J’ai 28 ans, et je vis avec un corps et un esprit qui semblent s’être ligués contre moi. Chaque jour, je compose avec un ensemble de troubles invisibles qui rendent ma réalité complexe, épuisante et souvent incomprise : dyscalculie, troubles obsessionnels compulsifs, troubles anxieux, ralentissement psychomoteur, mémoire de travail limitée, difficultés à me repérer dans l’espace, et une suspicion de TSA, actuellement en attente de diagnostic.
À cela s’ajoutent des pathologies chroniques : endométriose, syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), syndrome de l’intestin irritable (SII), cystites à répétition et syndrome de la vessie douloureuse (ou cystite interstitielle). Mon cerveau tourne sans arrêt. Mon corps me freine. Et moi, je tente de tenir debout entre les deux. Cet article est là pour donner une voix à ce vécu, et pour sensibiliser à cette réalité invisible, mais bien présente.
Tout s’est installé petit à petit
Il n’y a pas eu un moment précis où tout a basculé. Les symptômes sont arrivés les uns après les autres, d’abord discrets, puis de plus en plus présents.
Depuis toute petite, j’ai des signes que je comprends mieux aujourd’hui : une hypersensibilité au bruit et à la lumière, des difficultés à me repérer, à comprendre le second degré, à suivre certaines conversations. Des comportements rigides, un besoin de routines, un repli intérieur face à la surcharge. Ces signes du TSA ont toujours été là, sans qu’on leur donne de nom. Ma dyscalculie aussi était déjà bien présente, avec une grande difficulté à manipuler les chiffres, à comprendre l’heure, à suivre des consignes liées aux quantités ou aux nombres.
À l’adolescence, avec mes premières règles, sont apparus les premiers signes de l’endométriose et du SOPK : douleurs pelviennes, grande fatigue, troubles digestifs, changements hormonaux. J’ai cru, comme beaucoup, que c’était normal. Alors j’ai gardé ça pour moi, en silence. C’est aussi vers cette période que mes troubles anxieux ont commencé à s’installer. Les inquiétudes constantes, les premières crises, les TOC de vérification, les pensées qui tournent en boucle.
Avec le temps, les symptômes se sont multipliés. J’ai commencé à consulter, à chercher des réponses. Le SOPK a été diagnostiqué en 2018, puis l’endométriose et le syndrome de l’intestin irritable en 2021. Mes troubles cognitifs (ralentissement psychomoteur, mémoire de travail limitée, difficulté à se repérer) ainsi que la dyscalculie ont également été diagnostiqués en 2021. Ce n’est que récemment, lors d’un stage que j’ai effectué dans une association pour l’autisme, que l’on m’a parlé de la possibilité d’un TSA, en lien avec des signes présents depuis l’enfance. Le diagnostic est en cours, et cette piste m’aide à mieux comprendre certains aspects de mon fonctionnement.
Et j’ai compris que je ne vivais pas avec un seul trouble, mais avec un ensemble complexe, qui touche à la fois le corps, l’esprit, les émotions, les relations. Et que cette complexité méritait d’être entendue.
Un mental en surcharge constante
Mes troubles anxieux et mes TOC occupent une place importante dans mon quotidien. Les pensées tournent en boucle, les inquiétudes surgissent sans prévenir. Les rituels mentaux me rassurent parfois, mais ils m’épuisent aussi.
Je vis avec une hypersensibilité permanente et une surcharge sensorielle presque constante : le bruit, la lumière, les mouvements autour de moi peuvent très vite devenir envahissants. Les situations sociales aussi me fatiguent énormément. Trop de gens, trop d’émotions, trop de choses à décoder. J’ai du mal avec le langage abstrait, les sous-entendus, le second degré. Je prends souvent les choses au pied de la lettre, ce qui peut créer des malentendus et renforcer mon anxiété.
