La rue est un milieu hostile pour les femmes, sans cesse obligées de changer de trottoir, de presser le pas et de simuler un appel dès qu’elles flairent le danger. Nombreuses sont celles qui sont déjà rentrées chez elles avec la main fermement enroulée autour de la bouteille de déodorant ou agrippée aux clés de leur appartement. La menace plane à chaque coin de rue. Alors pour que les femmes puissent sortir sans avoir la peur accrochée au ventre ni craindre le pire, la ville de Metz a déployé un dispositif inédit. Elle a distribué des gadgets qui rappellent ceux des Totally Spies à ses habitantes. Il s’agit d’un porte-clés un peu spécial, qui passe inaperçu dans le sac à main, mais qui peut lancer une alerte stridente.
Des porte-clés d’alerte pour dissuader les prédateurs
C’est un porte-clés pas comme les autres. Celui-ci n’est pas à l’effigie de Hello Kitty, d’une peluche ou de la tête d’un proche. En fait, cet objet n’a pas pour vocation d’habiller les sacs ou d’ajouter une touche fashion aux clés de la maison, mais de défendre les femmes en cas de harcèlement. Cet accessoire, en apparence inoffensif, renferme un pouvoir caché. Il n’est pas à la hauteur des inventions de ce cher Jerry et ne se mue pas en bouclier, mais il « rassure » celles qui l’arborent.
Il peut émettre une alarme de 140 décibels, un bruit aussi fort et perçant qu’un avion au décollage. Alors que souvent, sous l’effet de la panique, les cris sont insuffisants ou sortent en silence, ce son insoutenable est un précieux substitut. C’est la ville de Metz qui a eu l’idée de distribuer gratuitement ce gadget, supposé repousser les prédateurs avant qu’il ne soit trop tard. « Un tel bruit dissuadera l’agresseur dans neuf cas sur dix et alertera aussi les personnes présentes à proximité », assure le maire, fier de sa dernière création.
À défaut de pouvoir se munir de poing américain ou de bombe lacrymogène, les habitantes peuvent se replier sur cet objet, semblable à une alarme de poche. Sur place, les réactions sont mitigées. D’un côté, il y a celles qui trouvent ce dispositif sécurisant et de l’autre il y a celles qui le jugent insuffisant, voire stigmatisant. Alors que 75 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans l’espace public au moins une fois dans leur vie, cet objet déjoue le problème, mais ne le résout pas.
Un dispositif qui ne fait pas l’unanimité
Si de nombreuses Messines « revivent » depuis qu’elles ont ce porte-clés sur elles et se sentent un peu plus sereines lorsqu’elles battent le pavé, les associations féministes sont un peu moins enthousiastes face à ce énième dispositif anti-agression. C’est le cas du collectif La Grenade, qui dénonce un « coup de communication » et qui estime que la ville ne frappe pas au bon endroit.
« On sur-responsabilise encore une fois les potentielles victimes. Lors de la prochaine agression, est-ce qu’on va entendre des critiques du type : ‘elle n’avait pas pris son porte-clés’ ou ‘sa pile était vide’ ? », pointe la porte-parole du collectif
Véritable outil de prévention, solution temporaire ou initiative creuse vouée à tomber dans l’oubli, ce porte-clés ne met pas tout le monde au diapason. Le collectif reproche également le manque d’inclusivité du dispositif, qui exclut les minorités de genre, pourtant régulièrement exposées à la haine.
Sifflet, porte-clés… l’essor des gadgets anti-agression
Ce porte-clés est le dernier-né d’une longue série d’accessoires d’immunité à destination des femmes. Il y a peu de temps, un Caennais sortait une invention un peu moins « aboutie », mais tout aussi décourageante que ce porte-clés de détresse. Il s’agissait de sifflets « repousse relou » conçus pour que les femmes puissent attirer l’attention des passants et empêcher les prédateurs d’aller plus loin. Un objet compact inspiré des terrains de foot qui n’a pas la prétention de faire disparaître les agresseurs, simplement de les éloigner.
En parallèle des cours de self defense, qui fleurissent dans les grandes métropoles, des marques font un véritable business autour de la sécurité des femmes. Bombe au poivre aux faux airs de briquet, peigne doté d’un couteau, shocker en forme de clé de voiture… À ce rythme-là, les femmes auront bientôt toute une artillerie en bandoulière.
Même si ces petites innovations sont salutaires et réconcilient les femmes avec l’espace public et les balades nocturnes, ce ne sont pas des remèdes miracles aux maux de la société. Ce ne sont que des « placebo ». Pour en finir avec ce fléau, il faudrait peut-être déjà commencer par revoir le système judiciaire et arrêter d’inverser la culpabilité.