Ce que révèle une enquête géante sur les jumeaux

Genèse ou vécu ? Une étude inédite sur plus de 11 000 paires de jumeaux identiques éclaire d’un nouveau jour le rôle de nos gènes dans nos émotions.

Réagir différemment à la même situation ? Une affaire de gènes

Pourquoi réagissons-nous si différemment face aux mêmes événements ? Pourquoi certains se relèvent vite d’une épreuve alors que d’autres s’effondrent ? Ces questions touchent à l’essence même de notre humanité.

Pour y répondre, des chercheurs du King’s College de Londres, de l’Université de Zurich, de l’UCL et de plusieurs institutions internationales ont étudié les données de 21 792 jumeaux identiques, dans le cadre d’un projet international colossal publié dans Nature Human Behaviour. Résultat : la sensibilité émotionnelle n’est pas uniquement façonnée par notre vécu. Elle a aussi une composante génétique mesurable.

Les jumeaux monozygotes (soit les « vrais jumeaux ») ont un ADN identique, mais cela ne signifie pas qu’ils vivent ou ressentent les choses de manière semblable. L’étude montre que deux individus ayant la même expérience de vie peuvent avoir des réactions émotionnelles radicalement opposées, simplement en raison de petites variations dans leur expression génétique.

Elham Assary, chercheur principal au King’s IoPPN l’explique. « Nos résultats montrent que la génétique module la sensibilité aux événements extérieurs, ce qui impacte directement la santé mentale ». En d’autres termes, notre génome façonne notre capacité à encaisser les hauts et les bas de la vie.

Un « profil de sensibilité » gravé dans l’ADN

Les chercheurs ont mis en évidence l’influence de plusieurs groupes de gènes : ceux liés à la régulation du stress, à la croissance neuronale, à l’immunité et à la communication cérébrale. Ces éléments biologiques jouent un rôle dans la prédisposition à certains états psychiques, comme la dépression, l’anxiété ou des traits du spectre autistique. Loin de dire que tout est “joué d’avance”, cette découverte nuance toutefois l’idée que seule l’éducation ou l’environnement détermine notre équilibre émotionnel.

Certains profils seraient plus sensibles aux expériences de vie, positives comme négatives. Par ricochet, ça peut conduire à des réactions plus intenses, ou à une vulnérabilité accrue face au stress.

Une approche personnalisée de la santé mentale en ligne de mire

Cette compréhension fine des mécanismes biologiques ouvre une nouvelle voie pour la prévention des troubles mentaux. La professeure Thalia Eley, à l’origine de l’étude en est convaincue. “Certaines personnes sont plus sensibles à leur environnement : cela peut être un atout dans un cadre positif, mais un fardeau en cas de stress”. L’objectif, à terme, est de repérer plus tôt ces profils sensibles et de leur proposer un accompagnement adapté. Qu’il s’agisse de soutien psychologique, d’interventions éducatives ou même de stratégies de résilience.

Cette perspective renforce l’idée d’une médecine plus humaine et plus ciblée. Une médecine où l’on soigne non seulement la pathologie mais aussi la manière dont chacun vit son rapport au monde.

Les jumeaux, un laboratoire naturel de la sensibilité humaine

Pourquoi utiliser les jumeaux ? Parce qu’ils offrent une opportunité unique de dissocier l’effet des gènes de celui de l’environnement. Les monozygotes partagent 100% de leur ADN. Or, ils peuvent être exposés à des expériences différentes, ou y réagir différemment. Cette particularité permet de mesurer avec précision la part d’héritabilité d’un trait psychologique.

L’équipe internationale a ainsi croisé des données venant de plusieurs cohortes européennes et australiennes. Elle a ainsi utilisé des questionnaires validés pour évaluer la “sensibilité environnementale”, c’est-à-dire la propension à être affecté par ce qui nous entoure. Les résultats ont été robustes et concordants, confirmant une base génétique à cette sensibilité.

Et demain ? Des scores génétiques pour mieux prévenir

La suite logique de cette recherche pourrait être la création de scores génétiques de sensibilité. Il serait suggéré que certains individus, selon leur profil ADN, pourraient bénéficier plus rapidement d’un traitement cognitif ou d’un suivi thérapeutique ciblé. Si ces méthodes sont encore en développement, elles laissent entrevoir un avenir où la prévention des troubles mentaux ne serait plus une course contre le temps, mais une stratégie proactive fondée sur les caractéristiques propres à chaque individu.

Cette étude fait ainsi un rappel précieux : être plus sensible que les autres n’est ni une tare, ni un hasard. C’est souvent une réalité biologique, qui peut devenir une force si elle est reconnue, respectée et prise en compte. De quoi ourvrir la voie à une santé mentale plus juste, plus personnalisée et plus efficace.

Maïssane Fraiji
Maïssane Fraiji
Passionnée par l'écriture et toujours à l'affût des nouvelles tendances, j'adore explorer l'univers de la mode, du bien-être et des histoires qui résonnent avec les femmes d'aujourd'hui. Curieuse de nature, j'aime surtout partager mes découvertes et échanger autour de tout ce qui m'inspire.

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