OnlyFans : que faut-il penser de cet « Instagram du porno » qui cartonne depuis le confinement ?

Vous avez peut-être déjà entendu parler de « OnlyFans », le nouveau réseau social britannique qui cartonne chez les jeunes (et pas que). Ce qui devait à la base être simplement une plateforme « d’échanges personnalisés » entre un influenceur.euse ou une star, et ses abonné.e.s ou fans, a vite tourné au vinaigre. En cause, la crise et le confinement. Explications.

OnlyFans, le nouveau réseau porno des millenials

Comme son nom l’indique, ce réseau social créé en 2016 par Tim Stokely, est une sorte de rencontre virtuelle, comme une séance de dédicace, mais version virtuelle et monétisée, où les fans peuvent avoir accès à des contenus exclusifs. Une consoeur de Patreon et Mym Fans en clair.

Dans ce club privé, photos, vidéos mais aussi coulisses de tournage, séance de sport en live, tuto makeup ou racontage de vie sans filtre, sont postés. OnlyFans partait donc d’une bonne intention jusqu’à ce que la crise financière due à la pandémie vienne toucher un secteur très lucratif depuis de nombreuses années : la pornographie.

C’est tout simple : pour cause de confinement les travailleur.se.s du sexe ont dû trouver une autre source de revenus durant cette période. Les bars de strip-tease et tournages de films phonographiques étant en pause, la reconversion numérique était toute faite. Un moyen d’envisager un modèle différent où iels choisissent ce qu’iels veulent faire ou ne pas faire, contrôlent les vidéos diffusées, et sont rémunéré.e.s directement par les spectateur.rice.s.

« Il y a eu un vrai exode vers OnlyFans, la crème de la crème des sites de “cams” sont aujourd’hui sur la plateforme. En 2018, quand Tumblr a changé sa politique pour restreindre les contenus explicites, il y a aussi eu ce phénomène de migration. », a déclaré, Fred Pailler, sociologue, dans un article publié sur le site de Marianne.

D’autre part, cela permet aux travailleur.euse.s du sexe au chômage de pouvoir librement continuer leur travail avec d’autant plus de visibilité et d’argent qu’avant. C’est le cas par exemple de « Maîtresse Evilyne », « une dominatrice » qui perçoit jusqu’à 900 euros par mois. Un revenu souvent complété grâce à du contenu sur d’autres sites, comme Clips4Sale ou iWantClips.

Une pratique « légale »

Les internautes privé.e.s de tout contact réel ont dû trouver comment assouvir leurs désirs. Et c’est en détournant OnlyFans qu’ils ont réussi. Ainsi, la majorité du contenu proposé a rapidement changé de bord. On parle alors de photos et vidéos sexy et érotiques, des « nudes » voire du contenu pornographique et même pédopornographique. « L’Instagram du porno » est alors né.

Pour cause, aucune modération n’est de mise sur le site en ce qui concerne la nudité. Quand Instagram « strike » le premier téton sur un post, OnlyFans laisse faire. Il faut dire que ce n’est pas illégal en soi, car il n’est pas question de vendre son corps pour une relation sexuelle, mais plutôt du contenu sexuel explicite (on vous l’accorde la frontière est très floue avec de la prostitution en ligne). Pour nous confirmer que cette pratique est bien légale, les revenus OnlyFans sont imposables en France comme aux États-Unis.

Une incitation à la pornographie chez les mineur.e.s

Même si, depuis des réclamations, OnlyFans a promis une meilleure vérification à l’inscription, l’âge des fans reste (très) problématique. Pour prouver que les utilisateur.rice.s ont bien plus de 18 ans, il est demandé une photo d’identité et un scan de la carte d’identité. Mais il est facilement possible de contourner ces restrictions.

Plusieurs enquêtes, comme celles de la BBC, ont d’ailleurs montré que des mineur.e.s étaient toujours présent.e.s sur la plateforme malgré ces nouvelles conditions… Ce n’est pas vraiment une surprise quand on sait que la jeune génération est déjà familière avec le fait d’envoyer des « nudes » sur Snapchat ou de s’afficher en maillot de bain sur Instagram.

« Le porno s’est énormément démocratisé, les critères de pudeur ne sont pas les mêmes. Sur TikTok par exemple, les jeunes filles mettent en avant leur sensualité au profit de la créativité » – Lennie Stern, head of creative and entertainment strategies de BETC.

Quand la plateforme a été contactée par Stratégies pour répondre aux allégations pornographiques qui fleurissent sur son site, elle a répondu : « Les posts explicites représentent moins de la moitié du contenu total. Le pourcentage de posts qui contiennent du contenu adulte a réduit de 37 % à 27 %. Cela démontre bien une augmentation de la production de contenus qui n’est pas seulement pornographique. » Mouais…

OnlyFans : un business très lucratif

Le logo d’OnlyFans accompagné d’un cadenas donne déjà le ton : en échange du numéro de carte bleue accordé au site (même pour accéder aux contenus gratuits), l’abonné.e aura la clé qui lui permettra de découvrir l’intimité du/de la créateur.rice. Ainsi, les fans payent un abonnement (de 5 à 50 € par mois selon l’envie du/de la créateur.trice) pour avoir un accès exclusif à du contenu.

