La bifle, cette claque donnĂ©e par un pĂ©nis, choque autant qu’elle intrigue. Promue par les films X, elle peut s’avĂ©rer assez dĂ©nigrante pour la personne qui la reçoit. Pourtant, cette pratique qui transforme le chibre en massue (ou en tapette) Ă©moustille aussi au-delĂ des camĂ©ras du porno et s’immisce dans de nombreuses chambres Ă coucher. Loin dâ€™Ăªtre marginale, la bifle se « normalise » dans les Ă©bats et apparaĂ®t comme un geste hautement Ă©rotique. Mais pour d’autres, elle est de très mauvais goĂ»t et s’avère plus grotesque que excitante. Se faire tamponner la joue par un pĂ©nis en Ă©rection, est-ce propice au grand frisson ou est-ce un acte odieux ?Â
La bifle : rien de nouveau sous la ceinture
Si chaque annĂ©e de nouvelles pratiques sexuelles Ă©toffent les pages du Kama-sutra et se dĂ©mocratisent sous les draps, d’autres sont bien ancrĂ©es dans le dĂ©cor intime. La bifle, qui semble Ă©maner d’un vieux « pari » entre potes, trouve son origine dans les annĂ©es 70, dĂ©cennie dĂ©bridĂ©e et fougueuse. Contraction du mot « bite » et « gifle », elle est nĂ©e sur le dance floor des boĂ®tes disco d’AmĂ©rique. Les hommes arboraient des pantalons patte d’eph Ă sexe dĂ©couvert. Avec leur chibre Ă l’air libre, ils dĂ©livraient des bifles Ă la chaĂ®ne, comme un « check » un peu saugrenu. C’était aussi « normal » que de donner une poignĂ©e de main.
En ces temps dĂ©vergondĂ©s, le « dick slap » – terme anglais pour dire « bifle » – Ă©tait plus un acte exhibitionniste « taquin » qu’une pratique sexuelle Ă part entière. Burlesque et kitsch, elle illustrait un humour grivois on ne peut plus explicite. D’autres rĂ©cits Ă©voquent une autre explication, plus lointaine. Selon des historiens, la bifle viendrait de certaines tribus indiennes. La tribu des Moro-Moro utilisait un gourdin d’hĂ©vĂ©a pour marquer le passage de l’adolescence au monde des adultes. L’équivalent des bizutages Ă©tudiants d’aujourd’hui. C’est ce que narrait Augustin Voineau, un moine franciscain en 1592. Mais comment la bifle est-elle passĂ©e de fantaisie de show potache Ă arme sensuelle ultra prisĂ©e ? Le porno s’est chargĂ© d’en faire la publicitĂ©.
Les fĂ©ministes n’ont d’ailleurs pas tardĂ© Ă dĂ©noncer cette pratique, qu’elles jugeaient basse d’esprits. Ă€ leurs yeux, la bifle se situait au mĂªme niveau que l’hĂ©licobite, avec un caractère dĂ©gradant en plus. Cette claque Ă gland portant symbolisait toute l’immaturitĂ© masculine et prĂ´nait la violence au prĂ©texte de booster la libido. Toutefois, la bifle a rĂ©ussi Ă devenir un acte commun au lit. Selon un sondage IFOP, 27 % des Françaises de moins de 30 ans en auraient dĂ©jĂ reçu une en 2021.
La bifle, entre blague beauf et polémique
Sur le papier, la bifle prĂªte plus Ă sourire qu’à jouir. Tapoter un pĂ©nis sur une joue Ă la manière d’un beauty-blender est bien loin de la caresse suave dĂ©livrĂ©e du bout des doigts. Ça suscite davantage un cri de rire, qu’un cri de plaisir. En 2012, le court-mĂ©trage « La Bifle », rĂ©alisĂ© par Jean-Baptiste Saurel, traitait d’ailleurs le sujet sur le ton de la dĂ©rision. Une jeune femme nommĂ©e Sonia fantasmait sur un hĂ©ros de films de kung-fu, dont la bifle Ă©tait la prise fĂ©tiche pour mettre ses adversaires KO. L’Å“uvre avait mĂªme reçu un prix au Festival de Cannes. Cependant, mĂªme si la bifle Ă©voque une image assez loufoque en tĂªte, elle fait souvent les gros titres des journaux et pas forcĂ©ment pour dĂ©lit d’humour.
Prendre son pĂ©nis pour un gun de gros calibre, ça a aussi des limites. Nombre de scandales ont Ă©clatĂ© dans la presse, avec le mot « bifle » Ă©crit en caractère gras. Le plus connu vient des trĂ©fonds de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, Ă©mission oĂ¹ le respect n’est qu’un vague concept. Pendant la saison 6 des « Anges », un candidat a infligĂ© une bifle Ă FrĂ©dĂ©rique, la doyenne du programme, sans son consentement. Les images n’ont pas Ă©tĂ© retransmises par la chaĂ®ne, mais le geste a indignĂ© le grand public.
La bifle est parfois détournée pour ridiculiser ou dominer une personne. Les bizuteurs prennent d’ailleurs un malin plaisir à baisser leur braguette et à balayer leur chibre de gauche à droite sur les nouvelles recrues. De ce côté, les archives sont tristement bien fournies. Deux élèves du lycée de Roubaix, un pompier de Metz, un élu de Libourne… tous ont été condamnés ou sanctionnés pour avoir porté un coup de chibre au visage de quelqu’un. Hors de son contexte, la bifle prend une dimension beaucoup plus violente et odieuse.
La bifle, un geste torride sous-estimé ?
Dans les pornos, la bifle prĂ©cède souvent la fellation et renvoie une image assez mĂ©diocre de la femme, qui se fait gentiment matraquer le visage avant de donner une gĂ¢terie. Il faut dire que les films pour adultes ne sont pas les meilleures rĂ©fĂ©rences pour se faire une bonne idĂ©e de la bifle. Pourtant, cette pratique qui s’inspire du BDSM « soft », peut dresser les poils et chauffer les corps. Ces messieurs y rĂ©coltent forcĂ©ment plus de plaisir. Le gland est la partie la plus sensible de leur corps. C’est un peu l’analogue du clitoris, avec beaucoup moins de terminaisons nerveuses. Il reçoit donc une dĂ©licieuse dĂ©charge Ă chaque tapotement.
Évidemment, la bifle ne doit pas muer en bagarre dĂ©tournĂ©e, assortie d’insultes et de qualificatifs vulgaires. Elle ne va pas que dans un sens. Pour que les femmes en tirent le meilleur parti, la bifle doit Ăªtre dĂ©licate et se tourner vers des zones Ă©rogènes du corps comme les seins ou les fesses. La bifle est censĂ©e attiser le dĂ©sir, au mĂªme titre que les caresses intimes ou la masturbation mutuelle. Elle n’a pas pour vocation de « punir » l’autre ou de lui faire subir un sale quart d’heure, Ă revers de chibre.
Si la bifle a longtemps été vue comme une curiosité sexuelle, aujourd’hui elle s’émancipe de son côté absurde pour accompagner les jeux de jambes et insuffler un peu de fraîcheur dans les ébats.