TikTok : le réseau de tous les dangers pour les ados ?

TikTok a fait une entrée fracassante dans l’univers virtuel. Depuis 2016, il talonne de près les réseaux traditionnels et s’érige comme l’ultime favori de la Génération Z. Entièrement dédié au format vidéo, TikTok plonge les jeunes dans un gouffre hypnotisant. Les yeux rivés sur les écrans, des adolescent·e·s en quête de repères identitaires se délectent de ces images idéalisées. Mais derrière cette façade dorée se cache de sombres dérives. Narcissisme débordant, culte de la perfection, jeux d’argent, hypersexualisation, challenges sinistres… les plus jeunes sont exposé·e·s à une large palette de dangers. Aux antipodes de cette époque ultra-connectée, les parents restent alors souvent désarmés. Pour protéger les enfants de ces êtres malveillants et de contenus choquants, la prévention est le maître mot. 

Une application en plein boom

En mars dernier l’alarme du confinement retentissait. Alors, pour combler cet ennui latent les utilisateur·rice·s TikTok ont redoublé de créativité pour faire germer des défis comiques. C’était le cas de l’incontournable « Quarantine Pillow Challenge » par exemple, qui incitait les internautes à se vêtir de draps, oreillers et autres parures ouatées. Sur des musiques rythmées, les âmes confinées de tous horizons se déhanchaient dans cet accoutrement aussi ridicule que loufoque.

Résultat, ce nom de code teinté d’humour a orchestré les journées maussades de multiples familles. D’ailleurs, le nombre d’inscriptions a explosé durant ce huis clos pesant. En avril dernier, TikTok dépassait les deux milliards de téléchargements. Ainsi, en 2020 elle se hissait sur le podium des applications les plus convoitées.

Derrière un réseau fun, des facettes sombres

Selon l’agence Heaven #BornSocial, en novembre 2019, 45,7 % des moins de 13 ans déclaraient utiliser TikTok. En moyenne, le temps passé sur ce réseau social est de 48 minutes par jour. Mais dans les abysses de ce support adulé, les déviances se comptent au pluriel. Portables en main, des enfants naïfs tombent dans le piège de l’influence.

Face à ce fléau 2.0, les parents manquent cruellement d’informations. Pour éclairer pères et mères déboussolé·e·s sur ces vices pixellisés, l’association e-Enfance a créé un guide bienveillant. Un appel à la prudence qui résonne comme un cri d’urgence. D’ailleurs, le 16 février dernier, l’UFC-Que Choisir et d’autres associations ont attaqué TikTok en justice pour non-respect du droit des mineurs.

Des mesures de protection insuffisantes

Devant cette pluie de critiques virulentes et ces divers dépôts de plainte, la plateforme a tenté de redorer son blason. Entre juillet et décembre 2019, TikTok affirme avoir supprimé 49 millions de vidéos pour violation de contenus. Dans son rapport de transparence, la firme chinoise évoquait dans celles-ci la présence de « nudité adulte et activités sexuelles ».

Dans cette démarche protectrice, elle avait également désactivé la messagerie privée aux ados de moins de 16 ans. Malgré ces mesures restrictives, les risques restent colossaux. Certains internautes passent entre les filets de cette politique d’utilisation fébrile et continuent de partager leurs dangereux « exploits » . En quête d’adrénaline, de sensations fortes et avides de buzz, les jeunes s’adonnent à des scénarios aberrants.

Les ados en proie à des défis absurdes et risqués

Des challenges en tout genre pullulent sur la toile. Cependant, TikTok reste le terrain de jeu idéal pour épater la galerie. L’adolescence rime encore avec insouciance et immaturité. À peine sortis de leur chrysalide enfantine, les jeunes de 12 ans cherchent à susciter l’admiration d’autrui.

Dans la cour de récré ou sur la toile, une véritable course à la reconnaissance se dessine. Sur fond de compétition, les adolescent·e·s se livrent à de dangereuses expériences. Leur objectif ? Il·elle·s souhaitent remporter le trophée de la popularité. Mais cette soif de succès vire souvent au drame.

Pour exemple, en septembre 2020, une jeune fille de 15 ans est décédée après s’être essayée au « Benadryl Challenge ». Ce défi absurde consistait à ingurgiter une grande quantité de médicaments vendus dans les pharmacies des États-Unis. Le Benadryl est un antihistaminique étudié pour soulager les allergies ou les rhumes. Les jeunes se sont rués dessus pour « se sentir planer » et obtenir les mêmes effets que la drogue. Mais une surconsommation de ce traitement peut entraîner des overdoses mortelles comme ce fut le cas pour Chloé.

Des drames en cascade

Dans le même registre tragique, le « Blackout Challenge » a lui aussi fait des ravages. Le but ? Se filmer le plus longtemps possible en train de bloquer sa respiration jusqu’à l’évanouissement. Ce « jeu du foulard » revisité a causé la mort d’une Italienne de 10 ans. Et la liste des défis périlleux est longue. Au fil des mois, elle s’allonge un peu plus.

