Hogwarts Legacy : pourquoi le jeu vidéo de l’univers Harry Potter est-il boycotté pour transphobie ?

C’était l’un des jeux vidéo les plus attendus en 2023, Hogwarts Legacy est enfin sorti le 10 février dernier. Pourtant, la transphobie de J.K. Rowling pousse certain.e.s fans à boycotter le jeu, créant la polémique. Voici quelques explications afin de comprendre.

Un voyage dans le monde d’Harry Potter

Disponible sur ordinateur, PlayStation, Xbox et bientôt sur la Switch, Hogwarts Legacy se place déjà parmi les meilleures ventes actuelles. Les joueur.se.s découvrent Poudlard au XIXe siècle, bien avant les aventures du célèbre sorcier. Iels incarnent de nouveaux.elles élèves confronté.e.s à une révolte des Gobelins décidés à anéantir le monde des sorcier.ère.s. Grâce à d’autres missions annexes, le jeu permet de s’immerger dans la vie à Poudlard.

Par ailleurs, Hogwarts Legacy présente le premier personnage transgenre de l’univers d’Harry Potter. Les développeur.se.s d’Avalanche Software ont introduit Sirona Ryan, une sorcière transgenre.

« L’équipe a estimé qu’il était très important de créer un jeu qui soit représentatif du monde riche et diversifié de Harry Potter, ainsi que des groupes de personnes qui jouent à des jeux, ce qui inclut la communauté LGBTQIA +. »

Mais alors, pourquoi ce jeu souffre-t-il tout de même de polémiques autour de la transphobie ?

Un lead designer aux idées clivantes

La création du personnage de Sirona Ryan ne tient pas du hasard. Elle cherche justement à apaiser les polémiques transphobes qui gravitent autour du célèbre livre. Pour ne rien arranger, en 2021, Troy Leavitt (lead designer sur le jeu), est au cœur d’une tourmente. Ses propos, lancés sur sa chaîne YouTube, sont clairement misogynes et favorables au Gamegate (un mouvement de cyberharcèlement à l’encontre des féministes dans l’industrie des jeux vidéo).

Les voix se sont levées alors contre lui, notamment parce que son poste consistait en la création des environnements, des personnages et du scénario du jeu. Troy Leavitt a donc démissionné. Ce départ a eu un impact sur le développement du jeu, expliquant en partie les reports successifs de sortie du jeu.

En vérité, les reproches lancés par les boycotteur.se.s ne tiennent pas réellement de Troy Leavitt. Cette polémique ne fait que nourrir une autre, bien plus profonde et ancienne : la transphobie de J.K. Rowling, célèbre autrice d’Harry Potter.

J.K. Rowling à la genèse des polémiques

Tout commence en 2018 lorsqu’elle like un tweet transphobe désignant les femmes transgenres comme des « hommes en robe ». Elle se défend en expliquant faire des recherches sur la notion de genre. Hélas, cette réponse n’a pas suffi à convaincre. Puis, en 2019, l’autrice affiche publiquement son soutien à Maya Fostater. Cette chercheuse était en procès contre son ancienne entreprise s’estimant victime de discrimination pour avoir perdu son emploi en raison de ses opinions sur les personnes transgenres. Alors, on reprochait à J.K. Rowling de défendre une femme transphobe.

Depuis, elle ne cesse d’accumuler les sorties transphobes sur les réseaux sociaux. Par exemple, plutôt que de souhaiter un « Merry Christmas » à sa communauté Twitter, elle préfère le jeu de mots « Happy Terfsmas« . L’acronyme TERF signifie « Trans-exclusionary radical feminist », il est utilisé pour exclure les femmes trans des luttes féministes.

Plus tard, elle raille le choix d’utiliser l’expression « personnes menstruées » (afin de ne pas exclure les personnes trans). En 2020, elle fait la promotion d’une boutique de vêtements et accessoires aux slogans transphobes. Dans le même temps, elle s’attaque à différentes associations LGBT britanniques (par exemple, en finançant un procès contre l’association Stonewall lancé par un groupe de défense LGBTQ). Récemment, J.K. Rowling s’est aussi opposée à un projet de loi du Parlement écossais visant à faciliter la reconnaissance légale du changement de genre.

