Transidentité : 5 conseils pour accompagner son enfant trans

Durant l’enfance de nombreuses questions viennent percuter les esprits innocents et tous les sens sont en alerte. Dès leur plus jeune âge, certains bambins sont traversés par des réflexions matures. « Pourquoi est-ce qu’il y a autant de gens pauvres sur Terre ? », « Pourquoi les super-héros n’existent pas dans la vraie vie ? », « Comment ça se passe quand on rejoint le ciel ? »… Les points d’interrogation se chevauchent et les réponses surviennent parfois trop tardivement. Depuis quelques années, des petits garçons ou des fillettes s’interrogent aussi sur leur identité. En toute légitimité, il·elle·s affirment qu’il·elle·s ne sont pas né·e·s dans le bon corps. Pour éviter les termes trop « effrayants », les spécialistes parlent alors de « dysphorie de genre ». Au cœur des grands débats, ce ressenti précoce reste encore incompris. Pourtant, les enfants trans représentent une naissance sur 500 en France. 

Des documentaires pour briser le tabou

Le 2 décembre 2020, Arte se consacrait à cette épineuse thématique dans un documentaire intitulé « Petite fille ». On y découvrait le portrait lumineux de Sasha, 8 ans, une enfant transgenre. Née avec un sexe masculin, Sasha a cette impression presque injuste d’avoir des attributs étrangers. Malgré sa petite taille et son côté candide, elle revendique fièrement son identité. D’une voix zozotante, elle clame haut et fort : « Je suis une fille ». Malgré les préjugés, la sidération des plus arriéré·e·s ou encore les critiques infondées, Sasha bouscule les codes. Ce long-métrage inédit est une ode à l’acceptation de soi et de ses différences.

Derrière cette œuvre ponctuée de bienveillance se cache aussi un combat politique et sociétal puissant. « Notre objectif et celui d’Arte, est de toucher le plus de personnes possible afin de faire évoluer les consciences », déclarait la réalisatrice, Muriel Meynard, au média Marianne. Sasha et ses parents souhaitent un changement d’identité concret. Mais les démarches s’apparentent à un véritable parcours du combattant. À travers sa lutte acharnée pour une plus grande reconnaissance, Sasha est devenue le porte-voix des enfants trans. Depuis, les paroles se libèrent.

La France revêt le bonnet d’âne

Dernièrement, les projecteurs de tous les plateaux télé étaient tournés vers Lilie, 8 ans. Emprisonnée dans une enveloppe charnelle de garçon, la jeune fille se sent délaissée par les grandes Institutions. Son discours aussi touchant que sincère n’a pas convaincu l’élite juridique. Ses parents avaient fait une demande à l’État Civil pour changer son prénom sur les registres. Et le 9 mars dernier, le verdict tombe, la famille reçoit une réponse négative du procureur. Une annonce au goût amer qui a révolté les associations LGBT. Sur la toile, les avis sont mitigés, mais l’indifférence domine. « Moi à son âge mon seul problème était de savoir si les zinzins de l’espace allaient réussir à rentrer chez eux », peut-on lire sur Twitter.

Le grand public reste sceptique devant la « dysphorie de genre ». Et pour cause, la France fait partie des mauvais élèves en matière de transidentité. L’accompagnement est encore balbutiant et les structures d’accueil se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant, chez les enfants trans, une grande souffrance s’esquisse. Entre rejet social, discriminations et déconsidération, ils s’enferment dans une bulle destructive. Dans l’Hexagone, plus de 65 % des jeunes transgenres de 16 à 26 ans ont déjà envisagé le suicide d’après une étude de HES/MAG en 2009. Plus alarmant encore : un tiers d’entre eux serait passé à l’acte.

La « tolérance » comme mot d’ordre

Selon un rapport publié par le Conseil de l’Europe en 2013, il est essentiel que l’entourage, les parents, l’école et le personnel soignant acceptent la perception que ces jeunes ont d’eux-mêmes. De nombreux spécialistes mentionnés dans le texte émettent aussi des recommandations pour ne pas sombrer dans l’inquiétude. Ils préconisent aux parents d’apprendre à « tolérer » les incertitudes de l’enfant. Ils ont véritablement besoin de se sentir soutenus. Pour éviter les maladresses et les discours culpabilisateurs, on lève le voile sur une batterie de conseils aussi positifs qu’instructifs.

1 – Être à l’écoute et ne pas brusquer l’enfant

Dès qu’une petite fille préfère les perceuses aux Barbies ou qu’elle quémande une coupe courte, on lui colle l’étiquette de « garçon manqué ». Ce terme peut sembler anodin à première vue, cependant certains spécialistes confirment qu’il renforce la pression psychologique.

En effet, les clichés genrés trônent en maître dans toutes les sphères. Que ce soit à la télévision, dans les magazines ou sur les abribus… tous les supports nous enferment dans un carcan presque inaliénable. Si votre bambin ose sortir de ces cases prédéfinies par la société, laissez-le s’exprimer. La phrase : « J’ai l’impression de ne pas être né dans le bon corps » peut susciter de la peur.

