Deuil périnatal : cette maman témoigne pour briser le tabou

Perdre un enfant avant ou juste après sa naissance… s’il est des épreuves très difficiles à surmonter dans une vie, celle-ci fait sans doute partie des plus ardues. En nous renseignant à propos du deuil périnatal, nous nous sommes rendu compte que les témoignages manquaient cruellement. Comme si cet événement était frappé d’un tabou. Afin d’aider à estomper les non-dits, nous avons donné la parole à Laura, 32 ans, qui a perdu sa petite Juliette il y a maintenant 4 ans. Un témoignage très fort, criant de vérité, qui a pour but de sensibiliser, de soutenir et d’informer les familles qui font face au deuil périnatal.

« Monitor, échographie, plus de battement de coeur… »

« Je m’appelle Laura, j’ai 32 ans et suis gérante d’entreprise dans le secteur de la beauté en région perpignanaise. Je suis mariée à Mikael et nous avons 4 enfants : Lucas 12 ans, Louise 9 ans, Juliette qui aurait du avoir 4 ans et Pablo, 2 an.

À l’époque, j’ai du mal à tomber enceinte de Juliette, cela me prend 6 à 8 mois. Heureusement, ma grossesse se passe bien. Mon bébé grandit normalement dans mon ventre. On ne me repère pas de diabète gestationnel dans les analyses. Mais un matin, je me lève avec une drôle de sensation. Je sens que quelque chose ne va pas. Je suis alors à 35 SA, soit à environ 1 mois de la naissance.

Après un échange téléphonique avec ma sage-femme, elle me conseille de ne pas attendre. Je ressens de fortes contractions, je suis seule, mais ne réfléchis pas et prends ma voiture. Sur le trajet, les contractions s’arrêtent. Mon ventre perd soudainement toute tonicité, tout redescend. Et à ce moment-là, je comprends et fonds en larmes.

Arrivée aux urgences, le personnel soignant me prend immédiatement en charge. Monitor, échographie, plus de battement de coeur… La personne qui m’ausculte est mal à l’aise, elle me dit qu’elle va chercher la gynécologue de garde. Cette dernière arrive dans la chambre, me prend la main et je réalise alors que c’est terminé. Que Juliette est décédée dans mon ventre. »

Le début du deuil périnatal

« Tout autour de moi, les médecins sont très bienveillants, je me sens soutenue. La sage-femme accueille Juliette et fait des photos d’elle, de nous. Mais je dois avouer qu’avoir la mort dans mon ventre est très compliqué à gérer. Je côtoie la vie puis passe subitement à la mort. Je ne supporte pas l’idée de rester avec un enfant mort dans mon ventre toute une nuit. Et les médecins le comprennent tout à fait.

De même, je demande à mon mari de vider entièrement la chambre de la petite avant que je rentre à la maison. Je ne veux plus voir de traces d’elle. Car à ce moment précis, je suis persuadée que je surmonterais mieux ma douleur si je l’occulte de ma vie. Évidemment, je me trompe, mais ne le comprends que bien plus tard.

On me met en contact avec un psychologue qui me suit durant 2 semaines. Cela me fait du bien, mais je sens que ce n’est pas ce qu’il me faut sur le long terme. Le personnel est toujours très prévenant. Ils me mettent dans une pièce à part pour que je n’entende pas les nouveau-nés pleurer. Je bénéficie d’un très bon accompagnement et je sais que ce n’est pas le cas pour tou.te.s les mamans et papas.

