#RegretMaternel : ces mères osent parler de leurs souffrances liées à la maternité

Aux antipodes des images lisses et étincelantes qui collent à la maternité, le #RegretMaternel résonne sur Twitter comme un cri du cœur. Derrière ce hashtag libérateur, des mamans de tous horizons expriment leur mal-être. Piégées entre la pression sociétale, le regard méprisant des autres et les conseils oppressants de l’entourage, elles perdent pied. Ce mot-dièse est un véritable confessionnal à ciel ouvert. Les témoignages fusent et font tomber les tabous les plus tenaces. Jusqu’alors leurs paroles étaient bâillonnées et prises entre les griffes du culte de la perfection. Cet univers 2.0 est un terrain de jeu favorable pour déverser des non-dits. Ces femmes en proie à une charge mentale colossale délivrent des discours poignants et incisifs. 

Hashtag #RegretMaternel : un pavé dans la mare

Depuis quelques années, les hashtags fleurissent et s’apparentent à des exutoires puissants. Sous couvert d’un certain anonymat, les voix s’élèvent intensément et les révélations s’érigent en signal d’alarme. Les réseaux sociaux ont permis de lever le voile sur des sujets de l’ombre. C’était le cas avec le #MeTooGay qui arborait le fléau des violences sexuelles au sein de la communauté LGBT.

Mais dernièrement un autre hashtag embrase les fils d’actualité du célèbre oiseau bleu. Il s’agit du #RegretMaternel. Le 31 mars dernier, il se hissait même sur le podium des tendances Twitter. « La vie de mère ne me convient pas », « Je ne m’imaginais pas avoir autant de poids sur mes seules épaules », « Si c’était à refaire, je ne le referais pas »… Sur Twitter, les mamans mettent leurs pensées profondes à nu.

Ce hashtag a pris racine après la publication d’un thread de l’utilisatrice Doc Marmottine. Sur son compte, elle déclarait avec une hargne légitime : « Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé d’être mère, je pensais avoir un « instinct maternel » (…) et j’attendais que ça. Bah p*****, la désillusion. J’en peux plus de devoir gérer repas, chouinneries, conflits, besoins divers et variés, sans une once de reconnaissance (…) Si j’avais su avant, je ne sais pas si j’aurais fait autrement, mais franchement, j’ai l’impression que tout ce que j’attends c’est qu’ils soient tous grands, élevés et autonomes. Pour pouvoir revivre ». Une autre internaute connue sous le pseudo @Fables_21 s’est empressée de soutenir et de partager ce message. C’est elle qui a fait germer le hashtag #RegretMaternel. L’effet miroir a été immédiat.

Des histoires bouleversantes

Des mamans ont repris le flambeau des confidences et tour à tour, elles ont fait transpirer leurs ressentis sur la maternité. Le #RegretMaternel s’est transformé en marathon virtuel. À bout de souffle, ces amazones des temps modernes larguent leur fardeau sur Twitter. Le réseau est devenu un espace de dialogue salvateur.

Ces histoires partagées qui se superposent brisent les chaînes de l’isolement. En effet, dans l’espace public, les mères n’osent pas exprimer leur regret maternel à voix haute. Déchirées entre la peur de ne pas être écoutées et le manque de soutien, elles s’enferment dans une boucle silencieuse. « C’est le truc que j’aurais aimé savoir : tu te sentiras plus seule que jamais, avec ces vies entre tes mains si exigeantes, en demandes constantes. Tu te sentiras seule mais tu ne le seras plus jamais (…) Pas même pour faire pipi », se désole @MelusineHoffman.

Presque toutes précisent avec fermeté qu’elles ne regrettent pas la mise au monde de leur(s) enfant(s). Elles fustigent surtout ces injonctions pesantes imposées par la société. « #RegretMaternel d’être jugée, par tous tout le temps, même des inconnu.e.s. Toujours quelqu’un sait mieux que moi, alors que je LIS tout ce que je trouve pour faire AU MIEUX », atteste ainsi @Zoriaah. Le mythe coriace du fameux « instinct maternel » plonge les femmes dans une détresse insoutenable. Si elles expriment des ambivalences ou des signes de fébrilité, elles craignent de passer pour des « mauvaises mères » ou des « bêtes cruelles ».

Reflet d’une réalité amère

Au centre des livres, dans les abysses des films ou au sein des publicités, la maternité semble idyllique. Pourtant, cette étiquette dorée tant revendiquée dissimule de sombres réalités. Après neuf mois de grossesse, la fatigue s’installe durablement et les cernes se dessinent sous les yeux. À peine de retour à la maison, l’angoisse est déjà palpable. Il faut de nouveau être sur tous les fronts. Assumer les nuits courtes du nourrisson, préparer les biberons, endosser les tâches ménagères, se réapproprier ce corps chamboulé… tous ces aspects éreintants riment avec désillusion. La caricature de la maternité idéalisée tombe à la renverse. Sur la toile, les mamans s’emparent de leur clavier pour dénoncer cette tension latente et révèlent la face cachée de ce rôle multifonctions étouffant.

Cependant, de nombreuses incompréhensions gravitent autour du #RegretMaternel. Des internautes dénué·e·s d’empathie se sont rué·e·s sur le hashtag pour émettre des critiques infondées. « J’espère que ma mère n’a jamais pensé comme toutes ces femmes qui regrettent amèrement d’être mère. Certains mots employés dans des tweets sont vraiment très durs », regrette un internaute. Ce hashtag a relancé de houleux débats portant notamment sur le parcours FIV ou sur la contraception d’urgence.

Une prise de parole précieuse

Bien avant l’émergence du #RegretMaternel, en 2015, la chercheuse israélienne Orna Donath avait rédigé une thèse sur ce thème délicat. Pour que son analyse ait plus d’impact, elle est partie en quête de témoignages d’une vingtaine de femmes de tout âge. Ces confidences sincères et sans filtres visent à éveiller les consciences. Son étude a été publiée en 2019 sous le titre « Le Regret d’être mère ». Un support d’avant-garde faisant écho à ce vent de liberté qui explose sur les réseaux.

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Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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