Pendant des années, elle a tenté d’oublier les humiliations subies au collège. Un jour, Simone (prénom modifié) a décidé de revenir sur son passé, pour comprendre – et guérir.
Quand les souvenirs d’école ne s’effacent pas
Certaines blessures d’enfance s’atténuent avec le temps. D’autres, plus profondes, continuent de hanter silencieusement l’adulte que l’on devient. C’est ce que raconte Simone (prénom modifié), Américaine, dans une tribune poignante publiée par HuffPost UK. Harcelée au collège par un groupe de filles de son école dans les années 80, elle a longtemps vécu avec un sentiment d’infériorité tenace, malgré les années, les études, le travail, les amitiés.
Ce n’est qu’en 2019, en pleine journée de travail et presque par hasard qu’un souvenir douloureux d’une ancienne camarade est remonté à la surface. Simone s’est alors posé une question simple : se souviennent-elles, elles aussi, de ce qu’elles m’ont fait ? Cette interrogation en apparence anodine a déclenché une véritable enquête personnelle.
Retrouver ses harceleuses… pour comprendre
Simone s’est lancée dans un projet aussi risqué qu’intime : recontacter ses anciennes camarades de collège – qu’elles aient été ses harceleuses, témoins passives ou simples connaissances – pour leur poser une question centrale : que retenez-vous de ces années-là ?.
Grâce aux réseaux sociaux, Simone a pu retrouver près de 30 femmes issues de sa classe. Certaines n’ont pas souhaité répondre. D’autres ont accueilli sa démarche avec curiosité, et parfois, avec émotion. Elle a pris soin de ne pointer personne du doigt. Elle voulait simplement comprendre, pas accuser.
Les premières réponses ont été bouleversantes. L’une des filles qui l’avaient humiliée à répétition s’est excusée : « Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. J’étais mal à la maison. Je te dois des excuses ». D’autres ont partagé leur malaise face à l’injustice qu’elles avaient observée sans intervenir. Plusieurs ont confié leurs propres blessures, passées sous silence à l’époque.
Celles qu’on croyait heureuses… et qui ne l’étaient pas
Une des surprises majeures de cette série de retrouvailles est venue du contraste entre les apparences d’autrefois et les confidences d’aujourd’hui. Les filles perçues comme « populaires », « parfaites », « inaccessibles » ont, pour beaucoup, avoué un mal-être profond.
L’une d’elles, cheerleadeuse à l’époque, explique avoir grandi en se méfiant des femmes. « Dans mon groupe, on se surveillait, on se critiquait. Je n’ai eu une vraie amie qu’à 43 ans. ». Une autre, brillante et admirée par Simone à l’époque, se souvient avoir pleuré dans les toilettes lors du bal de 5e, humiliée par des moqueries sur sa tenue.
Ces récits ont offert à Simone une perspective nouvelle : ces filles qui semblaient fortes, sûres d’elles, étaient parfois aussi perdues qu’elle. Ce que l’on vit de l’extérieur à 13 ans n’est souvent qu’une illusion.
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Culpabilité, silence, pardon
Toutes les femmes interrogées ne portaient pas le même fardeau. Certaines ne se souvenaient plus des événements qui, pour Simone, avaient marqué son histoire à jamais. D’autres se rappelaient très bien leur cruauté ou leur indifférence, et s’en disaient honteuses.
Cette démarche a aussi poussé Simone à se remettre en question. Elle a réalisé qu’elle aussi, par crainte du rejet, avait parfois ignoré des filles mises à l’écart. « Je n’ai jamais été une harceleuse, mais j’ai participé au silence. J’ai fermé les yeux ». Cette lucidité lui a permis d’élargir son regard au-delà de sa propre douleur.
Ce que ces retrouvailles ont changé
Revenir sur le passé n’a pas effacé les souffrances. Par contre, cela a permis à Simone de se réapproprier son récit. De se voir, non plus comme une victime figée dans le souvenir, mais comme une femme qui a survécu, grandi, compris.
Elle n’attendait pas des excuses, mais elle en a reçu. Elle ne cherchait pas à juger, mais à écouter. Et à travers ces échanges parfois hésitants, souvent sincères, elle a redessiné les contours d’une adolescence douloureuse. Elle a compris que la méchanceté naît souvent de la peur ou de la douleur – non pas pour excuser, mais pour mieux vivre avec. « Je n’ai plus peur d’elles. Aujourd’hui, je me sens enfin à ma place », conclut-elle.
Une démarche personnelle, pas un modèle
Simone le répète : sa démarche n’est pas universelle. Elle ne convient pas à toutes les victimes. Certaines préféreront ne jamais rouvrir les blessures du passé. Et c’est leur droit. Pour elle, ce projet a représenté un tournant.
Il ne s’agit pas de réconciliation obligatoire, encore moins de banalisation du harcèlement. Il s’agit de vérité, de nuance, de guérison intime. Ce cheminement montre que parfois, renouer avec le passé peut être une manière de se libérer.