone ».

Malgré ça, la transphobie imprègne toutes les disciplines sportives et se déverse jusque dans le règlement intérieur, de plus en plus féroce avec les athlètes du bord arc-en-ciel. Et depuis la réélection de Trump, le ton se durcit de plus en plus. L’actuel résident de la Maison-Blanche entend même laisser les athlètes trans sur la touche. Il a d’ailleurs fait germer un décret, voué à couper les subventions fédérales aux organisations permettant à des élèves transgenres de figurer dans les équipes sportives féminines.

« Ce que je défends, c’est le droit de participer sans être stigmatisée, sans devoir choisir entre invisibilisation et humiliation. Les Masters ont toujours été un espace inclusif. Ce n’est plus le cas aujourd’hui », regrette Coombes. Comme une bouteille à la mer ou un pavé dans la mare, la « femme poisson » espère que son geste fera réfléchir la fédération.

Loin de faire une tempête dans un verre d’eau, la nageuse anglaise réclame simplement respect et bienveillance. Elle veut recentrer l’attention sur la performance et redonner de l’oxygène à ses consoeurs trans, à bout de souffle et d’énergie.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.

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