Quand l’IA sexualise les femmes trisomiques : les images choc

L’IA peut faire des merveilles mais lorsqu’elle tombe entre de mauvaises mains, elle peut aussi faire des ravages. La dernière dérive en date ? Des faux profils Instagram mettant en scène des femmes porteuses de trisomie 21 dans des postures aguicheuses et des tenues légères. Ce contenu explicite fabriqué de toute pièce donne l’illusion du vrai et utilise le handicap comme appât du clic.

Des images trafiquées qui n’en ont pas l’air

L’IA est partout. Si le commun des mortels s’en sert pour remplir sa bio sur les applis de rencontres, avoir un CV sur-mesure, ou encore trouver une recette en instantané, les pervers du web, eux, l’utilisent pour nourrir des fantasmes qui n’ont pas lieu d’être. Si vous écumez Instagram, vous avez peut-être croisé une femme trisomique aux formes incendiaires à travers votre swipe.

En micro short ou en pyjama moulant, elle arbore le fameux nez retroussé, les yeux en amande et tous les traits typiques qui caractérisent cette anomalie chromosomique. Sauf que loin d’avoir une petite taille, une stature trapue et corpulente, elle est dotée d’un ventre plat, de hanches voluptueuses et d’une poitrine XXL. Cette image aussi convaincante soit-elle, n’est que le fruit de l’IA, robot qui obéit à quiconque lui donne des ordres, y compris les plus tordus de la société. Elle est ce que l’on appelle plus communément un « deepfake ». Vous savez ces montages de qualité supérieure souvent employés pour détourner les propos des politiques ou interchanger le visage des actrices X avec celui d’innocentes chanteuses.

Des détraqués sexuels reprennent alors impunément le corps d’influenceuses et y apposent les traits physiques de la trisomie 21 comme des filtres en version améliorée. Une fois passés à la moulinette, ils obtiennent des profils très aboutis, qui bernent les plus avertis d’entre nous. Et l’algorithme, friand de chair et un peu obsédé sur les bords, pousse ses contenus au lieu de les censurer. Ces images falsifiées qui répondent à un fétiche glauque et qui piègent les yeux génèrent des milliers de likes.

Une exploitation abjecte du handicap

Ces images pondues par une IA aux valeurs morales très limitées s’accompagnent de questions ou de légendes tout aussi basses d’esprit. « Le syndrome de Down est-il un obstacle pour vous ? ». « Sortiriez-vous avec une fille atteinte du syndrome de Down ? ». « Les gens dénigrent ma trisomie 21 jusqu’à ce que je porte des vêtements moulants ». Ces deepfakes très suggestifs qui commettent l’impensable capitalisent sur le handicap pour « vendre des corps ». La trisomie 21 se retrouve alors réduite à une simple fantaisie sexuelle, un produit de consommation érotique. Ce qui est d’autant plus dérangeant dans une société qui a tendance à infantiliser les personnes porteuses de trisomie 21.

Derrière l’apparente sophistication technologique, c’est une vieille mécanique d’oppression qui ressurgit : celle qui considère certains corps comme disponibles, risibles ou inférieurs. Sous l’impulsion de ces vidéos hybrides, qui auraient mieux fait de rester au rang de brouillons, le handicap génétique devient presque une nouvelle exigence sur les sites pour adultes. D’ailleurs bien souvent, ces contenus redirigent les pouces vers des comptes OnlyFans du même acabit. De leur côté, les personnes concernées voient la menace en filigrane comme le rapporte le New York Post. Elles craignent d’être la cible d’abus sexuels ou d’agressions sexuelles, de devenir les nouvelles proies des prédateurs connectés.

Derrière les images : un système organisé

Pour l’heure, les auteurs de ces vidéos n’ont pas été identifiés. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas des cracks de l’informatique qui cherchent à combler l’ennui ou à donner un sens à leur vie de misère en créant du buzz. Loin de là le cliché du geek qui œuvre seul depuis sa chaise de gaming à moitié déchirée, avec une canette de boisson énergisante en main.

Il n’y a pas un seul cerveau, mais bien plusieurs. Ce sont des as du web dépravés qui agissent en bande organisée, avec un vrai mode opératoire. Comme le souligne 404 Media, premier à enquêter sur ce phénomène sombre, ces faux profils renvoient quasi toujours vers les mêmes pages OnlyFans. Et ceux qui sont assez déséquilibrés pour sauter ce cap doivent débourser une coquette somme pour accéder à ces contenus « privilégiés ». De l’argent sale récolté sur le dos des personnes porteuses de trisomie 21. Comme quoi, plus besoin de basculer sur le darknet pour voir la face obscure de l’IA.

Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg

Vous vous dites certainement qu’il est impossible de faire pire que ces deepfakes. Navrée de vous l’avouez mais vous n’êtes pas au bout de vos peines. Il y a d’autres contenus qui rivalisent de perversité et qui démocratisent des fantasmes insensés autour du handicap.  Comme le pointe le média Slate, les femmes amputées subissent le même sort numérique que celles porteuses de trisomie 21.

Sur Instagram, par exemple, vous pouvez être face à une femme « tronc » en bikini fuschia, qui réclame votre attention en se dandinant sur son fauteuil roulant et qui emploie un discours larmoyant pour mieux arriver à ses fins. Évidemment, ces femmes n’existent pas, elles sortent tout droit de l’IA, véritable fabrique à fétiches.

L’IA, aussi révolutionnaire soit-elle, est ainsi aussi l’accessoire favori de ces « dealers de fantasmes » peu scrupuleux. Cet outil, en accès libre, ne fait pas que des miracles. S’il solutionne de nombreux problèmes de société, il en crée aussi de nouveaux, sous l’influence de geeks malveillants.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.

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