« Quoi ? Déjà Noël ? », « Comment ça, il est déjà 18h ? », « Mais où est passé le mois de mai ? »… Si vous vous reconnaissez dans ces phrases, rassurez-vous, vous êtes loin d’être seule. À mesure que les bougies s’accumulent sur le gâteau, un phénomène étrange semble s’installer : le temps s’emballe. Et tout particulièrement après ce fameux cap des 30 ans.
Une perception qui se transforme avec l’âge
Souvenez-vous de ces interminables journées d’école, de ces après-midis d’été qui semblaient ne jamais finir. À 6 ans, une semaine pouvait sembler aussi longue qu’un trimestre aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que le cerveau d’un enfant est littéralement en feu d’artifice permanent. Chaque expérience est une première : premier vélo, premier amour, premier mensonge (oui, même ça). Ces découvertes stimulent intensément le cerveau, créant une densité de souvenirs qui donne l’impression que le temps est plus long.
Chez l’adulte, les journées sont souvent rythmées par des automatismes : métro, boulot, dodo… même en mode télétravail. Moins de nouveautés = moins d’ancrages mémoriels. Résultat ? Les jours s’enchaînent, les semaines se fondent les unes dans les autres, et hop ! Une année de plus.
Le cerveau, ce vieil horloger
Le professeur Adrian Bejan, chercheur à l’université Duke, a proposé une explication fascinante à cette sensation d’accélération. Selon lui, notre perception du temps est liée au nombre d’images mentales que notre cerveau traite. Plus le cerveau capte d’informations visuelles, plus le temps semble s’étirer. Chez l’enfant, les circuits neuronaux sont rapides et alertes, ce qui permet une grande réactivité et un flot constant de « captures d’écran » mentales.
Avec l’âge, cette cadence ralentit. Notre cerveau prend un peu plus son temps, filtre davantage, et stocke moins d’instantanés. Résultat ? Moins de moments marqués = une impression que le temps s’échappe entre les doigts.
Métabolisme ralenti, temps comprimé
À cela s’ajoute une composante physique : le métabolisme. Quand vous étiez enfant, votre cœur battait plus vite, vous couriez partout, vous aviez une énergie quasi inépuisable. Ce rythme effréné donnait une temporalité dynamique à la vie. En vieillissant, notre corps, tout en restant magnifique et plein de ressources, ralentit naturellement. Le cœur bat moins vite, la respiration est plus calme, et les journées actives deviennent parfois plus courtes. Ce ralentissement corporel crée un décalage avec l’environnement extérieur, qui, lui, reste rapide. Et ce contraste accentue cette impression de fuite du temps.
Une histoire de proportions
Le cerveau est aussi un excellent mathématicien – à sa manière. Pour un enfant de 5 ans, une année représente un cinquième de sa vie. Un laps de temps énorme. À 35 ans, une année n’est plus qu’un trente-cinquième. Ce qui change tout dans notre perception : chaque nouvelle année devient une fraction de plus en plus minuscule de l’ensemble. C’est ce qu’on appelle la « théorie logarithmique du temps ». Et selon ce modèle, les cinq années entre vos 5 et 10 ans peuvent paraître aussi longues que vos trente prochaines.
Moins de premières fois, plus de copier-coller
Les souvenirs forts donnent de l’épaisseur au temps. Premier job, premier appart’, premier amour… ces moments sculptent des repères mentaux. Après un certain âge, les grandes premières se font plus rares. Le quotidien s’uniformise, et même les grandes étapes (changement de carrière, déménagement, mariage, naissance d’un enfant) finissent par entrer dans un certain moule de familiarité. C’est humain, mais cela a un coût temporel : les journées deviennent moins distinctes, et l’année semble se résumer à un clignement d’œil.
Comme le dit joliment la psychologue Sophie Domingues : « Notre mémoire encode plus facilement l’inédit. Ce sont les émotions, les surprises, les inattendus qui donnent une densité au temps. Une vie trop linéaire l’érode ».
Peut-on ralentir cette impression ?
Même si on ne peut pas freiner le temps qui passe, on peut jouer sur la perception qu’on en a. Comment ? En injectant de la nouveauté dans votre quotidien. Apprenez un nouvel instrument, cuisinez une recette d’un pays que vous n’avez jamais visité, sortez du chemin habituel, prenez un cours de danse contemporaine ou improvisez un voyage. Bref, étonnez-vous !
La pleine conscience, la méditation ou même un simple journal de bord peuvent aussi aider à ralentir la cadence mentale. Poser un regard plus attentif sur l’instant, prendre le temps de ressentir, de goûter, d’observer, permet de redonner de la texture à chaque moment.
Alors non, vous ne rêvez pas : passé 30 ans, le temps semble bien passer plus vite. Toutefois, ce n’est pas une fatalité. C’est une incitation à se reconnecter à soi, à sortir du pilotage automatique, à faire de chaque jour un chapitre plutôt qu’un paragraphe effacé. Ce n’est pas tant le temps qui accélère, que nous qui avons arrêté de lui donner de la saveur. Vous avez le droit de ralentir, de changer de rythme, de créer des souvenirs inoubliables. Parce que le temps n’est pas votre ennemi. Il est votre compagnon de voyage. Et ce voyage, vous méritez de le vivre pleinement, à votre manière, à votre cadence.