Contenus proposés par des acteur.trice.s (session makeup pendant un tournage), des instagrameur.euse.s, des chanteurs.euses (coulisses d’un concert), des professeur.eure.s de danse ou de cuisine, mais pas que… OnlyFans n’est pas seulement réservé aux professionnel.le.s. Des personnes lambdas peuvent poster des photos dénudées (ou non) pour se faire un peu d’argent sans trop d’efforts. D’ailleurs de plus en plus d’étudiant.e.s y postent du contenu pour se faire de l’argent « facile ». Personne n’est obligé de montrer son visage, ni même de se mettre complètement à nu. L’offre a de quoi être alléchante quand une centaine d’euros peut être versée sur son compte chaque mois, voire semaine parfois…

Le « plus » pour les créateur.rice.s ce sont les « tips » que peuvent verser les fans. Soit pour les remercier, soit en échange d’un service (prendre une photo dans telle pose ou tel vêtement). Les fans peuvent aussi slider dans les DM de leurs célébrités favorites pour quelques tips de plus. La limite de pourboire étant fixée à 500 dollars par jour.

La plateforme prend, elle, une commission de 20 % sur les abonnements avant de verser les 80 % restants aux 350 000 créateur.rice.s de son réseau. Les créateur.ice.s de contenus étant à 96 % des femmes, et les abonnés à 97 % des hommes. On comprend vite le fonctionnement… Quelques ombres aux tableaux viendraient cependant peut-être freiner l’inscription de certain.e.s créateur.trice.s.

Une journaliste du média britannique The Spectator a en effet recueilli de nombreux témoignages de personnes arnaquées par OnlyFans, en attente d’un paiement depuis plusieurs mois. Une jeune femme raconte, par exemple, avoir été harcelée sexuellement par un homme qui a ensuite vendu ses informations personnelles en ligne. Une autre encore, qu’un producteur de X a volé ses publications pour les balancer sur son propre site.

Opération séduction réussie

Malgré tout, le réseau social revendique un boom d’inscription depuis le confinement de 75 %. Plus de 25 millions d’internautes sont sur le site. L’exclusivité rapporte, et rapporte gros. Et tout le monde, même les plus petit.e.s influenceur.euse.s mais aussi grosses stars, l’ont bien compris.

Aux États-Unis

« On that Demon Time, she might start an OnlyFans » (« À l’heure démoniaque, elle va peut-être ouvrir un compte sur OnlyFans »), chante la star planétaire Beyonce sur le remix de « Savage » de Megan Thee Stallion. On peut comprendre la hype de la plateforme dès que le salaire de certain.e.s créateur.rice.s de contenus a été rendu publique.

Plus connue, l’ex-actrice de Disney, Bella Thorne, ayant gagné un million de dollars en 24 heures en postant simplement des photos et vidéos exclusives d’elle. Elle toucherait ainsi 8 millions de dollars par mois vis OnlyFans. Sur la plateforme, on retrouve aussi Cardi B, Blac Chyna (mannequin et entrepreneure américaine) ou encore Tyler Posey (acteur et musicien américain). La rappeuse Cardi B a d’ailleurs dû préciser qu’elle ne publierait pas de photos érotiques, mais bien des contenus exclusifs en rapport avec sa musique.

En France

Dans le monde francophone, on a pu voir l’influenceuse québécoise Lysandre Nadeau se prêter au jeu, avant de recevoir une vague de haine. Certains médias ont pointé du doigt soit le fait qu’elle vendait son corps, soit qu’elle encourageait son public, composé en partie de jeunes filles mineures, à s’inscrire pour de l’argent « facile ».

Dans un papier dédié à l’affaire, Geneviève Pettersen, chroniqueuse au Journal de Montréal, répond en rappelant le plus important : « Je dirai seulement que c’est la responsabilité des parents de surveiller ce que leurs jeunes consomment sur internet et qu’habituellement, les adolescent.e.s et les enfants n’ont pas accès à une carte de crédit, condition sine qua non pour voir les photos coquines sur cette plateforme. »

De son côté, l’influenceuse Emma Cakeup a, elle, décidé de poster des photos d’un shooting coquin sur le site Mym Fans, homologue français d’Only Fans. La raison ? Du contenu aurait fuité sans son accord si elle ne répondait pas au chantage d’une personne. Les diffusées d’elle-même est alors une façon de changer la donne du « revenge porn ». Le principe de diffuser des photos sexy privées sans le consentement.

Un réseau qui nous laisse perplexe

Même si le sujet reste tabou, on comprend bien que ce type d’offres aura toujours des acheteur.rice.s. Le business des « cam girls » a explosé après son prédécesseur le téléphone rose. OnlyFans ayant les mêmes codes, la popularité de son fonctionnement n’est donc pas étonnant.

Notons que les marques ne se sont pas encore emparées du phénomène. Encore trop polémique pour en faire quoi que ce soit peut-être… De manière général, OnlyFans répond en effet à un besoin d’appartenance : pouvoir montrer qu’on est « proche », qu’on a été RT, ou qu’un.e artiste a répondu a nos attentes. On se croirait presque dans un épisode de Black Mirror donc on va s’arrêter là…

Vous l’aurez compris, OnlyFans nous laisse un peu perplexe. De par, d’abord, son utilisation multiple aussi bien « safe » avec des contenus exclusifs de stars que des contenus dénudés de travailleur.euse.s de sexe pro ou non. Ensuite par le public visé, avec, comme on vous l’expliquait, d’un côté des fans d’artistes « lambdas »  mais aussi des mineur.e.s qui peuvent tomber sur n’importe quel contenu (parfois classé X). Et vous que pensez-vous ce nouveau réseau social ? Partagez vos réactions sur le forum.

Léa Dechambre
Léa Dechambre
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