« À 50 ans, on devient invisible aux yeux de la société » : Caroline Ida Ours, influenceuse silver

La soixantaine passée, Caroline Ida Ours plus connue sous le pseudo @fiftyyearsofwoman sur Instagram, donne du fil à retordre aux diktats de la société. Mannequin et influenceuse « silver », elle s’érige comme le porte-voix des femmes seniors. Dans son quotidien, elle troque le mot « sexagènaire » contre le terme plus savoureux « sexygénaire ». La blogueuse donne une belle claque aux injonctions. Rencontre.

Déesse de la sagesse

Comme un rayon de soleil au milieu d’un nuage malveillant, cette déesse positive répand sur la toile un vent de fraîcheur et d’optimisme. Après avoir affronté les rudes étapes de la vie, elle note que les femmes seniors sont sous-représentées dans toutes les sphères. Mais la beauté ne s’éteint pas avec l’âge, au contraire c’est une Fontaine de Jouvence qu’il faut arroser de bienveillance et de reconnaissance.

De façon presque spontanée, Caroline se lance dans une aventure 2.0 pour redorer le blason de ces nymphes de l’ombre. En autodidacte, elle donne naissance à un blog, une page Facebook, un compte Instagram, une chaîne YouTube. Et sa motivation ne prend pas une ride. Véritable incarnation du mouvement bodypositive, Caroline Ida refuse de se plier aux standards de beauté. À travers ses nombreux shootings, la mère de famille rappelle combien il est essentiel de chérir son corps, de l’aimer un peu plus chaque année. Mode girl power enclenché, les femmes « silver » sont enfin valorisées !

The Body Optimist : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Caroline Ida Ours : « Je m’appelle Caroline, je vais avoir 61 ans au mois d’avril et cela fait maintenant 4 ans et demi que je me suis lancée sur Instagram et que j’ai créé mon blog de femme « silver ». »

Vous vous êtes donc lancée sur les réseaux sociaux sous le pseudo « Fiftyyearsofwoman », comment avez-vous eu le déclic ?

« À 57 ans, quand je me suis retrouvée au chômage, plus personne ne voulait de moi, pour la société je n’existais plus. Après plusieurs envois de CV et sans retour positif, je me suis dit qu’il fallait que je me réinvente une vie. J’avais envie de faire quelque chose de différent.

En me lançant sur les réseaux, je voulais apporter ma singularité. Je pense que c’est mon authenticité qui a séduit. On me disait « Vous Caroline, vous faites pas de chichi, vous êtes naturelle ». Très vite en me lançant, je me suis rendue compte que les femmes de 50 ans étaient totalement invisibles dans les médias, dans les magazines, dans les pubs… À partir de ce moment-là, mon combat, que j’ai pris à bras le corps, a été de casser cette invisibilité. C’est une forme de militantisme doux. »

Avant de devenir mannequin silver, que faisiez-vous dans la vie justement ? Quel a été votre parcours ?

« Pendant 20 ans je suis restée dans l’entreprise familiale dans laquelle on vendait des articles de sport, puis j’ai bossé 7 ans pour un créateur de sac à main. »

Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter l’aventure du mannequinat, celle de votre blog et d’Instagram ?

« Je suis un peu un électron libre, je ne supporte pas les diktats ni les règles. Nous faisons partie de ces minorités que la société ne veut pas voir parce que ce n’est pas la norme. Je me suis très vite inscrite dans le mouvement bodypositive parce que je ne fais pas une taille 36/38, mais mon corps me supporte. Alors je connais mes imperfections, le gras sur le ventre, les bras qui tombent… mais c’est le reflet de la réalité et c’est ce que je veux montrer. Il faut se regarder dans le miroir avec bienveillance.

Le mannequinat, lui, ne m’attirait pas forcément quand j’étais plus jeune. Et c’est seulement fin 2020 que j’ai toqué à la porte de plusieurs agences parce que j’arrivais à la fin de mon chômage et que j’avais besoin d’argent aussi. Mais toutes me disaient qu’elles n’avaient aucune demande pour les femmes de 60 ans.

Cette même année, j’ai fait un défilé en tant que mannequin officiel pour le salon de la lingerie. J’y suis allée la tête haute et fière, les gens ont applaudi. Et ça m’a ouvert une porte. »

Quel regard portez-vous justement sur l’émergence de ce qu’on appelle les mannequins seniors ou les « influenceur·euse·s senior » ?

« Les influenceuses silver Américaines m’ont beaucoup inspiré, il y a ce côté très libre et décomplexé. Je ne me considère pas comme une sénior, je déteste ce mot, parce que ça englobe ma génération et celle de mes parents. On met tout le monde dans le même panier, c’est pour ça que je préfère le terme silver. En France, les mentalités sont arriérées et les mannequins seniors sont vraiment minoritaires. »

Selon vous, pourquoi les femmes seniors sont-elles si peu représentées sur grand écran, dans les magazines… ?

