Démarrer un semblant de romance sans jamais poser de terme dessus, laisser la conversation en suspens puis revenir quand le vide se fait ressentir, entretenir la complicité sans trop s’investir. C’est l’art machiavélique du paper clipping, une pratique amoureuse crasse où vous n’êtes qu’une vulgaire roue de secours.
Le paper clipping, un lien calculé
Des échanges fougueux, des points communs qui rassemblent, une alchimie palpable et des sentiments qui s’affirment de jour en jour. Tout porte à croire que l’idylle ira loin et ne se limitera pas aux pixels. Sauf que lorsque la relation commence à se confirmer, les discussions se font plus rares, les emojis désertent les messages et la complicité se dissipe en même temps que les espoirs.
Cette personne que vous pensiez être « la bonne », se retire subitement de la joute sentimentale. Quelques jours plus tard, alors que vous croyez avoir fait la sombre expérience du ghosting, son nom réapparaît sur votre écran. Elle vous sort son plus beau jeu de séduction et quand tout s’accélère, elle s’éclipse à nouveau. Le scénario se répète en boucle comme dans le film « Un jour sans fin ».
Le paper clipping, c’est ce moment où une personne vous recontacte sporadiquement sans jamais proposer de vous voir ou d’avancer la relation. Elle surgit dans votre boîte de message, laisse une empreinte minimale puis disparaît dans les limbes numériques avant de refaire de brèves apparitions. À la différence du ghosting, qui crée une coupure nette, le paper clipper ne part jamais tout à fait. Il reste en toile de fond. Il sème assez d’attention pour rester dans votre esprit, mais jamais assez pour construire quelque chose de concret.
En fait, à ses yeux, vous n’êtes rien de plus qu’un « date joker ». Le paper clipper vous garde bien au chaud dans ses contacts au cas où il ne trouve pas mieux sur le marché des célibataires. Vous êtes un peu sa solution de dépannage, son plan B. Le paper clipping tient d’ailleurs son nom de Clippy, l’assistant virtuel de Microsoft qui s’affiche sur l’écran à sa guise, sans sollicitation préalable.
Une pratique nocive qui entretient le flou
Le paper clipping est une pratique stratégique qui brouille les sentiments. La personne qui use de cette méthode ne cherche rien de sérieux, simplement une relation d’appoint où elle peut aller et venir comme bon lui semble. Même si elle vous glisse des compliments flatteurs, elle n’a pas l’intention d’aller au-delà du flirt. Cependant, elle fait tout pour semer le trouble. Ce silence soudain vous laisse penser que vous êtes allée trop vite ou que vous avez mal agi. Vous finissez carrément par croire que cette histoire n’a existé que dans votre esprit et que vous avez interprété des signes là où il n’y en avait pas.
Le paper clipping joue sur la nostalgie, la confusion et l’attente non satisfaite. Il ranime de vieux espoirs, puis vous laisse dans un vide émotionnel encore plus pesant qu’avant. Cela peut paraître inoffensif, mais à la longue, ce type d’interactions peut profondément affecter votre rapport à l’amour.
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Pourquoi est-ce si déstabilisant ?
Comme le décrit Mark Travers, psychologue américain, dans un article écrit de sa plume sur Forbes en mai 2024 le paper clipping est un procédé « intrusif, perturbant et émotionnellement déroutant ». Pourquoi ? Parce que tant que la personne n’est pas définitivement partie, vous avez toujours envie de lui donner une chance. Peur de l’engagement, traumatismes latents, timidité, manque d’assurance. Vous trouvez une explication romantique à ce comportement flou. Sauf que dans la grande majorité des cas, il n’en est rien. Le paper clipper agit par égoïsme, souvent pour se rassurer sur sa propre attractivité.
Ce va-et-vient émotionnel fragilise votre capacité à faire confiance, à délimiter vos besoins et à poser vos propres limites. En entretenant l’illusion d’un lien, vous restez coincée dans l’entre-deux, entre passé et espoir, réalité et fantasme. Or, construire une relation avec quelqu’un qui joue sur plusieurs tableaux et qui vous utilise comme un pantin est tout bonnement impossible.
Comment sortir de cette boucle toxique ?
La première étape est de reconnaître le paper clipping. Si quelqu’un vous recontacte régulièrement sans jamais proposer de rencontre, de vraie discussion ou d’engagement sincère, c’est un signal d’alarme. Demandez-vous : qu’est-ce que je ressens après chaque message ? Plus de clarté ou plus de flou ? De la joie ou une frustration sourde ?
Ensuite, reprenez le pouvoir. Vous avez le droit de ne pas répondre, de couper le lien ou même de poser une question directe : « Pourquoi me contactes-tu ? ». Cette question simple peut suffire à faire tomber le masque et à vous ouvrir les yeux.
Alors, la prochaine fois qu’un « coucou toi » ou qu’un « hey ça va » surgit de nulle part après des semaines d’absence, souvenez-vous : ce n’est peut-être pas de l’amour. Juste un paper clipper qui essaye de berner votre coeur.