Si vous réprimez ces paroles et que vous l’ignorez, votre enfant aura tendance à se renfermer. En quête d’acceptation, votre enfant scrutera à la loupe votre comportement. Le mot d’ordre est donc le contrôle. Si vous l’écoutez, que vous le confortez dans son choix et que vous manifestez de l’empathie, alors il.elle se sentira libéré d’un poids. Les statistiques le confirment : 57 % des jeunes trans dont les parents ont été rejetés font une tentative de suicide, contre 4 % des jeunes trans qui ont des parents qui les soutiennent.

2 – Se documenter pour mieux comprendre la transidentité

Dans certains cas de figure, les parents se sentent totalement désarmés devant cette annonce. « À quoi va ressembler mon enfant après l’opération ? », « Pourquoi est-ce que ça arrive maintenant ? », « Comment est-ce que je vais en parler au reste de la famille ? »… de nombreuses questions vous taraudent et les idées préconçues se hissent en toile de fond. Heureusement, plusieurs associations recèlent de renseignements précieux. C’est le cas du site « Wikitrans » qui a créé un petit guide sur les clichés autour de la transidentité. « ANT » est un autre site militant qui regroupe les nouveautés juridiques et les projets de loi.

Dans un registre plus ludique et compréhensible pour les enfants transgenres, on retrouve un large panel de livres jeunesse qui explorent le sujet. « La Face Cachée de Luna » de Julie Anne Peters ou encore « Buffalo Belle » d’Olivier Douzou s’attaque de façon décomplexée à la transidentité.

3 – Lui montrer d’autres figures trans

En France, 85 % des personnes transgenres disent avoir été victimes de discrimination. Pointé du doigt par leurs camarades, charrié.e dans la cour de récré… votre enfant risque de se sentir « anormal ». Pour le rassurer et lui prouver qu’il.elle n’est pas seul.e dans cette situation, montrez-lui des personnalités transgenres.

Le 1er décembre 2020, l’acteur de « Juno » et « Umbrella Academy », Elliot Page, a fait son coming-out transgenre et non-binaire par exemple. Une nouvelle réjouissante pour les parents d’enfant trans. Parmi les tweets bienveillants, une maman saluait d’ailleurs « ce genre de médiatisation et d’acceptation ». En piochant sur le web, on trouve aisément des célébrités inspirantes et encourageantes. On peut citer la talentueuse Hunter Schafer mise à l’honneur dans la série « Euphoria » ou encore Petra Levine, première femme transgenre nommée ministre de la Santé aux États-Unis.

4 – L’aider à s’assumer

Pendant une virée shopping, votre garçon tend son bras vers des jupes, des robes et des petits tops à paillettes ? Ne le freinez pas dans son élan. S’il entame la démarche c’est qu’il se sent en confiance à vos côtés. Idem si vous le surprenez dans la salle de bain en pleine séance de maquillage. Au lieu de hausser le ton, tentez une approche douce et raisonnée. Vous pouvez lui mimer les gestes, lui expliquer à quoi sert tel ou tel produit.

Si vous préférez les techniques créatives, misez sur le dessin. Demandez à votre enfant comment est-ce qu’il aimerait être. En l’épaulant, vous renforcez la complicité et décuplez le sentiment de sécurité.

5 – L’alerter sur la transphobie

La transidentité soulève de nombreuses questions chez le grand public. Et parfois, elles peuvent s’avérer gênantes, voire déplacées. Cette curiosité débordante devient très envahissante. En 2019, le ministère de l’intérieur a recensé 1 870 personnes victimes d’infractions à caractère homophobe ou transphobe, principalement des injures ou agressions, soit une hausse de 36 %. Des regards désobligeants aux insultes blessantes en passant par le harcèlement virtuel, les enfants trans ne sont pas épargnés. Et malgré leur insouciance, ils portent des stigmates à vie.

Alors, pour le protéger et l’alerter, la prévention est nécessaire. À l’école, le gouvernement a lancé un plan national d’actions pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. À la maison, vous pouvez diffuser des dessins animés pour que votre enfant comprenne mieux de quoi il s’agit. Le court-métrage d’animation « Les lèvres gercées » aborde la thématique du genre. Et de manière plus large, « Chouette, pas chouette » démonte les stéréotypes sexistes.

Si votre enfant est victime de transphobie, vous pouvez vous tourner vers la plateforme SOS Transphobie.

Notons qu’une fois de plus, les Pays-Bas remportent la palme d’or de la tolérance. La terre des tulipes regorge d’initiatives inspirantes. Le travail de sensibilisation des parents, des enseignant.e.s et des équipes médicales est beaucoup plus abouti. D’ailleurs les résultats en attestent. Les jeunes trans y sont beaucoup plus épanouis et en ressortent plus matures. Et si on s’en inspirait ?

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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