JO 2024 : qui est Alice Milliat, la pionnière du sport féminin olympique ?

Il y a seulement 120 ans, les femmes étaient proscrites des Jeux olympiques. Les activités sportives étaient spécifiquement dédiées aux hommes, et ce, depuis l’Antiquité. Mais fort heureusement, les mentalités ont évolué et les femmes participent désormais aux compétitions. Et cette grande évolution on la doit à une femme. Pas n’importe laquelle. Une fervente militante, féministe, ambassadrice du sport féminin : Alice Milliat.

Si vous ne la connaissez pas, laissez-nous vous présenter, la première femme sportive à donner son nom à une salle olympique et à avoir hissé le sport féminin au même rang que celui des hommes !

Le sport & les femmes : un chemin de parité sinueux

Aujourd’hui, cela peut vous sembler atterrant de savoir que les femmes, à l’époque, n’avaient pas le droit de participer à des compétitions sportives. Certes, la parité est encore discutable de nos jours, cependant, ne négligeons pas les avancées !

Eh oui, depuis l’Antiquité, les Jeux olympiques étaient une affaire d’hommes. Les femmes étaient complètement exclues comme athlètes. Elles ne pouvaient assister aux compétitions qu’en tant que spectatrice et seulement si elles n’étaient pas encore mariées. D’ailleurs, selon les codes de l’époque, une femme faisant du sport signifiait qu’elle devait se vêtir dans des tenues incorrectes. De plus, l’activité sportive était considérée mauvaise pour la santé des femmes et pour leur capacité à procréer.

 

Toutefois, malgré le joug du patriarcat et du sexisme, seize femmes d’Elide, région de la Grèce située à l’ouest de la péninsule du Péloponnèse, auraient créé leurs propres jeux sportifs au VIe siècle avant J.-C : Les Jeux Héréens. L’évènement, se déroulant chaque quatre ans à Olympie, était strictement dédié aux femmes de tous les âges.

Mais cette émancipation ne fit pas long feu. L’empereur chrétien Théodose abolit les compétitions, masculines comme féminines, en 393 de notre ère. Ce n’est que 1503 ans plus tard, que les Jeux olympiques reprennent vie, à l’initiative du français Pierre de Coubertin.

Dit comme ça, cela semble une bien belle avancée pour les sportif.ve.s. Mais, figurez-vous que Coubertin n’a pas du tout rendu la tâche facile aux femmes. Il jugea que la gent féminine n’avait pas sa place dans les compétitions et leur en interdit la participation. Autant d’années pour revenir à la case départ…

« Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. » Pierre de Coubertin, Jeux olympiques de 1912, Stockholm.

Mais rien n’est entièrement perdu. Notre Alice Milliat, vient donner un bon gros coup de pied au sexisme et change l’histoire.

Qui est Alice Milliat ?

La pionnière du sport féminin est née le 5 mai 1884 à Nantes. L’institutrice, mais également rameuse, hockeyeuse de haut niveau, a défendu bec et ongle, depuis le XXe siècle, le droit des femmes et particulièrement pour que le sport féminin soit reconnu au même titre que celui masculin. Elle s’est férocement opposée au sexisme et au patriarcat de Pierre de Coubertin. Et elle y est parvenue.

Alice Milliat aux commandes

En 1915, elle devient Présidente du club Gémina-Sport, un club omnisports fondé en 1912 à Paris, dédié à la promotion du football et de l’athlétisme féminin. En 1917, elle devient l’une des fondatrices de la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France, première fédération à se consacrer aux activités physiques féminines, dont elle sera par la suite la présidente, en 1919.

La même année, Alice Milliat demande au Comité international olympique (CIO) d’inclure des épreuves féminines d’athlétisme aux prochains JO. À cette époque, les femmes ne pouvaient participer qu’aux compétitions de tennis ou de golf, seuls sports jugés « compatibles avec leur féminité et fragilité », selon Coubertin.

Mais l’environnement social n’est pas à l’heure du progrès et de la parité. Notre militante essuie de nombreux refus. Elle décide alors de créer, de son propre côté, les compétitions féminines, dont elle a toujours rêvé.

Les femmes enfin aux JO grâce à Alice Milliat

En 1921, à Monte-Carlo, a eu lieu le premier meeting international féminin. S’en suivra, en 1922 à Paris, la première édition des Jeux Mondiaux Féminin, nommés à l’époque les Jeux Olympiques Féminins. Quant à la troisième édition, elle s’est tenue en 1930 à Prague et a réuni 200 femmes de 17 pays différents devant plus de 15 000 spectateur.ice.s.

 

Néanmoins, il aura fallu attendre la démission de Pierre Coubertin en 1925 pour voir une véritable avancée. Le succès de ces JO féminins, convainc le CIO. Il autorise enfin les femmes à concourir pour les épreuves d’athlétisme. Les premières femmes athlètes y participeront à Amsterdam en 1928.

Si ces compétitions étaient un bel exemple d’avancée en termes de droits des femmes, ces événements étaient en revanche, exclusivement chapeautés par le CIO et étaient sous la tutelle de fédérations dirigées seulement par des hommes. Ainsi, la Fédération sportive féminine internationale s’éteint et Alice Milliat se retire de la course. Mais laisse derrière elle un profond héritage.

Une statue à son effigie

Après son décès, en 1957, Alice Milliat tombe peu à peu dans l’oubli. Quelques gymnases et le Crous de Nantes, sa ville natale, vont porter son nom. Mais, ce n’est qu’en 2016, que son combat va renaître des cendres, avec la création de la fondation Alice Milliat, pour la médiatisation et la promotion du sport au féminin.

En 2020, le conseiller Nicolas Bonnet-Oulaldj, délégué aux sports du 12e arrondissement de Paris, va même proposer de renommer la nouvelle Arena de la porte de la Chapelle, en son nom.

Mais le plus bel hommage qui lui sera rendu est l’installation, en 2021, d’une statue, haute de 2.85m, la représentant face à Pierre de Coubertin, à la Maison du sport français, à Paris. L’édifice a été inauguré le 8 mars, date symbolique, dédiée à la Journée internationale des droits des femmes.

On doit énormément au combat juste et salutaire d’Alice Milliat. Depuis 1900, aucune édition des JO n’avait permis de rassembler autant de femmes que d’hommes. Durant les JO de 2022, les femmes ont participé à 53 % de l’ensemble des compétitions. Un chemin de la parité que le CIO semble continuer d’emprunter, puisqu’il promet également une parité pour les JO de 2024. 10 500 athlètes sont prévu.e.s dont 5 250 femmes. Une promesse que l’on attend d’être tenue.

Et si vous souhaitez retracer la vie d’Alice Milliat en image, on vous recommande de voir le documentaire Les incorrectes.

Shem's Tlemcani
Shem's Tlemcani
Je suis passionnée par les sujets sociétaux et la santé. Mon intérêt pour les questions sociales me pousse à explorer des enjeux tels que la lutte contre la pauvreté, l'éducation et le changement climatique. En matière de santé, je m'investis dans les domaines du bien-être, de la nutrition et de la prévention des maladies. Je m'efforce de rester informée et d'utiliser ma voix pour sensibiliser et encourager le débat et l'action sur ces sujets cruciaux.
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