Sport : les femmes à la conquête de la parité

Le 30 janvier dernier, le célèbre joueur de tennis Rafael Nadal sortait vainqueur de la finale de l’Open d’Australie. Une performance saluée, à juste titre, par le public et les médias puisque cette victoire constituait sa 21e en Grand Chelem. Le lendemain, les journaux du monde entier s’empressent de titrer que l’Espagnol est désormais le « plus grand des plus grands joueurs de tennis ».

Aurait-on oublié Margaret Smith Court (24 titres), Serena Williams (23 titres) ou Steffi Graph (22 titres) ? C’est une histoire d’invisibilisation du sport féminin que nous comptons bien vous raconter aujourd’hui.

Femmes & sport : l’histoire d’un long combat

Passer les femmes au second plan en matière de sport ne date pas d’hier. Pendant longtemps, les femmes n’avaient aucune place dans ce monde considéré comme un monde d’hommes. La démocratisation du sport au féminin ne commence qu’assez tardivement, dans les années 1870-1880. D’ailleurs, l’éducation physique des petites filles en classe de primaire est inscrite dans les lois de Jules Ferry dès 1882 même si elle n’est pas vraiment appliquée.

Il faut attendre 1900 pour voir pour la première fois des femmes participer aux Jeux Olympiques. Une victoire pour la cause, mais des débuts encore timides. Si des sportives sont effectivement présentent, elles restent en extrême minorité. Elles sont précisément 22 femmes à concourir, contre 975 hommes. Et on vous passe bien sûr toutes les polémiques et remarques sexistes que cela a engendrées. Pour n’en citer qu’une : « une olympiade femelle est impensable, elle serait impraticable » déclarait Pierre de Coubertin, le fondateur des Jeux Olympiques tels qu’on les connait aujourd’hui.

Ce n’est finalement qu’au cours de la Première Guerre Mondiale que l’on commence réellement à accepter l’association de « sport » et « femmes ». Les Françaises commencent à prendre du plaisir à exercer leur corps à différentes disciplines alors que leurs époux sont partis au front.

Dès 1923, des compétitions sportives exclusivement féminines voient d’ailleurs le jour, preuve de la popularisation des pratiques sportives au sein de la gent féminine. Il faut tout de même attendre 2007 pour qu’une charte olympique rende obligatoire la présence des femmes dans l’ensemble des pratiques sportives.

Une visibilisation encore timide du sport féminin, mais qui tend à se renforcer

Aujourd’hui, on peut affirmer que le sport n’est pas uniquement un monde d’hommes. Une femme faisant du sport ne choque plus personne à proprement dit. Malgré le fait que ces chiffres restent anormalement bas, le volume horaire consacré à la retransmission de manifestations sportives féminines est passé de 7 % à 19 % entre 2012 et 2018, selon les chiffres du CSA reportés par le journal Le Figaro.

Un progrès aussi appréciable que nécessaire puisque cette augmentation de la visibilité des femmes sportives a eu pour effet une multiplication des licenciées dans les clubs. Comme si, face à ces modèles, assez badass on ne va pas se mentir, les Françaises se sentaient enfin légitimes à pratiquer le sport qu’elles aiment. Entre 2007 et 2015, le nombre de licences augmente de 20 %. Encore une preuve que la diversité des représentations a une importance capitale pour lutter contre les stéréotypes.

Des inégalités de genre qui persistent encore aujourd’hui

On aurait néanmoins tort de croire que tous les combats ont été gagnés et que toutes les victoires ont été effectives. En 2022, il demeure d’immenses inégalités entre le sport féminin et le sport masculin. D’abord, le monde du sport est encore empreint d’une multitude de stéréotypes. À commencer par les sports choisis par mesdames. Gymnastique, marche à pied, danse et natation sont les disciplines où les femmes sont le plus représentées d’après un bilan du magazine Women Sports. À l’inverse, les femmes pratiquant des activités considérées comme masculines sont victimes d’énormément de moqueries.

« T’avais des grosses dondons qui étaient certainement trop moches pour aller en boîte le samedi soir. Aujourd’hui ça n’a rien à voir, elles ont progressé (…) Mais par rapport à une équipe masculine, ça vaut que dalle ! », déclare le consultant sportif Pierre Menès au micro de l’Equipe en 2013

De même, si la plupart sont capables, même sans suivre du tout l’actualité footballistique, de donner des noms des joueurs de l’équipe de France. Est-ce la même chose pour l’équipe féminine ? De toute évidence, non…

Et les inégalités ne s’arrêtent bien sûr pas là. Il y a d’énormes différences de salaire et de moyens mis en place. On se rappelle notamment des joueuses de l’équipe de football de Rennes qui avait planifié de jouer en culotte le 20 novembre 2021 pour protester contre la différence de moyens mis à leur disposition en comparaison avec l’équipe masculine. De même, ce n’est que le 18 mai dernier la Fédération US de Football a officialisé l’égalité salariale entre son équipe féminine et celle masculine.

