Depuis les débuts de l’Église catholique, le choix d’un nom papal n’est jamais anodin. Il reflète souvent une intention spirituelle, une filiation idéologique ou un hommage à une figure marquante de l’histoire de l’Église. En analysant les 266 papes élus depuis saint Pierre au Ier siècle, certains noms reviennent de façon particulièrement récurrente.
Jean, le nom papal le plus populaire
Le prénom Jean a été choisi par 23 papes, ce qui en fait le nom le plus utilisé de toute l’histoire de la papauté. Sa popularité est due à plusieurs facteurs : la figure majeure de saint Jean l’Évangéliste, mais aussi celle de Jean-Baptiste, perçus comme des modèles de foi et de fidélité. Le dernier pape à avoir porté ce nom fut Jean XXIII, élu en 1958, connu pour avoir convoqué le concile Vatican II.
Grégoire et Benoît, des noms de réforme et de rigueur
Grégoire, choisi par 16 papes, évoque surtout Grégoire Ier, dit le Grand, pape au VIe siècle, connu pour son œuvre missionnaire et la réforme liturgique. Ce nom symbolise l’autorité spirituelle et l’organisation de l’Église.
De même, le nom Benoît, également porté par 16 papes, renvoie à saint Benoît de Nursie, fondateur du monachisme occidental. Le pape Benoît XVI (2005–2013) a voulu inscrire son pontificat dans cette tradition de rigueur doctrinale et de réflexion théologique.
Clément et Léon, les piliers doctrinaux
Clément, avec 14 occurrences, fait référence à Clément Ier, l’un des premiers papes, dont les lettres aux Corinthiens sont considérées comme des textes importants de la tradition apostolique.
Le nom Léon, lui aussi utilisé 14 fois, reste associé à Léon Ier, dit le Grand, reconnu pour sa défense de l’orthodoxie face aux hérésies et son rôle politique face aux invasions barbares.
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Innocent et Pie, pour souligner la pureté et la piété
Avec 13 papes, le nom Innocent peut surprendre. Il renvoie à l’idée de pureté morale, mais plusieurs papes Innocent ont exercé un pouvoir politique important, à l’image d’Innocent III, l’un des plus influents du Moyen Âge.
Pie, choisi 12 fois, évoque la piété et la dévotion. Le dernier en date, Pie XII, a dirigé l’Église durant la Seconde Guerre mondiale et reste une figure controversée pour sa position face au nazisme.
Etienne et Boniface, noms d’un autre temps
Etienne et Boniface, chacun porté par 9 papes, appartiennent à des périodes plus anciennes de l’histoire de l’Église. Ils témoignent de traditions ancrées dans l’Antiquité chrétienne. Boniface fait notamment référence à l’évangélisation de la Germanie au VIIIe siècle.
Urbain, Alexandre : des papes bâtisseurs
Le nom Urbain, utilisé 8 fois, est souvent associé à des pontificats liés à des croisades ou à des efforts de réforme. Urbain II, par exemple, est celui qui a lancé la première croisade en 1095.
Alexandre, choisi 7 fois, renvoie à une période charnière de l’Église, entre renforcement de la papauté et confrontations politiques, notamment sous Alexandre III, qui a résisté à l’empereur Frédéric Barberousse.
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Une tradition encore vivante
Depuis le pape Serge Ier (VIIe siècle), le changement de nom à l’accession au trône pontifical est devenu systématique. Ce choix est souvent un message adressé à l’Église et au monde. Lorsque Jorge Mario Bergoglio a été élu en 2013, il a surpris en choisissant le nom de François, une première. Il rendait ainsi hommage à saint François d’Assise, symbole de pauvreté, d’humilité et de paix.
Cette tradition des noms papaux traduit donc bien plus qu’un simple usage : elle incarne une vision, un programme, voire une ligne théologique. Elle permet aussi aux papes de s’inscrire dans une continuité ou de marquer une rupture. L’histoire des noms choisis est en elle-même une histoire de l’Église.