Sur un terrain de camogie en Irlande, le 4 mai 2025, un geste collectif a marqué les esprits. 60 joueuses des équipes de Kilkenny et de Dublin se sont présentées prêtes à jouer… en short. Un détail vestimentaire en apparence banal, mais qui a provoqué une onde de choc.
Un règlement imposé aux femmes, pas aux hommes
L’arbitre, invoquant le règlement, a menacé d’annuler la rencontre si chaque joueuse ne troquait pas son short contre une jupe-short (ou skort), tenue officiellement imposée dans cette discipline féminine. La scène, relayée par la presse irlandaise et des médias internationaux comme BBC Sport et La Dépêche, a mis en lumière une règle vestimentaire que de nombreuses joueuses jugent obsolète, inconfortable et sexiste.
Le camogie, l’équivalent féminin du hurling en Irlande, est régi par la Camogie Association of Ireland, affiliée à la puissante Gaelic Athletic Association (GAA). Dans ce sport traditionnel, le règlement impose en effet aux joueuses de porter une jupe, une jupe-short ou une jupe-culotte. Une règle qui ne s’applique pas aux joueurs masculins, ni même aux pratiquantes de football gaélique, autre discipline dite féminine où les shorts sont autorisés.
« Comment se fait-il qu’en 2025, les femmes doivent encore se battre pour avoir le droit de porter un short sur un terrain de sport ? », s’indigne Aisling Maher, capitaine de l’équipe de Dublin. Sur ses réseaux sociaux, elle décrit cet épisode comme le « moment le plus bas » de sa carrière, dénonçant une contrainte qui n’a rien à voir avec la performance sportive.
Une protestation pacifique, mais significative
Le geste des deux équipes irlandaises, qui avaient décidé d’un commun accord d’entrer sur le terrain en short pour protester, marque un tournant dans un débat latent depuis des années. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon un sondage mené récemment par la Gaelic Players Association, 70 % des joueuses interrogées estiment que les jupes-shorts sont inconfortables. Et 83 % d’entre elles réclament simplement le droit de choisir leur tenue.
Face à la pression du règlement, les athlètes ont fini par se plier à l’exigence de l’arbitre. Le match a finalement eu lieu – Kilkenny l’a emporté sur le score de 4-11 à 2-22 – mais la frustration reste entière. « Dans aucun autre aspect de ma vie, on ne m’impose de porter un vêtement qui ressemble à une jupe, simplement parce que je suis une fille », insiste le joueuse Aisling Maher.
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Une règle gelée jusqu’en 2027
Le statu quo est d’autant plus mal vécu que toute tentative de réforme a été, jusqu’ici, balayée. Deux propositions de modification de cette règle vestimentaire ont en effet été rejetées lors du congrès annuel de la Camogie Association l’année dernière. Résultat : aucune nouvelle motion ne pourra être présentée avant 2027.
En réponse à la polémique, l’association a publié un communiqué assurant que le « bien-être des joueuses » reste au cœur de ses priorités. Un groupe de travail a aussi été créé pour évaluer la conception et le confort des skorts actuellement utilisés. Des tests de nouveaux modèles doivent débuter à la mi-mai 2025 auprès de joueuses et arbitres de tous niveaux.
Pour de nombreuses voix, cette réponse reste toutefois insuffisante. « C’est insensé qu’en 2025, on en soit encore là », dénonce Alan Kelly, député travailliste et président de la commission des sports du parlement irlandais, qui a annoncé son intention de convoquer la Camogie Association devant cette instance. Pour la sénatrice Evanne Ní Chuilinn, ce règlement est désormais un « frein à la participation des filles au sport ».
Une révolte symbolique
Le débat dépasse largement la question des vêtements. Il renvoie à une exigence faite aux femmes dans l’espace sportif : se conformer à des normes esthétiques ou genrées au détriment de leur confort et de leur liberté. En 2021 déjà, l’équipe féminine de beach handball de Norvège avait été sanctionnée pour avoir porté des shorts au lieu des traditionnels bas de bikini, entraînant ensuite une modification des règlements européens.
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Aujourd’hui, les joueuses de camogie reprennent ce flambeau. Leur protestation silencieuse, mais ferme, pose une question simple : pourquoi leur impose-t-on encore de porter une jupe pour jouer ? Tant que la règle restera en vigueur, leur combat ne sera pas terminé.