Il m’est aussi très difficile de comprendre, gérer et maîtriser mes émotions. Parfois, je ressens tout trop fort. D’autres fois, je ne sais même pas mettre un mot sur ce que je ressens. Les émotions montent vite, sans que je les voie venir, et m’envahissent d’un coup. Cela peut déclencher des blocages, des crises ou une fermeture totale. Et comme je ne réagis pas toujours de façon attendue, je me sens souvent en décalage, incomprise ou coupable.
Les changements de routine, les modifications d’emploi du temps, les imprévus ou les environnements inconnus sont aussi des sources de grande tension. J’ai besoin de repères stables pour me sentir en sécurité. Quand les choses changent soudainement, je perds mes moyens, je me sens débordée, et cela me prend du temps pour retrouver un équilibre.
À cela s’ajoutent des difficultés cognitives : un ralentissement psychomoteur, une mémoire de travail limitée, une dyscalculie, et une difficulté à me repérer dans l’espace ou dans des lieux nouveaux. Ce sont des choses simples pour beaucoup, mais qui deviennent, pour moi, de vrais obstacles.
Un corps qui multiplie les signaux d’alerte
Et pendant que mon esprit lutte, mon corps aussi se bat. L’endométriose me provoque des douleurs pelviennes et lombaires, des troubles digestifs et urinaires, une fatigue chronique, des dyspareunies, et un inconfort constant lié au syndrome de la vessie douloureuse (ou cystite interstitielle). Les cystites sont fréquentes et peuvent gâcher des journées entières, sans prévenir.
Le SOPK entraîne une fatigue persistante, des cycles irréguliers et longs, de l’acné, une pilosité plus marquée, la chute de cheveux, les cheveux gras, une transpiration importante, et une anxiété hormonale. Tous ces symptômes affectent mon énergie, mon image, mon confort au quotidien.
Le syndrome de l’intestin irritable s’ajoute au reste : constipation chronique, ballonnements, gaz intestinaux, reflux, et une intolérance au lactose. Chaque repas devient un calcul. Il faut anticiper, adapter, espérer. Et parfois, même avec toute cette prudence, le corps réagit mal.
Tout cela ensemble crée une tension permanente. Le corps souffre, et l’esprit s’emballe. L’esprit sature, et le corps en paie le prix. C’est un va-et-vient incessant entre douleur physique et charge mentale.
Apprendre à vivre avec tout ça
Je ne vais pas dire que j’ai trouvé des solutions miracles. Je n’en ai pas. Je vis avec tout cela tous les jours, et j’ai beaucoup de mal, dans ma vie personnelle comme professionnelle. Organiser ma journée, maintenir un rythme, gérer des relations, travailler, me concentrer… chaque chose demande un effort que peu de gens imaginent. Il m’arrive de me sentir en décalage, dépassée, inutile. Et pourtant, je fais de mon mieux.
Malgré tout, j’avance. À mon rythme. J’apprends à mieux me connaître, à repérer ce qui m’aide, à respecter mes limites. Je m’entoure de personnes bienveillantes, je choisis des environnements qui me demandent moins de sur adaptation. J’essaie aussi d’être moins dure avec moi-même. De ne plus culpabiliser de vivre différemment.
Écrire cet article, c’est une façon de faire exister ce que je vis, sans le cacher. C’est pour les personnes qui se reconnaîtront dans ces mots, et qui se sentiront peut-être un peu moins seules. Et c’est aussi pour celles et ceux qui ne vivent pas ça, mais qui veulent comprendre. Merci à vous de lire. Je continue, avec mes douleurs, mes pensées qui s’emballent, mes oublis, mon corps qui fatigue trop vite. Mais aussi avec une forme de force. Parce que tenir debout dans un monde inadapté, quand on vit au bord du trop en permanence, c’est déjà une forme de courage.
Bonjour,
Qu’exercez-vous comme profession avec ces troubles ?
Je n’en ai pas autant mais beaucoup me parlent.
Merci pour votre authenticité.
Merci pour ce témoignage touchant qui met en lumière une réalité souvent invisible, mais bien présente. Vos mots donnent de la force à celles et ceux qui vivent des situations similaires à différents niveaux.