Voici le vrai visage des prédateurs sexuels, celui que la société refuse de voir

Dans l’imaginaire collectif, le prédateur sexuel n’a qu’un visage : celui du monstre. Il vient des bas-fonds de la société et n’a aucune éducation. Tapi dans l’ombre, il surgit de nulle part pour souiller le corps des femmes et ruiner leur existence à tout jamais. Cette image très caricaturale dénote avec la réalité. Les auteurs d’agressions sexuelles, de viols ou d’attouchements portent aussi l’habit de l’homme banal, avec son costard-cravate ou sa doudoune sans manche. Ils se fondent dans la masse. Ce sont des « messieurs tout le monde ».

En témoigne la retentissante affaire des viols de Mazan, qui arrive bientôt à son dénouement juridique. Sur le banc des accusés : des pères de famille, des infirmiers, des ouvriers du BTP, des journalistes… Il est temps de faire tomber les masques. Voici le vrai visage des prédateurs sexuels, celui qui a trop longtemps été dissimulé. 

L’affaire des viols de Mazan étrille le mythe du monstre

Selon une pensée tenace, les prédateurs sexuels sont forcément des marginaux qui vivent en dehors du système et qui n’ont plus rien à perdre. Dans les médias, ils sont présentés sous des traits durs, avec des vêtements sombres et une capuche sur la tête. Ils ont une apparence menaçante et des gestes suspects. Pourtant, la plupart des prédateurs sexuels sont indétectables à l’oeil. Ce sont des hommes lambda, que l’on associe volontiers à l’adjectif « charmant ». Ils ont une vie bien rangée, un métier stable, des enfants et parfois même une réputation.

L’affaire des viols de Mazan, qui entre dans sa dernière ligne droite, révèle toutes les facettes des prédateurs sexuels. Pendant dix ans, Dominique Pelicot a commandité plusieurs dizaines viols sur sa femme, assommée par des somnifères soigneusement dissimulés dans ses plats. Pour assouvir ce fantasme macabre, il recrutait des hommes via un site internet et leur dictait le scénario. Au total, 92 faits de viol ont été commis sur Gisèle Pélicot, victime de soumission chimique et d’un énorme complot masculin. À l’issue de ce procès, largement médiatisé, « seuls » 51 accusés comparaissaient.

Il n’y a pas un « profil type » qui ressort. Ce sont des hommes ordinaires loin de l’image de « l’abominable créature ». Ils ont entre 26 et 73 ans. Certains sont retraités, d’autres exercent en tant que pompier, militaire, surveillant pénitentiaire, cariste, menuisier… Leur seul point commun ? Avoir abusé d’une femme dans un état végétatif sans se poser de questions. Leur identité avait d’ailleurs été volontairement divulguée pour lever l’anonymat et montrer le vrai visage des prédateurs sexuels.

« L’idée reçue du monstre violeur a protégé d’innombrables criminels en bleu de travail, cravate ou soutane », regrette l’historienne Christine Bard dans les colonnes du média Le Monde

Plus de 9 victimes sur 10 connaissent leur agresseur

À l’évocation de prédateur sexuel, un visage flou se dessine en toile de fond. Il est non identifiable, comme pixellisé. La société veut que le prédateur soit un « étranger ». Pourtant, dans la majorité des affaires de viols, la victime peut poser un nom sur son violeur puisqu’il lui est familier. Les prédateurs sexuels ne rôdent pas toujours dans la pénombre des villes ou dans les ruelles sinistres. Ils habitent parfois sous le même toit que leur victime.

Comme le souligne un rapport de 2018,  dans 91 % des cas les femmes connaissent leur agresseur et même pour 45 % d’entre elles, il s’agit de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Plus terrible, pour 14 % de ces agressions, les auteurs habitent avec leur victime au moment des faits. Collègue, ami, partenaire, patron… le visage des prédateurs sexuels est pluriel. Ce n’est pas nécessairement celui d’un homme inconnu, jamais vu auparavant.

Les prédateurs sexuels viennent de tous les milieux sociaux

Les prédateurs sexuels ne sont pas nécessairement des hommes en survêtement qui exercent en tant que dealers. Ce sont aussi des hommes haut placés, qui se servent de leur notoriété comme d’un laissez-passer. Ces prédateurs-là sont immunisés par leur « grade ». Ils se pensent, de fait, intouchables. Mais depuis le mouvement #MeToo, ils commencent à tomber de leur piédestal et à écoper des mêmes sanctions que leurs homologues du milieu de l’échelle.

Harvey Weinstein, producteur de films le plus influent d’Hollywood. Christophe Ruggia, réalisateur français. L’écrivain à succès Gabriel Matzneff. Conor McGregor, star des arts martiaux mixtes. Le visage des prédateurs sexuels n’est pas celui que l’on croise en bas des cités. Il porte aussi les traits de la gloire et du succès. Les prédateurs sexuels sont aussi des hommes qui ont été acclamés pour leur art ou leurs performances sportives avant d’être hués et boycottés pour leurs actes.

Pourquoi ce déni collectif sur les prédateurs sexuels ?

Pourquoi la société persiste-t-elle à fermer les yeux ? La réponse réside dans le confort du déni. Reconnaître que le danger peut venir de quelqu’un que l’on connaît, que l’on respecte ou que l’on aime, est profondément perturbant et inimaginable. Il est plus simple de croire que ces actes inqualifiables sont le fait de « monstres » extérieurs à notre cercle.

Ce déni s’étend aussi aux institutions, qui préfèrent souvent étouffer les scandales pour préserver leur réputation. Dans le cadre professionnel, religieux, sportif ou familial, le poids du silence est parfois écrasant. Les victimes sont alors abandonnées à leur douleur, et les prédateurs continuent leur œuvre destructrice.

Les prédateurs sexuels ont un visage tristement commun. Aux antipodes de l’affreuse bête assoiffée de chair fraîche ou du charognard au QI pauvre, ils sont d’une profonde banalité. Cette violence sexuelle est quasi symptomatique chez les hommes bien que les femmes peuvent aussi être à l’origine d’abus sexuels.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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