Elle a des crocs, des oreilles pointues, une allure de gremlin malicieux… et pourtant, elle pend des poignées de sacs Prada et s’exhibe fièrement en première ligne des défilés. Son nom ? Labubu. Longtemps chasse gardée des collectionneurs asiatiques, cette étrange petite créature est devenue, en quelques mois, le nouvel objet fétiche de la mode internationale.
Du jouet de niche à l’icône de mode
Né de l’imagination de l’artiste hongkongais Kasing Lung, Labubu était à l’origine un simple personnage issu de l’univers de l’illustration et des figurines d’art. Sa popularité a explosé grâce à Pop Mart, géant asiatique du jouet à collectionner, qui a transformé cette petite créature en star de l’unboxing surprise. Depuis, elle s’est imposée comme un symbole d’ironie et d’audace dans un monde de mode souvent trop sérieux.
Mi-porte-clés, mi-talisman pop, Labubu est désormais l’accessoire viral que tout le monde s’arrache. Cette poupée n’a rien d’un accessoire de luxe conventionnel. Elle ne scintille pas, n’est pas logotée, et pourtant elle s’impose comme un marqueur d’appartenance à une élite branchée. Son look étrange – mélange d’adorable et de bizarre – intrigue autant qu’il amuse. Selon la stratégiste culturelle Nina Maria, son succès vient d’abord de ce caractère décalé : « C’était niche, ça voulait dire que vous étiez différent ».
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Adoubé par les stars
Comme souvent, l’influence des célébrités a fait le reste. Lisa du girl group sud-coréen de K-pop Blackpink, la chanteuse Dua Lipa ou encore la chanteuse Rihanna ont été vues arborant un Labubu, parfois accroché à leur sac, parfois directement dans leurs mains, comme un accessoire à part entière. Même Valentino, à l’occasion d’un pop-up à Dubaï, s’est mis à en distribuer. Il n’en fallait pas plus pour que l’objet culte entre dans la cour des grandes maisons.
Une touche d’humour dans un monde de rigueur
À l’heure où la mode célèbre le minimalisme et la « quiet luxury », Labubu joue les trouble-fête. C’est un clin d’œil enfantin et ironique, une manière pour celles et ceux qui portent du Loro Piana ou du The Row de réintroduire une forme de légèreté et de nostalgie. « C’est une rébellion joyeuse contre le sérieux des saisons récentes », observe le magazine Stylist.
La styliste Harriet Davey en témoigne elle-même : c’est sa nièce de 11 ans qui lui a transmis le virus. Ce qui n’était qu’un petit caprice familial s’est transformé en 2 heures de queue pour mettre la main sur l’un des porte-clés épuisés. Et elle ne le regrette pas. Car, au-delà du look, Labubu séduit par l’expérience qu’il propose : le frisson de l’attente, le hasard de l’unboxing, l’euphorie de décrocher une figurine convoitée.
Le luxe accessible… et espiègle
Alors que l’accessible en mode se chiffre désormais en centaines d’euros pour une paire de lunettes, Labubu s’affiche à 25 £, soit bien plus abordable que la plupart des accessoires griffés. Pour Nina Maria, il s’agit d’un « flex mode doux » : « On ne peut pas toujours s’acheter un nouveau sac, mais on peut acheter quelque chose qui le rend plus fun, plus personnel ».
Et puis, il y a cette esthétique si particulière : ni kawaii, ni glamour, mais « ugly-cute » – moche à première vue, attachant à la seconde. La stratégiste culturelle Nina Maria y voit une forme d’affirmation identitaire : « C’est comme les Mary Jane. Un peu grotesques, mais à la mode. Ça plaît parce que c’est inattendu ».
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Une obsession générationnelle
Sur les réseaux sociaux, la tendance explose. La plateforme de revente Depop a noté une hausse de 376 % des recherches liées à Labubu depuis décembre. Une preuve que l’objet ne se cantonne pas aux plus jeunes : il touche autant les enfants que les trentenaires ultras pointues, séduites par cette dissonance parfaite entre luxe et fantaisie.
Dans un monde saturé de produits lisses et normés, Labubu incarne l’envie de jouer à nouveau avec la mode, sans se prendre au sérieux. C’est un doudou post-moderne, une icône involontaire, un petit monstre devenu grand.