Masturbation gap : pourquoi les femmes se donnent moins de plaisir que les hommes ?

Les femmes sont plutôt bien loties en matière de sextoys. Ce sont même les principales destinataires de ces joujoux intimes. Stimulateur clitoridien, rabbit, boule de Geisha… ces mesdames ont tout l’attirail coquin qu’il faut pour booster leur plaisir solitaire et glaner quelques frissons. Mais paradoxalement, elles sont moins fidèles à la masturbation que leurs homologues masculins. Dans cet auto-érotisme aussi, femmes et hommes ne sont pas égaux.

Chez les femmes, la masturbation est encore vue comme un plaisir « honteux » tandis que pour les hommes ce n’est rien de plus qu’un « moyen de se soulager ». Une nouvelle étude portée par la marque Womanizer pointe de nouveau ce « masturbation gap », soit « fossé masturbatoire ». Et il s’est encore creusé. Alors que le mois de la masturbation touche à sa fin, auscultons d’un peu plus près cette disparité située sous la ceinture. 

Masturbation gap : des chiffres toujours en berne

Si les inégalités salariales entre hommes et femmes n’étonnent plus, celles qui se nichent dans les chambres à coucher créent généralement la surprise générale. Malgré l’essor des sextoys, les diverses cartographies du clitoris et les innombrables astuces d’effeuillage, le plaisir féminin, peine toujours à se libérer.

Le « masturbation gap » est, certes, moins profond que les années précédentes, mais il n’est pas encore prêt de se résorber. Une étude toute fraîche de Womanizer, marque la plus respectée dans l’arène des sextoys, révèle que l’écart de masturbation entre hommes et femmes est passé de 36 % l’an dernier à presque 39 % cette année.

Selon l’enquête, les femmes auraient leur première session de masturbation le 21 mai tandis que les hommes se seraient déjà masturbés pendant les quatre premiers mois et demi de l’année. Une longueur d’avance qui s’explique surtout par une perception très dissonante de la masturbation elle-même. Les hommes l’interprètent comme une forme de « divertissement sexuel ». À l’inverse, les femmes vont avoir tendance à retrancher l’acte dans la culpabilité et la pudeur absolue.

La satisfaction reçue au change est, elle aussi, assez tranchée. Les hommes reçoivent quasi toujours un orgasme à la clé alors que les femmes en ressortent plus souvent bredouilles. Womanizer estime ainsi que le « masturbation gap » est entretenu par un manque d’éducation à la sexualité et une méconnaissance du corps féminin.

Alors que les hommes parviennent à se suffire avec une main, les femmes doivent presque faire des étincelles avec leur index pour espérer obtenir des sensations d’ivresse. Le « masturbation gap » n’est autre qu’un miroir d’une société faussement pudique quand il s’agit de plaisir solo, mais ouvertement critique devant les films X.

Masturbation gap : les raisons qui l’expliquent

Le « masturbation gap » est un autre héritage empoisonné de l’ère patriarcale et des interdits qu’elle a forgé autour du plaisir féminin. Même si l’hypothèse de l’hystérie s’est essoufflée (et heureusement), le fait de s’émoustiller le clitoris sans l’aide d’un chevalier servant, relève encore de l’indécence selon la pensée collective. Pourtant, 63 % des femmes préfèrent secrètement leur vibro à leur partenaire. Mais le « masturbation gap » se nourrit également d’autres lacunes. En voici un petit cheptel.

Un manque criant d’éducation sexuelle

Les livres de SVT font l’impasse sur le système reproducteur féminin au profit d’informations plus superflues sur l’anatomie de la grenouille. Pour rappel, le clitoris a fait son apparition dans les manuels scolaires seulement en 2017. Pas étonnant que 42 % des femmes ne parviennent pas à le représenter correctement.

Plus terrible, 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment dessiner une vulve alors qu’elles sont 53 % à savoir traduire un pénis. L’école, censée être le lieu de « tous les savoirs », bâcle grandement les séances d’éducation sexuelle comme s’il s’agissait d’une « futilité ».

D’après une étude IFOP pour le Planning Familial, 67 % des jeunes de 15 à 24 ans déclarent ne pas avoir bénéficié des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité que la loi impose. Et lorsque le quota est rempli, la vision de la sexualité reste très déformée. Les garçons sont incités à se protéger des MST tandis que les filles sont directement enfermées dans leur fonction « reproductive ».

Selon une enquête Womanizer plus ancienne : la masturbation n’est pas au programme dans l’éducation sexuelle des enfants. En France, les écoles enseignent surtout la contraception (33 %), la puberté (32 %), les infections sexuellement transmissibles (29 %), ainsi que la grossesse et la naissance des bébés (28 %).

L’étude souligne que 96 % des Français.es n’ont ainsi jamais eu de cours sur la taille et la fonction du clitoris, ou bien sur la masturbation de manière générale, qu’elle soit féminine ou masculine. Or si l’on ne nomme pas ces pratiques, elles seront plus sujettes à l’ignorance, aux tabous et seront plus difficiles à accepter.

Un traitement différent de la masturbation féminine et masculine

« Aller voir madame cinq doigts », « cirer le pingouin », « se dégorger le poireau », « se cirer le manche »… il existe une pléiade de termes argotiques pour décrire la masturbation masculine. Mais côté femmes, c’est le néant absolu. Un no man’s land complet. Hormis peut-être « se faire grossir la cerise », aucune expression populaire ne s’attèle à illustrer la masturbation féminine. Étrangement, la langue française, si riche et foisonnante, donne ici, sa langue au chat. Ce déséquilibre linguistique paraît anodin en apparence. Pourtant, il prouve toute l’hostilité portée envers la masturbation féminine.

Tandis que le plaisir solitaire de ces messieurs est une pantomime universelle, celui qui concerne ces mesdames reste feutré dans un silence, comme s’il n’avait pas lieu d’exister. Les termes employés ont aussi leur importance. La séance sulfureuse des hommes renvoie quasi toujours à un lexique agressif et bestial.

À l’inverse, celle des femmes se restreint à des mots plus sages et passifs comme « faire le DJ » ou « composer le téléphone à cadran ». Cette dualité sous-entend que la pratique masturbatoire féminine est ridicule tandis que celle des hommes est spectaculaire. Ces codes de langage très antinomiques maintiennent l’idée archaïque que les femmes ont moins de désir et que les hommes dépendent de leur pulsion. Des ingrédients qui érodent le « masturbation gap ».

La vision du plaisir féminin encore biaisée

La sacro-sainte intimité féminine, longtemps régie par les hommes, attire encore toutes les convoitises. La pénétration, considérée comme un véritable sanctuaire pour le désir masculin et une voix de grâce vers la grossesse, a fini complètement dépossédée de ses vertus « plaisir ».

Alors, imaginer une femme s’insérer un objet vibrant dans le vagin revient presque à insulter l’égo de l’homme. La stimulation clitoridienne, quant à elle, a des antécédents peu glorieux. Autrefois, elle était pratiquée par les médecins à la manière d’un remède contre les « crises de folie ». Un plaisir « assisté » qui n’a fait que forger l’image de la femme réticente et moins « visuelle » que leurs homologues. Le « masturbation gap » est donc aussi un dérivé d’anciennes croyances archaïques.

C’est pour attirer l’attention sur ce déséquilibre sexuel que Womanizer a créé la « Journée Mondiale de la Masturbation Égalitaire ». Elle a traditionnellement lieu le jour où hommes et femmes atteignent le même palier en termes de masturbation, soit assez tard. Pour combler ce « masturbation gap », il faudra certainement plus que des sextoys ultras performants…

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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