« En France, on n’aime pas voir la vieillesse. C’est seulement depuis la COVID qu’on s’intéresse aux ancien·e·s. De façon générale, on a plutôt tendance à voir des corps idéalisés sur la toile. Et ça me fait peur parce que ça entraîne des déviances. Moi j’étais un papillon à 20 ans, j’étais très légère, il y avait cette forme d’insouciance qu’il n y a plus maintenant. Aujourd’hui, on a peur de sortir du moule. »

Vous ne vous définissez pas comme une sexagénaire, mais comme une « sexygénaire », qu’est-ce que ça signifie ?

« Dans la langue française, on est gâté, on peut s’amuser, rien qu’en changeant une lettre on peut apporter une touche joyeuse. Ce n’est pas moi qui ai inventé le terme. Cela signifie que chaque période de la vie a ses avantages. »

À plusieurs reprises, vous dites que vous n’avez pas peur de vieillir, comment avez-vous développé cette philosophie de vie si positive ?

« Je dois tenir ça de mon père. J’ai eu un grave accident de santé auquel j’ai survécu, je dis que je suis une miraculée. J’étais dans cette optique « Carpe Diem » et depuis cet événement ça s’est renforcé. Je n’arrive pas à me projeter. La vie est belle, on est dans un pays développé, on a beaucoup de chance en France. »

La crinière grise, blanche ou poivre et sel s’empare depuis quelques années des chevelures féminines. Que pensez-vous de cette « tendance » ?

« J’ai commencé à me teindre les cheveux à l’âge de 15 ans, avec des shampoings éclaircissants. Il y a cinq ans, je faisais encore des teintures, et j’ai eu une grosse perte de cheveux. Alors, je n’ai pas arrêté par choix, mais par obligation. Maintenant je m’accepte comme ça.

Les cheveux blancs ça donne un coup de vieux, mais si on garde une certaine fraîcheur dans sa tête, ça change tout. Je pense que cette tendance est positive, mais il faut réfléchir avant de prendre la décision. Je ne conseillerais à personne de le faire pour suivre l’effet de mode, il faut que ce soit une volonté personnelle. »

Comment entretenez-vous votre chevelure d’ailleurs ?

« Je fais le strict minimum, je ne suis pas du genre à me faire des brushings… Alors c’est très basique, je les lave, je fais des soins de temps en temps ou je mets un peu d’huile. Mais je les laisse vivre. »

Que pensez-vous de la mode actuelle ? Et de la représentation qu’elle offre ?

« Je ne m’identifie pas du tout à ce qui est présenté, moi j’aime bien faire des mix & match avec des pièces improbables. Il faut avoir une identité vestimentaire, se créer sa propre signature. Je n’achète plus les magazines, c’est presque indécent ce qu’on y voit. Les prix sont élevés, inabordables, je ne comprends même pas pourquoi ces médias ne changent pas. Ils n’ont pas encore compris que la diversité était importante. Ils s’adressent à une espèce d’élite. Moi je dis que si on se sent bien dans son vêtement, on va rayonner. »

Côté mode, quels sont vos basiques incontournables ?

« Le léopard c’est un indispensable pour moi, j’adore le wax aussi. Je suis souvent en pantalon ou en jean, j’aime la couleur et les bijoux africains. Ça m’arrive de mélanger du léopard avec des rayures pour faire un style un peu décalé. En été, je suis plutôt belle des champs, je créée des looks hippie avec de longues robes. »

Qu’est-ce qui vous donne la pêche au quotidien ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?

« Je me nourris de ce que je vois autour de moi, j’ai des flashs sur des personnes, des coups de cœur. J’aime bien les personnes qui se démarquent, un peu excentriques. Là je suis en admiration devant Mariana Benenge. Quand on s’est croisé, il y a eu une forme de coup de foudre amical. Elle a une aura incroyable, c’est une danseuse qui milite pour tout ce qui est LGBT. »

Pour finir, si vous aviez un conseil à donner aux femmes de votre âge, lequel serait-il ?

« Je dirais « osez ». Tant qu’on n’ose pas, on ne peut pas savoir ce qu’il y a derrière la porte. Si on ose et qu’on se plante, on se relève et on repart sur autre chose. »

Merci à Caroline Ida Ours, influenceuse silver inspirante, d’avoir répondu à nos questions ! Vous pouvez suivre ses aventures au-delà de notre article, sur son compte Instagram : Fiftyyearsofwoman. Mais aussi sur son blog et pour regarder ses vidéos, ça se passe ici.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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