« Anatomie d’une chute » : 6 bonnes raisons de regarder ce film sacré aux Golden Globes 2024

Déjà décoré de la Palme d’Or à Cannes l’été dernier, le film « Anatomie d’une chute » a encore brillé hier soir en raflant deux récompenses aux Golden Globes 2024. Cette création signée Justine Triet recense tous les ingrédients pour scotcher le public à son fauteuil. À la frontière du drame familial, du thriller et de l’essai féministe, ce film conjugue les genres avec adresse. Sa teneur militante qui se dévoile en filigrane et son récit haletant qui éveille toutes les suspicions le hissent au rang de chef-d’œuvre. Dans « Anatomie d’une chute », la réalisatrice dissèque cette société moderne où les couples vacillent et où les femmes tentent de prendre leur place. Au-delà de ses prestigieux titres amplement mérités, voici les 6 bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute », un film qui ausculte l’intimité conjugale à la loupe.

Le scénario est bien ficelé et le suspense latent

Parmi les bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute », il y a d’abord son pitch, qui est plus que convaincant. Le fil rouge de l’intrigue s’enchevêtre autour d’une petite famille, perchée dans la montagne et isolée des regards indiscrets. Sandra et Samuel vivent dans ces paysages immaculés avec leur fils malvoyant de 11 ans.

L’histoire prend un tournant radical lorsque Samuel est retrouvé mort au pied de la maison, gisant dans une mare de sang. Même si l’enquête démarre sans aucune piste concrète, les doutes se portent sur Sandra, qui est alors traînée devant les tribunaux et qui voit sa vie de couple étalée au grand jour.

Pendant 2h30, toute l’intimité des deux parents s’extirpe hors des murs de leur chalet pour s’introduire dans le procès. Chaque détail houleux de leur quotidien à deux est scruté de très près et le moindre « sursaut » pèse un peu plus lourd sur la culpabilité de Sandra. Le couple était en proie aux disputes, mais était-ce un motif suffisant pour commettre un meurtre ? Cette hypothèse est une constante du film.

D’ailleurs, contrairement aux thrillers faciles et prévisibles, « Anatomie d’une chute » ne laisse rien transparaître. La réalisatrice nous manipule habilement jusqu’au dénouement. Elle nous induit en erreur, nous pousse volontairement à l’hésitation et surfe sur nos cordes sensibles. C’est ce climat de tension qui rend le film intense et palpitant.

C’est un film hybride qui mêle plusieurs genres « l’air de rien »

Impossible de classer « Anatomie d’une chute » dans une seule catégorie. Ce film est sans étiquette et c’est ce qui fait sa singularité. C’est un patchwork qui réunit plusieurs morceaux du 7e art. Ce long métrage passe d’un genre à l’autre avec une extrême limpidité et une grande virtuosité. L’intrigue s’amorce sur un drame conjugal, avec la mort suspecte de Samuel. Elle se transforme ensuite en un thriller haletant puis se conclut sur un film judiciaire, à la barre du tribunal, dans une ambiance moite.

Toutes ces influences forment un kaléidoscope narratif saisissant. « Anatomie d’une chute » est un film plein de reliefs. Cette conjugaison scénique ajoute une dynamique et de la fraîcheur à l’intrigue. Loin de perdre le public, elle le galvanise sans cesse. Avec son film, Justine Triet a joué les funambules et s’est illustrée par son agilité à imbriquer les genres. Cette diversité est l’une des bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute ».

Le jeu d’acteur est saisissant

Pour incarner Sandra, femme impénétrable et intimidante, il fallait une actrice d’envergure, à la hauteur de ce personnage énigmatique. C’est tout naturellement que le prénom de Toni Erdmann est venu à l’esprit de Justine Triet. L’actrice allemande avait déjà fait ses preuves dans « Sybil », autre création phare de la cinéaste. Dans « Anatomie d’une chute » elle porte à merveille ce rôle de la femme tourmentée, prisonnière de ses secrets. Cette héroïne ambivalente la transcende. Elle l’anime de la tête aux pieds avec un réalisme qui transperce la caméra.