Malgré tout, l’autrice affirme ne pas être transphobe. Lorsque ses propos et actions lui sont reprochés, elle se justifie par le fait qu’elle a été victime de violences conjugales. Ces explications sont considérées comme hors sujet. Pour contre-balancer ce comportement, Daniel Radcliff et Emma Watson se sont posé.e.s en soutien aux personnes transgenres.

Pour toutes ces raisons, une ombre de transphobie plane au-dessus du jeu Hogwarts Legacy. Bien que l’autrice ne soit pas officiellement impliquée dans le développement du jeu, elle touche de nombreux droits liés à l’exploitation de son univers.

Hogwarts Legacy : l’appel au boycott pour transphobie

Même si Hogwarts Legacy ne présente a priori aucune trace de transphobie, le fait que J.K. Rowling en tire des bénéfices a suffit à lancer un appel au boycott sur les réseaux sociaux.

Les fans de la saga se divisent désormais sur la question : doit-on acheter les produits dérivés de Harry Potter (en l’occurrence Hogwarts Legacy) ? Nombreuses sont les personnes qui décident de ne pas acheter ce jeu. Iels s’expriment sur Twitter :

« Acheter Hogwarts Legacy, c’est financer une transphobe eugéniste qui milite activement contre les personnes trans, c’est donc un achat transphobe »

Des personnalités connues des réseaux sociaux ont aussi pris la parole. C’est le cas de Will Overgard, un streameur connu sous le nom de VikingBlonde. Il a sorti une série de vidéos TikTok afin d’appeler au boycott d’Hogwarts Legacy.

« Il ne s’agit pas de savoir si ce jeu a du contenu répréhensible – mais de se dire que soutenir ce jeu valide en quelque sorte les positions très très douteuses »

D’autres streamer.se.s important.e.s se sont joint à ce mouvement en se servant de Twitter. Iels expliquent notamment leur choix de ne pas jouer par anticipation des conséquences que cela pourrait avoir sur leur carrière. On peut y lire :

« La seule raison pour laquelle je ne joue pas ce jeu, et je connais pas mal de personnes dans le même cas, c’est parce que nous savons que ça ne vaut pas la peine de nous faire continuellement martyriser et traiter de transphobes quand on a une communauté massivement constituée de personne queer et LGBTQA +. »

En France, le site Gamekult a affirmé sa décision de ne pas : « donner un écho à une marque dont le poids économique et médiatique profite à une femme érigée en figure de proue d’un mouvement de haine ». Cela étant dit, ce mouvement de contestation n’a pas conquis tous les cœurs.

Preuve en est du nombre important de précommandes record sur ce jeu. Certain.e.s estiment qu’Hogwarts Legacy, notamment parce qu’il n’a pas été créé par J.K. Rowling, ne devrait pas être boycotté pour transphobie. Une jeune femme interrogée par le Washington Post explicite son avis :

« Elle ne gouverne pas le monde sorcier, c’était juste sa création. Ce que nous, en tant que fans, lecteur.rice.s, observateur.rice.s, joueur.se.s, décidons de faire avec ce monde est entièrement séparé d’elle ou de toute croyance qu’elle pourrait avoir. »

Les joueur.se.s du jeu avancent aussi l’argument selon lequel ce jeu vidéo est le fruit du travail de centaine de personnes. Ces dernières deviennent des victimes collatérales des polémiques.

En ce début d’année 2023, la communauté des Potterheads est ainsi divisée. D’une part, certain.e.s refusent de financer et de promouvoir un jeu qui rapportera beaucoup à une femme transphobe. D’autre part, il y a les personnes qui estiment que si le jeu ne présente pas de transphobie, y jouer ne valide pas cette discrimination.

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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