La Fédération US de Football officialise l’égalité salariale entre les hommes et femmes 💸La fédération américaine de…

Posted by The Body Optimist on Thursday, May 19, 2022

5 championnes qui ont marqué l’histoire du sport féminin

Parce qu’il est totalement injustifié que certaines sportives de talent soient renvoyées au rang d’oubliées de l’histoire, voici un échantillon de femmes ayant contribué à faire du sport une affaire de femmes.

1 – Serena Williams, championne de tennis ultra badass

On vous en parlait au tout début de cet article. Serena Williams figure parmi les plus grand.e.s joueur.se.s de tennis contemporain.e.s. Elle remporte sa première victoire en Grand Chelem à seulement 17 ans et en comptabilise depuis 23.

En plus de sa carrière de championne, Serena Williams est aussi une mère, et une entrepreneuse, créatrice de sa propre marque de vêtements. Bref, comme quoi, les femmes ont le pouvoir de faire beaucoup.

2 – Kathrine Switzer, première marathonienne

Kathrine Switzer est la première femme à avoir couru le marathon de Boston avec un dossard. En 1967, soit 5 ans avant que la compétition ne soit officiellement accessible aux femmes, elle s’inscrit à l’épreuve sous son pseudonyme de journaliste « K.V Switzer », ne laissant pas apparaitre qu’elle est une femme.

Pendant la course, un des organisateurs qui l’a repéré tente de l’empêcher de courir en l’agrippant violemment. Heureusement, son partenaire, qui courait avec elle, dégage l’officiel pour lui permettre de finir sa course.

3 – Candace Parker, maman et basketteuse de talent

Candace Parker est une des rares joueuses à réaliser des dunk en plein tournoi. En effet, en 2006, lors d’un match de championnat NCAA, la basketteuse s’envole en direction du panier. Un dunk mémorable qui marque l’histoire du basket-ball féminin. Et cela ne s’arrête pas là !

L’Américaine continue sur sa lancée en bravant les normes sociales et ce que l’on attend d’une athlète en revenant sur le terrain seulement 8 semaines après la naissance de sa fille Laila. Pendant les mi-temps, elle allaite alors son bébé qui la suit dans tous les matchs et toutes les compétitions.

4 – Caster Semenya, meilleure coureuse du 800 mètres au monde

En 2009, Caster Semenya, alors seulement âgée de 19 ans, remporte le Championnat du monde du 800 mètres à Berlin. Elle est alors interrogée par un journaliste qui lui demande si elle est née garçon. Parce que visiblement soit on est un homme soit on est nul.le quand il s’agit de sport. La rumeur, qui s’appuie sur son physique et son apparence « masculine » est vite écartée par son acte de naissance, mais elle se voit interdire de concourir sans se soumettre à des modifications hormonales.

La raison ? Caster Semenya est hyperandrogène. Cela signifie que son corps produit une grande quantité d’androgènes, les hormones sexuelles mâles. En 2018, Caster Semenya intente un procès pour tenter de récupérer son droit de concourir, en vain. Elle profite néanmoins de sa notoriété pour le sport et les droits LGBT.

5 – Alex Morgan, sur la couverture de FIFA 16 au côté de Lionel Messi

Championne olympique en 2012, championne du monde en 2015 et 2019, l’attaquante de 30 ans a un palmarès impressionnant. Un talent qui lui vaut de faire en 2015 la couverture de la version américaine du jeu vidéo FIFA 16, aux côtés de Lionel Messi. Plutôt très bien joué non ?

Comme quoi, être une femme n’empêche nullement de faire du sport. Et plus encore, d’être performante dans ce sport (si certain.e.s en doutaient). Il est important de remettre les choses dans leur contexte et de ne pas oublier que le sport féminin doit être considéré au même titre que le sport masculin. Rafael Nadal est un immense joueur de tennis, certes, mais il ne détient que le record masculin du nombre de victoires en Grand Chelem. À bon entendeur.

Léonie Bourbon
Léonie Bourbon
À travers mes articles, je vise à divertir, éduquer et inciter à la réflexion, en partageant des histoires qui touchent le cœur et l'esprit.
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