Dernièrement, c’est le « Scalp Popping » qui se hisse sur le podium des affreuses tendances. Ce nom lugubre annonce déjà la couleur. Le concept ? Les internautes s’enroulent une mèche de cheveux autour du doigt et tirent sèchement jusqu’à entendre un craquement. Cette technique étrange considérée, à tort, comme un remède contre les migraines, inquiète. Selon deux médecins interrogés par Health et CBS, il y aurait un risque de se déchirer la peau ou de se tendre le cou. Les internautes affichent leurs performances pour glaner des abonné·e·s et tombent dans une spirale infernale.

Culte de la maigreur en toile de fond

Au-delà de ces démonstrations ahurissantes, d’autres challenges prônent aussi la maigreur et invitent les utilisatrices à dévoiler leurs courbes fluettes. C’était le cas du « A4 Challenge ». De très jeunes femmes plaçaient une feuille A4 devant leur ventre pour montrer leur minceur extrême. Même son de cloche pour le « Headphone Challenge » qui invitait les internautes à faire deux fois le tour de leur taille avec leurs écouteurs. Cette attitude peut se révéler lourde de conséquences. Cela peut creuser les complexes et déboucher sur des troubles alimentaires graves tels que l’anorexie.

Heureusement, d’autres vidéos viennent contrebalancer ce constat morose. Sara Sadok, avait créé le « Let’s eat together » pour lutter contre ces contenus toxiques. Face caméra, elle invitait des adolescent·e·s souffrant de TCA à manger avec elle, en ligne, pour les soutenir. Mais ces créations bienveillantes se fondent dans la masse. Seuls les challenges « provocateurs » ont la cote.

L’hypersexualisation, une tendance au goût amer

Les enfants se trouvent confrontés très tôt à une hypersexualisation des corps. Si TikTok renferme des chorégraphies captivantes, il met aussi en libre-service des vidéos de danse à la frontière de la vulgarité. Le « WAP Challenge » en est un exemple emblématique. Sur le titre éponyme de la chanteuse Cardi B, les internautes s’affichent dans des positions sulfureuses et volontairement suggestives. Même constat pour le « Buss It Challenge ». Au début des vidéos, les jeunes filles se trémoussent sagement en tenue dans une tenue peu avantageuse. Puis, la transition s’opère, on les voit avec des vêtements moulants, dans une séance de twerk sexy.

Dernièrement, le « Silhouette Challenge » brûlait sous le feu des projecteurs. Le principe ? Utiliser un filtre rouge disponible sur TikTok pour se filmer en ne laissant apparaître que sa silhouette. Or, des personnes malveillantes ont trouvé une astuce pour ôter ce « camouflage » et voir ce qui se cache en dessous. Devant l’ampleur du phénomène et les potentiels risques de « revenge porn », la gendarmerie française a pris la parole sur la toile. Elle appelait le grand public à la plus grande prudence.

TikTok, la cible des prédateurs sexuels

Les ados n’hésitent ainsi pas à adopter ces codes extrêmement « sexualisés ». TikTok est alors une mine d’or pour les prédateurs sexuels à la recherche de proies fragiles. Dans sa vidéo « La face cachée de TikTok », le Youtubeur « Le roi des rats » avait mené une enquête approfondie sur ces déviances.

Le « justicier du web » levait le voile sur de nombreux non-dits. Il évoque avec justesse les coulisses glaçantes du réseau chinois. Il alertait notamment sur l’infiltration de pédophiles sur la plateforme. En août 2017, un papa Américain avait sonné l’alarme puisque sa fille de 7 ans avait reçu des propositions sexuelles d’un adulte.

Informer et échanger, les deux piliers pour protéger vos enfants

En définitive, TikTok prend des airs de caverne d’Ali-Baba à ciel ouvert et laisse circuler des contenus abrutissants. Entre la course aux likes, les internautes malhonnêtes et la pression des camarades 2.0, les jeunes sont guidé·e·s sur la voie des dangers. Les parents doivent manier ce réseau avec des pincettes. Inutile d’infliger des punitions ou de fliquer en permanence votre enfant. Ce qui compte, c’est la sensibilisation. Amorcer le dialogue autour des dérives d’internet est essentiel. Vous pouvez l’informer sur les signes d’une cyberintimidation et briser les tabous autour de la sexualité.

Pour être plus serein·e, il est possible de paramétrer le compte de votre ado et de le mettre en « privé ». Vous pouvez désactiver l’option « autoriser les autres à me trouver », empêcher le téléchargement des vidéos, désactiver les commentaires, et même empêcher les autres internautes d’envoyer des messages directs. Le « mode restreint », dans « bien-être digital », permet également de « limiter l’apparition de vidéos qui peuvent ne pas être adaptées à tous les publics », et de « désactiver les fonctionnalités permettant de démarrer des diffusions live ».

Pour garder un œil avisé sur les jeunes et éviter les incidents malheureux, les réseaux sociaux « kids » se démocratisent. Instagram entend élargir sa cible en développant une application pour les moins de 13 ans. Cette annonce retentit comme un coup de tonnerre. Coup marketing ou véritable engagement ? Les avis sont mitigés. Quoi qu’il en soit, le web reste un milieu hostile pour les petites têtes blondes. Mieux vaut alors miser sur des activités ludiques et manuelles pour les occuper.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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