Unschooling : l’apprentissage autonome, une méthode viable ?

Entre piratage informatique, visioconférences ponctuées de bugs incessants et professeur·e·s indisponibles, l’école à distance s’apparente à un enfer pour les petit·e·s comme pour les grand·e·s. Les esprits divaguent, le taux de concentration s’amoindrit et la motivation s’efface… les jeunes générations en quête de savoirs se trouvent face à une impasse. Dans les abysses de ce huis clos pesant, les parents doivent agir sur tous les fronts. Tantôt ils revêtent leur apparat professionnel pour assumer le télétravail, tantôt ils sautent dans les bottes de l’enseignement pour épauler leurs enfants. Un rôle multifonction éreintant qui pèse sur l’entente familiale.

Pour s’écarter du système scolaire traditionnel, jugé oppressant, de nombreux parents tentent alors de trouver des alternatives efficaces. Après la méthode Montessori et les Forest Schools, c’est le unschooling qui gagne du terrain. Cette pédagogie qui signifie « non-scolarisation », place le bien-être de l’enfant au cœur de ses préoccupations. Une autre facette de l’Instruction en Famille (IEF) encore marginale, mais fructueuse. Lumière.

En pleine crise sanitaire, une scolarité bafouée

Dans tous les foyers, un climat anxiogène règne. Depuis le début de la pandémie, les nerfs sont mis à rude épreuve. Ce énième confinement est un nouveau coup de massue. Parents surmené·e·s cohabitent avec leurs enfants agité·e·s sans pouvoir y échapper. Dès le matin, de multiples interrogations percutent les esprits et les sujets amers viennent alimenter les petits déjeuners. Comment est-ce qu’on va s’organiser pour occuper le petit dernier ? Et pour surveiller l’ado rebelle qui s’enferme toujours à clef dans sa chambre ? Est-ce que la journée de télétravail qui m’attend est chargée ? Quand est-ce que l’on va bien pouvoir faire les courses ? Au fil des semaines, le rythme s’accélère et la charge mentale se décuple.

Le salon s’est transformé en openspace, la cuisine en défouloir et les toilettes en havre de tranquillité. Face à ce quotidien particulier, les enfants sont complètement déboussolé·e·s. Les outils numériques se révèlent chaotiques et les devoirs prennent des airs de cauchemar. D’après les chiffres de l’Unesco, 463 millions d’élèves dans le monde n’ont pas pu accéder à l’éducation à distance. Dans l’Hexagone, le décrochage scolaire est redouté. Pendant le premier confinement, 5 à 8% des élèves avaient quitté les radars de l’Éducation Nationale. Pour éviter de sombrer dans ce fléau, les parents sillonnent la jungle de l’apprentissage en quête de techniques novatrices.

Des alternatives pour ralentir la cadence et décupler le bien-être

La pédagogie Montessori se dresse en première place sur le podium des alternatives les plus convoitées. Créée il y a 150 ans par Maria Montessori, cette méthode repose sur l’éducation sensorielle et kinesthésique de l’enfant. Elle se base sur la confiance en soi, l’autonomie, les expérimentations et l’apprentissage en douceur. Le mot d’ordre, « éduquer, ce n’est pas dresser ». Une approche révolutionnaire qui a su s’imposer. On compte désormais 20 000 écoles Montessori autour du globe.

Cependant, la France reste sceptique devant ce modèle atypique. Les parents, eux, sont friands de ces alternatives bienveillantes. Ces derniers temps, c’est le « unschooling » qui a la cote. Cet apprentissage vise à favoriser l’autonomie de l’enfant et à l’initier à des activités qu’il apprécie. Le unschooling s’inscrit dans la liste de l’Instruction en Famille (IEF).

Pour éviter les confusions, quelques précisions. L’IEF peut prendre plusieurs formes. Certaines familles s’appuient sur des cours par correspondance, d’autres entrent dans la case du « homeschooling », cela signifie que les parents mêlent programme scolaire classique et approches informelles. En ce qui concerne le « unschooling », l’enfant est au coeur de tous ses apprentissages. Il poursuit donc sa quête de savoirs de façon plus indépendante.

