91 % des viols sont perpétrés par une personne connue de la victime

Plus de neuf victimes sur dix connaissaient leur agresseur. La plupart du temps, ce sont des membres de confiance ou des membres de la famille qui commettent ces crimes, notamment des conjoints et ex-conjoints (près de la moitié). C’est ce que révèle l’enquête Virage réalisée par l’Ined. Le mythe du violeur inconnu a non seulement des répercussions sur la crédibilité de la parole des femmes, mais aussi sur leur présence dans l’espace public. Explications.

Le cercle familial, un huis clos d’insécurité

Dans l’imaginaire collectif, un violeur est un parfait inconnu qui surgit toujours dans une ruelle sombre ou un parking en pleine nuit. Et pourtant… dans 91 % des cas, les viols ou tentatives de viols sont perpétrés par une personne connue de la victime. C’est ce que l’enquête Virage, portant sur les violences subies par les femmes et par les hommes, et réalisée par l’Ined (Institut national des études démographiques) a démontré.

On apprend également que la famille est l’endroit où l’on est le moins en sécurité dans une étude Ifop réalisée en 2018, pour la Fondation Jean-Jaurès sur les violences sexuelles. En effet, l’auteur des violences sexuelles est le conjoint ou un membre de la famille de la victime, dans la plupart des situations. Le foyer familial est particulièrement dangereux pour les femmes et les enfants, comme en témoignent les actualités liées aux violences sexuelles, notamment #MeTooInceste ou encore les violences conjugales qui ont considérablement augmenté durant le premier confinement de 2020.

La remise en doute de la parole des victimes

Dans le cas des violences sexuelles au sein de la famille, la parole des victimes continue d’être remise en question. En effet, avec la sacralisation de la famille, il existe un mythe toujours ancré dans notre société patriarcale, celui de la femme qui ment lorsqu’elle dénonce un abus familial. Aussi, si la loi définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », la notion de consentement d’une personne à une relation sexuelle n’existe toujours pas automatiquement dans un couple. D’ailleurs, ce n’est qu’en 2006 que le viol conjugal est apparu dans la loi française.

En conséquence, lorsqu’un proche commet une violence sexuelle sur une femme, beaucoup d’entre elles renoncent à porter plainte ou à en parler, convaincues qu’on ne les croira pas, ou qu’on remettra en doute leur réaction à l’agression sexuelle. La sociologue Illana Weizman rappelait d’ailleurs dans le contexte de la récente plainte d’Emily Ratajkowski :

« de toutes les agressions sexuelles non punies par la loi, 1 sur 165, dans les cas rapportés, constituerait une fausse allégation. En contrepartie, seul 1 % des agressions sexuelles sont sanctionnées. »

« Pour les enfants c’est pareil. On leur dit de se méfier des inconnus dans la rue, donc quand les violences arrivent à la maison, ils ne les comprennent pas, c’est impensable pour eux. D’ailleurs, le véritable tabou de l’inceste ne réside pas l’acte, mais dans le fait d’en parler », précise Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV) à Marie Claire

La peur de l’espace public pour les femmes

Les tabous intrafamiliaux et le mythe du violeur inconnu dans la rue perpétuent également l’impression de danger de l’espace public pour les femmes. La peur d’être présentes dehors, véhiculée chez les femmes, est un sentiment qui les incite donc, soit à chercher des mécanismes d’auto-défense dehors, soit à rester dans des espaces soi-disant sécuritaires, à la maison, avec la famille.

Et ce, malgré les chiffres nous disant que pour plus de neuf victimes sur dix, leur agresseur est un proche. Quant aux hommes, ils n’ont pas à craindre l’extérieur. On ne leur dit simplement pas qu’ils représentent un danger d’agressions sexuelles, l’extérieur est leur territoire. On ne remet pas non plus en doute leur attitude à l’extérieur. C’est plutôt chez les femmes qu’on va juger un comportement « trop risqué ». Pour la sociologue Alice Debauche :

« D’un point de vue sociologique, on sait que les violences faites aux femmes, ou les menaces de violences faites aux femmes jouent un rôle de contrôle social de leur comportement. Cela va limiter leurs déplacements et influer sur leur attitude dans l’espace public. »

C’était un ami, un petit-ami, un ex-mari, un père, un cousin… L’ennemi est parfois un intime. Rappelons que le consentement reste, en couple ou non, la condition sine qua none à n’importe quel acte sexuel.

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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