Il ne laisse personne insensible… Nominé 5 fois aux Oscars et récompensé pour le meilleur scénario original en avril 2021, le traitement de la vengeance et de la culture du viol dans « Promising Young Woman » fait en effet débat dans la presse depuis quelques mois. Lumière sur un film rythmée par une savoureuse revanche militante.
Un scénario imprévisible
Le premier long-métrage de la réalisatrice britannique Emerald Fennell met en avant Carey Mulligan, « une jeune femme pleine de promesses » (Promising Young Woman, en anglais) qui nourrit en elle une obsession de revanche méticuleusement organisée. La raison ? Elle souhaite rendre justice à sa meilleure amie disparue et en ce sens faire comprendre le consentement aux hommes. Surtout à ceux qui pensent être les plus « modernes et attentionnés ».
Cassie était prédestinée à devenir médecin, mais l’évènement qu’a vécu son amie a brisé ses rêves. À l’aube de ses 30 ans, elle se retrouve alors serveuse dans un café, à vivre dans sa chambre d’adolescente chez ses parents, hantée par le passé de son amie. Son plan ? Chaque semaine, elle se fait passer pour une femme ivre et inconsciente dans les bars, pour éduquer le « mec sympa » qui va l’aider mais en fait tenter le coup avec elle, autrement dit lui forcer la main pensant qu’elle n’en aura aucun souvenir.
L’œuvre de l’Emerald Fennell démarre par une scène déroutante avec Adam Brody, notre « nice guy » préféré d’Hollywood (Seth Cohen dans la série Newport Beach), qui vient sauver la fêtarde inconsciente et en profite pour la ramener chez lui pour « un dernier verre ». Sauf qu’il va tenter de profiter de sa fausse inconscience. Lorsqu’elle paraît décuvée magiquement dans son lit, elle le remet à sa place avec brio. Le ton du film est donné : la revanche sera intense et imprévisible.
Une savoureuse revanche militante
Le film est rythmé par divers registres, passant du thriller psychologique, à la comédie noire au romantique kitsch. Sa réalisatrice, également actrice dans The Crown ou encore Call the Midwife, présente un film imprégné de pop culture par son esthétique acidulée (décors pastel à la American Graffiti, looks innocents et coiffures à la Harley Quinn dans Suicide Squad). Celui-ci vient subvertir un sous-genre cinématographique déjà controversé depuis les années 70 : le rape and revenge (« viol et vengeance », en français).
La majorité de ces films réalisés par des hommes, et donc imprégnée d’un regard masculin, était souvent accusée de voyeurisme car montrant à la caméra des scènes de viol barbares, avec des vengeances toujours plus sanglantes, offrant une catharsis émotionnelle pour la victime. Mais la vengeance de notre héroïne, dans « Promising Young Woman » est ici plutôt psychologique que physique. Les scènes ne vont en effet jamais montrer le viol en lui-même, elles suggèrent seulement cette violence, et cette tension rend le film d’autant plus réjouissant. La vengeance de Cassie se savoure ; on en viendrait presque à l’envier de pouvoir mettre un tel plan à exécution…
Côté bande-son on se régale également. Elle est composée de classiques des stars la pop musique, comme un clin d’oeil aux violences sexistes qu’elles ont subies ces dernières années : « It’s Raining Men » des Weather Girls, « Stars Are Blind » de Paris Hilton, ou encore le remix orchestré de Toxic de Britney Spears, fait par Anthony Willis pour le film, qui donne assurément des frissons :
Un féminisme qui pique là où il faut
Si l’esthétique et le son sont jubilants, le message de fond est résolument féministe et militant. Le consentement, le harcèlement, les conséquences traumatiques du viol, l’impunité des agresseurs, la masculinité toxique… un grand panel des questions post-#MeToo est abordé.
La violence systémique contre les femmes est ainsi un des fils conducteurs du scénario. Cassie va exercer sa revanche non seulement sur les agresseurs du viol collectif qu’a subi son amie, mais aussi sur toutes les personnes complices de cette violence. On comprend à travers les différentes scènes du film la planification étape par étape d’une vengeance complète, offrant un regard nécessaire sur les différents degrés d’implication des personnes dans un abus sexuel.
On retrouve l’amie qui slut-shame la victime (qui humilie une femme pour une attitude jugée trop provocante) et décrédibilise sa parole, l’ami qui filme l’agression sans agir, la doyenne de la faculté de médecine qui ferme les yeux sur les accusations et inverse la culpabilité. C’est tout un système engouffré dans une culture du viol qui est ainsi démantelé dans « Promising Young Woman ». Un film à voir, d’urgence, cet été au cinéma pour repartir gonflé·e à bloc !
« Promising Young Woman », diffusé en salle depuis le 26 mai 2021 en France, est disponible encore tout l’été dans certains cinéma. Que vous l’ayez aimé ou non, rendez-vous sur notre forum pour partager avec nous vos impressions !