Mes proches sont globalement présent.e.s et bienveillant.e.s. Mon mari est lui aussi très secoué. Mais pour moi, le plus difficile est l’enterrement. Heureusement, je ne ressens pas de tabou avec ma famille. Les seules personnes avec qui je ne parle pas de mon deuil périnatal sont mes clientes. J’estime qu’il faut savoir séparer vie personnelle et professionnelle. »

« J’ai comme l’impression d’être défaillante et je culpabilise »

« Comme beaucoup de parent.e.s qui font face à cette épreuve, j’ai le droit à la fameuse réflexion « ne t’inquiète pas, tu auras un autre enfant ». Je ne le prends pas mal, mais je dis toujours : « en attendant, il y en a quand même une qui n’est pas là« . Je ne verrais pas ses premiers pas, je n’entendrais pas ses premières paroles. Elle n’est pas là et elle me manque. Je considère qu’on ne peut pas dire « je comprends » à quelqu’un si l’on n’a pas vécu soi-même la situation dans laquelle il se trouve.

Et malheureusement, on n’aborde vraiment pas assez le sujet du deuil périnatal. Combien de femmes sont complètement perdues face à cette situation ? Surtout lorsque c’est leur premier enfant. Pour surmonter tout ça, je me raccroche à mes proches, à mon travail et à la spiritualité. Il me faut cette expérience pour grandir et mûrir. Juliette ne me quitte jamais. Elle est là, autour de moi. J’ai des signes de sa part. Je lui parle dès que j’en ressens le besoin. Elle est mon ange gardien.

Et pourtant, je reviens de loin. La mort de Juliette est honteuse pour moi. J’ai le sentiment d’avoir loupé quelque chose. Je me sens honteuse de n’avoir pas su mener ma grossesse à bien. J’ai comme l’impression d’être défaillante et je culpabilise. Mais, fort heureusement, mes pensées spirituelles me calment. Chose que j’ai longtemps gardée secrète, même vis-à-vis de mon mari. »

Communiquer face au deuil périnatal

« Je le redis : on ne parle pas assez du deuil périnatal. La mort est tabou. Comme si on avait peur qu’elle se « transmette » d’un individu à l’autre. J’ai réussi à continuer de vivre, j’ai donné naissance à Pablo il y a un an. Une grossesse qui a, bien entendu, été doublement surveillée. Surtout du point de vue diabète gestationnel puisque c’est très certainement la cause du décès de Juliette. Et je suis en colère à ce sujet : pourquoi ne m’a-t-on pas mise plus en garde contre le sucre dans le sang et ses ravages sur le foetus ?!

Quoi qu’il en soit, la naissance de mon deuxième fils n’est pas un acte de résilience. C’est juste normal de continuer à vivre. Il le faut. Et si je devais donner un conseil aux parent.e.s qui font face au deuil périnatal, ce serait de s’entourer de bienveillance.

Depuis le décès de Juliette, je me sens plus fragile. Je m’entoure donc au maximum de gentillesse. Je conseille aussi aux parent.e.s de rester soudé.e.s. De ne pas négliger la tristesse de l’un.e ou de l’autre. Il faut énormément communiquer sur le sujet et ne pas se renfermer dans sa douleur. Dites-vous bien que votre enfant sera toujours là, ne le niez pas, même lorsque la date anniversaire de la fausse couche arrive.

Personnellement, j’ai mis tous mes souvenirs d’elle dans une enveloppe, y compris mes échographies. Et je les regarde de temps à autre. Même si j’avance, je garde encore des séquelles. Notamment au niveau de ma mémoire. Avant, je retenais absolument tout. Mais depuis mon choc émotionnel, je suis obligée de tout noter pour ne rien oublier. Et cela vaut aussi pour la mort de Juliette : je n’oublie rien, je vis avec ».

La rédaction tient à remercier chaleureusement Laura pour son témoignage qui, nous l’espérons, trouvera écho auprès des personnes en grande souffrance face au deuil périnatal et contribuera à lever le tabou qui gravite autour. On vous invite à lire aussi ces témoignages bouleversants sur le déni de grossesse

Amandine Cadilhon
Amandine Cadilhon
Journaliste mode, mes articles, mettent en lumière les diverses tendances et styles qui façonnent l'univers de la mode féminine. Mon objectif est de proposer un contenu diversifié et accessible à toutes et tous, en soulignant l'importance de l'expression personnelle et de l'empowerment à travers la mode.
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