Musées du sexe : peuvent-ils répondre au manque d’éducation sexuelle ?

Ils ne passent pas inaperçus dans les centres-ville des grandes métropoles. Les musées du sexe donnent le ton dès leur devanture. Mannequin de cire en porte-jarretelle, statues entièrement dénudées, godes préhistoriques, lumière rouge façon cam girl… vous savez où vous mettez les pieds. Mais ces lieux culturels dédiés à l’entrejambe sont surtout explorés pour rigoler entre deux balades, pas forcément pour prendre des notes sur un calepin. Pourtant, ils sont beaucoup plus fournis que les pages de SVT consacrées à la sexualité. Des objets érotiques aux sculptures très suggestives, les musées du sexe font l’inventaire des pratiques sensuelles et de l’intimité. Cependant, ressortez-vous de ces espaces campés par des vulves et des pénis avec plus de savoirs ? Pas sûr…

Des musées à portée artistique et comique plus que pédagogique

Amsterdam, Prague, New York ou encore Berlin, presque toutes les grandes villes évoluées du globe en compte un dans leur décor. Les musées du sexe interpellent sur le chemin. À leur vue, les touristes se stoppent net. Si les plus prudes tracent la route, sans faire étape, c’est loin d’être une généralité.

Beaucoup franchissent la porte de ces galeries tamisées ponctuées de chibres en pierre, de seins XXL en forme de bouée et de masques fétiches. Rien que dans la Venise Hollandaise, le musée du sexe attire un demi-million de visiteur.se.s chaque année.

L’effet « whaou » au profit du sérieux

Les commentaires laissés sur Tripadvisor font état d’une visite amusante et légère, mais ne relèvent pas le côté enrichissant de cette déambulation « hot ». Même si les musées du sexe ont leurs particularités en fonction des pays, ils affichent tous un parti-pris bien marqué pour le hors-norme et le burlesque. Ils sont parfois à la frontière de la pornographie. Certains contiennent des œuvres très « limites » comme le sextoy à l’effigie de Bill Clinton au musée de New York ou la représentation robotisée d’un exhibitionniste à celui d’Amsterdam.

La plupart des musées du sexe surfent sur le « spectaculaire », sans jamais aller trop en profondeur dans la sexualité. Ils survolent le sujet et s’en détournent en privilégiant des éléments plus loufoques. Ainsi au lieu de décortiquer le clitoris de façon interactive, le public est mis face à des godes ancestraux improbables, des poupées gonflables et des vieilles couvertures de PlayBoy. Rien à voir avec ce qu’il se passe couramment dans les chambres à coucher.

Finalement, les musées du sexe font presque une satire de la sexualité. Ils cherchent plus à susciter des rires et à enrichir les esprits mal placés qu’à délivrer des leçons académiques sur ce qu’il se trame sous la ceinture. Ils se vantent « sans complexe », mais entretiennent les tabous derrière la braguette.

Des musées du sexe rarement actualisés et parfois misogynes

Comme la majorité des lieux culturels, les musées du sexe ont des collections permanentes, qui ne bougent jamais et restent telles quelles. Cependant, les mœurs évoluent, les pratiques changent et les mentalités se débrident. En ne se mettant pas à jour, les musées du sexe font d’innombrables « hors pistes » et véhiculent des idées complètement vétustes sur la sexualité. D’autant que la plupart des œuvres ne sont pas toujours accompagnées d’explications et invitent clairement à la déduction personnelle.

Les pratiques non conventionnelles à base de fouets, de menottes et de plumes sont régulièrement moquées ou abordées comme des curiosités. Les femmes sont sans cesse dépeintes en objet de désir, mais leur plaisir à elles est complètement passé sous silence. Au musée de New York, il est même possible de s’engouffrer dans un toboggan en se hissant au sein d’une paire de fesses féminine. Utiliser les parties intimes des femmes en attraction sous-entend d’office qu’elles sont pénétrables par n’importe qui.

Les musées du sexe cumulent les horreurs et les éléments poussiéreux. À mi-chemin entre un sexodrome défraîchi, une foire X et un mauvais rêve, ils font plus froid dans le dos qu’ils n’émoustillent. Ils renvoient une image médiocre, graveleuse et grossière de la sexualité. Au terme de l’exploration, vous ressortez avec des souvenirs que vous voulez vite chasser de votre tête. Les seules parties potentiellement pertinentes sont historiques. Mais savoir à quoi ressemblait une ceinture de chasteté au Moyen Âge n’est utile que pour briller en société… Au lit, cette information n’est pas vraiment d’un grand secours.

Mais des expositions ponctuelles qui abordent le sujet frontalement

Si les musées du sexe appauvrissent les connaissances plus qu’ils ne les nourrissent, tout n’est pas perdu pour combler ses lacunes en matière de sexualité. De plus en plus d’expositions temporaires ciblent l’entrecuisse avec franchise et impartialité. C’était le cas du festival « Des Sexes et des Femmes », qui a investi le 59 rue de Rivoli, un squat d’artistes éclectiques, en 2018.

Loin de tirer un portrait vulgaire et risible de la sexualité, cette exposition prenait un ton plus sérieux, voire grave. Inceste, viol, mutilations génitales, violences obstétricales… ces sujets, pris dans le secret des culottes, étaient au cœur de l’exposition. D’ailleurs, cet événement ne consistait pas seulement à lire des petites pancartes de façon scolaire. Il conjuguait activités ludiques, mises en pratique et débats. Vous pouviez également participer à un atelier « dessine ton sexe » pour mieux déchiffrer vos parties intimes. Un programme attrayant et engageant qui laissait les tabous de l’autre côté des murs.

Dans le même registre, l’exposition « Viva la Vulva » à Rouen mettait à l’affiche diverses anatomies de vulves pour aider les femmes à se réapproprier leur corps. Des petits pavés en plâtre faisaient un zoom sur les portes du plaisir. Au total, 35 moulages de vulves étaient accrochés au mur. Un patchwork intime beaucoup plus réaliste que les lèvres lisses et tirées des actrices de film porno.

Les musées du sexe ne sont pas les meilleurs endroits pour résoudre les questions dérivées du slip. En revanche, de plus en plus d’expositions éphémères pointent les projecteurs sur cette zone « privée » du corps et en donnent un aperçu plus juste. Et si vous voulez prendre de l’avance, vous pouvez aussi regarder des documentaires, des séries ou dévorer des livres. Et pas qu’avec vos yeux.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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