Face à Sandra, se tient également un avocat général tenace, campé par le grand Antoine Reinartz, visage fort du film « 120 Battements par minute ». Lui, dans son apparat d’homme de loi, assaillit Sandra de questions compromettantes. Il cherche cette petite anomalie qui aurait pu faire basculer le couple dans ses heures sombres. Il n’a qu’une envie : la faire tomber, elle. Tous les mots qui sortent de sa bouche sont des pics aiguisés, des pavés dans la mare. Poussée dans ses retranchements, Sandra ne se laisse pourtant pas abattre. Elle tente de rester droite et se calfeutre sous un bouclier émotionnel.

Ces deux protagonistes donnent encore plus d’aplomb au scénario. Le jeu du petit Daniel est lui aussi à souligner. Le jeune Milo Machado Graner prête ses traits à ce fils tiraillé entre la disparition soudaine de son père et le procès destructeur de sa mère. Ce casting prestigieux fait partie des bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute ».

C’est un film engagé aux intonations féministes

Si le film « Anatomie d’une chute » s’est surtout fait acclamer pour son intrigue bien construite et son récit intimiste aux multiples dimensions, il pose également un regard neuf sur la condition des femmes. Certes, il n’a pas de revendications « féministes » explicites, mais il possède tout d’une œuvre pro-femmes. L’héroïne, elle-même, est l’esquisse d’une femme moderne : forte, confiante et consciente de sa valeur.

Malgré cette façade plutôt inspirante, la cinéaste révèle également un personnage « écorché » et charrié par le doute et les tumultes de la vie à deux. Elle met l’accent sur un couple torturé, passé aveuglément du côté obscur. Dans son film, Justine Triet pénètre dans le cadre feutré de Sandra et son mari. Elle raconte ce qui est d’ordinaire indicible.

Au gré du procès qui rejette la faute sur Sandra, elle explore toute la psychologie de son personnage avec beaucoup de recul et d’impartialité. Contrairement à certaines œuvres enrobées de clichés sexistes, « Anatomie d’une chute » est d’une justesse absolument remarquable. Le film laisse le public se forger sa propre opinion, sans jugements hâtifs ni incitation aux stéréotypes. Il convertit le male gaze en un rafraîchissant female gaze, plus objectif. Cette essence féministe, qui se révèle subtilement en fond de l’intrigue, est une des bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute ».

Il a une esthétique soignée

Malgré sa noirceur dominante, ce film a un côté contemplatif. Il relève quasiment de la toile artistique. Il y a d’abord ce sang rouge sur une neige blanche et pure qui est une belle métaphore du couple, en lui-même, très nuancé. Les paysages montagneux où se trame l’intrigue, eux aussi, participent à ce mystère ambiant. Ils ajoutent une couche supplémentaire d’étrangeté, tout en insufflant une certaine tranquillité.

Les plans, eux aussi, créent une sorte d’angoisse palpable. Ils sont furtifs, parfois mouvementés et captent les expressions faciales de très près, ce qui donne l’illusion d’être au coeur de l’intrigue, au sommet des massifs Grenoblois. Cette esthétique bien léchée est une des bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute ». Elle apporte plus de véracité et de vivant à l’histoire.

Il a remporté plusieurs titres

Parmi les bonnes raisons de regarder « Anatomie d’une chute », il y a enfin son honorable palmarès et ses multiples distinctions sur la scène du 7e art. Après avoir reçu la Palme d’Or à Cannes en juillet dernier et le prix de la meilleure réalisatrice à la cérémonie des European Film Awards de Berlin, « Anatomie d’une chute » a été nommé à quatre reprises aux Golden Globes 2024.

Meilleur film dramatique, meilleur film en langue étrangère, meilleure actrice dans une comédie dramatique (pour Sandra Hüller) et meilleur scénario… Le long-métrage a encore reçu les éloges d’un jury unanime et profondément reconnaissant de ce travail filmographique minutieux. Justine Triet a d’ailleurs répondu à cette ultime ovation avec un discours honnête, teinté d’humour. Ces diverses acclamations érigent ce film en monument du cinéma et suffisent à franchir les salles obscures.

« Anatomie d’une chute » est une oeuvre vertigineuse. Elle fait l’état des lieux d’une femme, écrasée par le poids des accusations et piétinée par la société. Ce film, qui fait une analyse chirurgicale de la descente aux enfers de Sandra, a placé Justine Triet sur un beau piédestal. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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