Le « unschooling », une pratique qui rime avec liberté

Adieu livres de mathématiques incompréhensibles, livres de SVT illisibles ou programmes dictés à la lettre et bonjour liberté. Le « unschooling » n’impose pas de savoirs formels, l’enfant s’enrichit en mettant la main à la pâte. Récolter des fleurs dans les prés, cuisiner avec des légumes du marché, bricoler, décorer des galets, apprendre l’alphabet avec de la pâte à modeler, visiter un musée… Ces solutions peu conventionnelles, mais amusantes permettent à l’enfant de doper sa créativité et de découvrir ses centres d’intérêt. Les petites têtes blondes se la jouent Robinson Crusoe et tentent d’apprivoiser les facettes de ce monde complexe.

Contrairement à ce que l’on peut penser, les parents unschoolers ne sont pas distants. Au contraire, ils servent de boussole pour aiguiller leurs bambins sur le bon chemin. Il lit un livre qui parle de la biodiversité ? C’est peut-être le moment de lui expliquer le réchauffement climatique à travers un film d’animation ou une sortie ludique. Il vous questionne sur ses parties intimes ? Il est grand temps de ressortir l’incontournable DVD « Il était une fois… La vie ». Avec le « unschooling », les supports stricts et ennuyants de l’école tombent littéralement à la renverse.

Peser le pour et le contre

L’ambiance générale est au beau fixe. Plus besoin de se précipiter, de faire sonner le réveil aux aurores ou de préparer les repas en catastrophe. Le calme et la sérénité priment. Selon les spécialistes, avec ce cadre de vie plus pacifique, les enfants sont plus détendu·e·s et passionné·e·s. Or, si l’enfant est maître de ses choix, cela ne signifie pas qu’il.elle fait la loi à la maison.

Si il.elle manque de respect à son prochain, les parents haussent le ton. Cette vision décomplexée de l’éducation ne rime pas avec tolérance maximale. Cependant, les parents réprimandent de façon raisonnée. Ils contournent le piège de la punition et ouvrent le dialogue. Ainsi, un lien de confiance et une complicité intense se forge entre l’enfant et le parent.

Des inconvénients en toile de fond

Si le « unschooling » peut sembler idyllique au premier abord, il cache aussi des contraintes. En effet, le contrôle pédagogique qui se tient chaque année pour les enfants de 6 à 16 ans met un frein à cette approche libre. Les compétences doivent correspondre au socle commun instauré par l’Éducation Nationale. À partir d’un certain âge, le retour à l’école peut s’avérer nécessaire pour consolider ou retravailler les fondamentaux, si l’enfant ou le parent en décide ainsi. De plus, en restant constamment dans cette bulle, les enfants se trouvent privés de liens sociaux et ne peuvent pas s’acclimater à la vie en société. Il est donc impératif de mettre en place des sorties régulières ou de participer à des ateliers lorsqu’on opte pour le « unschooling ».

Les parents qui franchissent le pas de cette pédagogie, eux, doivent redoubler d’efforts. S’improviser instituteur·rice est loin d’être une mission facile. Cela nécessite parfois de mettre sa carrière entre parenthèses et donc de faire des sacrifices financiers. De nombreux livres comme « Apprendre sans aller à l’école » permettent d’appréhender cette transition plus sereinement.

En France, environ 60 000 enfants (en comptant les enfants inscrits au CNED réglementé) sont aujourd’hui concernés par l’instruction en famille. De l’autre côté de l’Atlantique, la pratique est légale. Elle est même ancrée dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

La France durcit le ton

Mais le pays des Lumières est quelque peu réfractaire et ne voit pas d’un bon œil ce mode d’apprentissage. En octobre dernier, le gouvernement faisait d’ailleurs marche arrière. En annonçant un projet de loi contre les séparatismes, Emmanuel Macron avait indiqué que la scolarisation à 3 ans deviendrait la règle. Plus extrême encore, il confirmait que dès la rentrée 2021, l’instruction à domicile serait « strictement limitée aux impératifs de santé ».

En mars dernier, les sénateurs, majoritairement de droite, ont réussi à supprimer ce principe d’autorisation que le gouvernement souhaitait mettre en place. Pour alléger cet article 21 tant controversé, ils ont souhaité interdire l’IEF uniquement aux personnes condamnées pour crimes terroristes ou inscrites au Fichier judiciaire national. Le Ministre de l’Education, lui, a confié qu’il n’y avait « jamais eu l’objectif d’en finir avec l’IEF », ce qui est visé, c’est « l’IEF dévoyée qui sert le séparatisme ». Le gouvernement devrait revoir sa copie dans les prochains mois.

Mozart n’a jamais mis un pied dans l’univers académique et ça ne l’a pas empêché de percer… Prenons-en de la graine. Faisons germer des esprits plus ouverts et empruntons le chemin du bien-être enfantin.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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