Être bisexuel quand on est un homme, toujours tabou ?

Si de plus en plus d’hommes parlent de leur bisexualité dans les médias, la biphobie persiste malheureusement encore en 2024. S’assumer en tant qu’homme bisexuel s’avère plus difficile que pour les femmes. Les injonctions occidentales à la virilité font frein à la libre expression de leur orientation sexuelle. Certaines personnes vont même jusqu’à douter de l’existence de la bisexualité masculine. Et pourtant, les hommes bi sont bien là, tout autant que les femmes bi. À l’occasion de la Journée de la bisexualité ce 23 septembre, faisons un point sur la vision de la bisexualité masculine dans notre société.

La bisexualité masculine, un mythe pour certain.e.s

Dans le spectre des orientations sexuelles, la bisexualité traduit l’attirance sexuelle, émotionnelle et/ou physique, aussi bien pour des hommes que pour des femmes. Lady Gaga, Kristen Stewart, et tant d’autres femmes, ont déjà parlé de leur bisexualité dans les médias. Sauf que lorsqu’elle n’a pas été célébrée, leur orientation sexuelle leur a été niée, pensée comme une « technique de marketing ». On parle même de « bisexuelles chics ». Quant aux hommes célèbres et bi, on en a peu en tête. Il a pourtant existé des « bisexuels chics » masculins : James Dean, Kurt Cobain, David Bowie ou encore Lou Reed par exemple.

Mais hors du starsystem, très peu d’hommes parlent de leur bisexualité. Encore en 2024, la société perçoit la sexualité de façon binaire : soit on est gay, soit on est hétéro. La bisexualité, qui existe au milieu de ce spectre, est alors mal comprise, voire remise en question. Lorsque quelqu’un annonce qu’il est bisexuel, cela peut provoquer des réactions de scepticisme : « Ah bon ? Mais tu préfères les hommes ou les femmes ? » ou encore « Ce n’est qu’une phase, tu finiras par choisir ». Et ces remarques sont particulièrement fréquentes envers les hommes. Pour eux, cette pression est encore plus grande à cause des stéréotypes de genre et des normes de masculinité. La société impose une vision très rigide de ce que signifie « être un homme » et, dans cette vision, aimer d’autres hommes est souvent perçu comme une atteinte à cette masculinité.

 

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La pression de la masculinité toxique

Un des grands obstacles auxquels les hommes bisexuels sont confrontés, c’est ainsi l’idée, assez répandue, que la bisexualité masculine n’existe tout simplement pas. Autrement dit, si un homme éprouve de l’attirance pour un autre homme, il est automatiquement gay, même s’il a une attirance tout aussi forte pour les femmes. Cette hypothèse, bien sûr, est aussi fausse que réductrice, mais elle persiste.

Dans les représentations médiatiques, la bisexualité féminine est bien plus visible. Les femmes bisexuelles sont souvent vues comme mystérieuses, « sauvages » ou « séduisantes« , une vision alimentée par l’hypersexualisation dans la culture populaire. Les hommes bisexuels, eux, sont peu représentés ou alors, quand ils le sont, c’est pour les caricaturer ou minimiser leur orientation. On les voit souvent comme des personnes « indécises » ou « en transition » vers l’homosexualité. Lorsque l’on se présente comme un homme bisexuel, on chamboule l’image traditionnelle de la virilité.

Un homme doit être « fort », « dominant », « viril », et cela ne colle pas – selon les dires de certaines personnes – avec l’idée d’avoir une attirance pour d’autres hommes. Pour le sociologue Felix Dusseau, nos représentations occidentales de la sexualité seraient en effet basées sur la pénétration, depuis l’Antiquité romaine. « L’homme est celui qui conquiert, celui qui pénètre. Mais il ne doit surtout pas être pénétré », explique-t-il. Et cette idée est omniprésente, même chez les femmes en couple avec un homme. Elles auraient du mal à accepter la bisexualité de leur partenaire à cause de ces préjugés biphobes. La masculinité toxique et l’invisibilisation dans les médias empêchent une normalisation de la bisexualité masculine et enferme de nombreux hommes dans une sorte de placard bisexuel.

L’espoir d’un futur plus ouvert

Les hommes bisexuels existent bel et bien (si certain.e.s en doutaient encore). Une étude publiée dans la revue PNAS est même allée jusqu’à prouver leur existence, en 2020. Il y aurait d’ailleurs presque autant de femmes bisexuelles que d’hommes bisexuels en France. Une autre étude réalisée en 2018 par l’Institut national des études démographiques (Ined) l’a prouvé. Selon ses résultats, 0,9 % des femmes et 0,6 % des hommes se déclaraient bi. La majorité d’entre eux ont ainsi eu des pratiques sexuelles avec les deux genres (89 % des hommes et 76 % des femmes). Moralité, non seulement les hommes bis existent, et tout autant que les femmes.

Fort heureusement, de plus en plus d’hommes bisexuels osent parler de leur orientation, que ce soit dans leur vie privée ou publiquement. La génération Z, notamment, semble avoir une approche plus fluide de la sexualité, avec une plus grande acceptation des identités non-binaires et des orientations sexuelles qui ne rentrent pas dans les cases traditionnelles. Les réseaux sociaux ont également joué un rôle dans la visibilité des personnes bisexuelles, leur permettant de partager leurs expériences et de se soutenir mutuellement. Il est clair que le chemin vers une pleine acceptation de la bisexualité masculine est encore long, mais les discussions sont en cours et les tabous commencent à se fissurer. Plus il y aura de visibilité, plus les hommes bisexuels se sentiront libres de s’exprimer sans crainte de jugement.

Être un homme bisexuel en 2024, c’est encore, pour beaucoup, un défi. Entre la pression des normes de masculinité, les stéréotypes négatifs et l’effacement constant de leur identité, ces hommes doivent se battre pour faire entendre leur voix. La bisexualité masculine est bien réelle et mérite d’être reconnue, respectée et célébrée. Si le tabou est encore là, il n’est pas immuable. C’est en parlant, en éduquant et en déconstruisant les idées reçues que nous pourrons, un jour, vivre dans un monde où aimer quelqu’un, quel que soit son genre ou son orientation sexuelles, ne sera plus un sujet de débat, mais une simple réalité humaine.

Cindy Viallon
Cindy Viallon
Journaliste free-lance, mes sujets de prédilection sont les féminismes intersectionnels, la société et la culture. J’aime déconstruire l’actualité et briser les tabous une fois pour tous·tes !
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