7 BD mises en lumière au Festival d’Angoulême à se procurer d’urgence

La 51e édition du Festival d’Angoulême, qui s’est tenue du 25 au 28 janvier, a révélé des bandes dessinées d’excellence et des histoires saisissantes. Cette année, c’est la plume rodée de la Britannique Posy Simmonds qui a remporté le Grand Prix. Un titre qui couvre 50 ans de carrière rondement menée et un style identifiable entre mille. Si l’humour subtil et la richesse narrative de l’auteure ont conquis le jury, les autres œuvres ne déméritent pas. D’ailleurs, le palmarès de 2024 témoigne lui-même d’un haut niveau d’exigence. Ces BD, ornées d’un prix au Festival d’Angoulême, ont non seulement une prose entraînante, mais également des planches visuelles immersives et persuasives. Si vous n’aimez pas les « livres » sans illustrations à l’appui et les histoires « compactées » en pavé, cette sélection risque de vous donner le goût des mots. Attention, c’est contagieux ! 

Cassandra Darke, Posy Simmonds

Posy Simmonds, grande gagnante de ce Festival d’Angoulême, est surtout appréciée pour sa finesse, son sens aiguisé du détail et son regard décapant sur la société. En passant presque un demi-siècle à noircir des feuilles blanches, elle possède un catalogue luxuriant dans lequel Cassandra Darke a une place chère. Cette BD, évoquée lors du Festival d’Angoulême, traduit tout le génie de l’auteure britannique. Elle suit Cassandra Darke, une Londonienne de souche, antipathique et dotée d’un égo surdimensionné.

Heureuse propriétaire d’une maison à 8 millions de livres, son butin est menacé lorsque la justice découvre ses magouilles. Héritière de la galerie d’art de son défunt mari, elle n’a pas hésité à frauder et à trafiquer les documents pour empocher plus d’argent. Mais à trop jouer avec le feu, elle a fini par tout perdre. Dans une impasse financière, cette diva en mal de gloire a dû louer son sous-sol à sa nièce Nicki. Cette dernière lui a légué un curieux cadeau, qui pourrait bien la transformer à tout jamais.

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Monica, Daniel Clowes

Cette BD, décorée du Fauve d’Or au Festival d’Angoulême, est « inclassable » tant elle est plurielle. Dès le départ, l’auteur plante un décor déroutant en listant plusieurs événements, dont la Guerre de Sécession, les tranchées de Verdun et le bombardement d’Hiroshima. Difficile de déployer un fil rouge, et pourtant, il se tisse naturellement grâce à un procédé narratif adroit, propice à la stupéfaction.

Au total, neuf histoires s’emmêlent et se répondent par des échos discrets. Ces récits conjuguent les genres et les époques, mais se focalisent sur cette fameuse Monica, qui donne son nom à la BD. L’héroïne, née d’un père inconnu et abandonnée par une mère instable, est la pierre angulaire de l’intrigue. Au fil des pages, sa vie chaotique défile, enrobée dans des éléments surnaturels et des scènes plus légères pour former un puzzle « complet » et saisissant.

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Hanbok, Sophie Darcq

Contrairement à la plupart des auteur.rice.s qui ont plusieurs ouvrages à leur actif, Sophie Darcq est plutôt une « novice » dans la discipline. Mais ça ne l’a pas empêché de décrocher le prix Spécial du Jury. Véritable révélation, elle a puisé dans son propre vécu pour accoucher de « Hanbok ». Née en Corée dans les années 70, elle est adoptée par une famille française avec ses sœurs. En 2004, elle décide de retourner sur ses terres d’origine pour connaître ses racines et percer les zones d’ombre qui l’entourent.

Un voyage à la fois thérapeutique et solennel qu’elle partage dans cette BD « mémoire ». D’un trait monochrome qui oscille entre candeur enfantine et réalisme, elle étale son périple avec beaucoup de sincérité. De la rencontre touchante avec sa famille biologique au contraste culturel palpable, elle dépeint chaque partie du voyage, sans fards. Cette BD, mentionnée au Festival d’Angoulême est un concentré d’émotions brutes.

BD festival d'Angoulême

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Les Petites Reines, Magali Le Huche

Cette BD, inspirée du best-seller de Clémentine Beauvais, a reçu le prix spécial du jury jeunesse lors de cette édition 2024 du Festival d’Angoulême. Il faut dire que c’est un roman graphique qui en a dans le ventre. Peu gâtées par la nature, Mireille, Astrid et Hakima ont remporté le concours de boudins de leur collège de Bourg-en-Bresse. Une nomination dont elles se seraient volontiers passées. Cependant, c’est ce qui va les unir et les rapprocher. Leur destin est comme « scellé » et trouve un point de chute à Paris, à l’Élysée, le 14 juillet.

Le trio infernal ambitionne alors de rejoindre la capitale à vélo. Les trois filles à l’humour rafraîchissant prennent d’ailleurs leur « titre » sous l’angle de la dérision et décident de rentabiliser leur road trip en vendant des boudins. Leur périple à travers la France s’avère à la fois ubuesque et émouvant. Plus qu’un challenge, c’est une quête de soi, narrée avec beaucoup de second degré.

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Contrition, Keko

Cette BD dystopique au suspense latent et au scénario moite, a été auréolée du Fauve « Polar SNCF » au festival d’Angoulême. Alors qu’une loi musclée de Floride interdit aux délinquants sexuels de vivre à moins de 1000 pieds des lieux fréquentés par les enfants, ils ont tous pris possession de « Contrition Village ». Cette bourgade entièrement habitée par la vermine « indésirable » de la société est devenue une place hostile.

Violeurs, pédocriminels et harceleurs grouillent à chaque coin de rue. Mais la ville plonge dans un climat encore plus sombre lorsqu’un des résidents est retrouvé mort brûlé vif. Une journaliste de la gazette locale se penche d’un plus près sur cette trouvaille sordide, à ses risques et périls. Cette BD dérangeante qui dresse le tableau d’une Amérique rongée par le mal fait monter la tension crescendo. Ce qui la rend délicieusement addictive, mais également vibrante d’effroi.

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L’homme gêné, Matthieu Chiara

Vincent est du genre à tout remettre au lendemain et à regarder ce poil dans sa main devenir une vaste touffe. Seul dans son appartement, il essaye de tuer le temps comme il peut, notamment en nourrissant ses fantasmes et en vivant par procuration, à travers les écrans. Mais lorsque Julia, sa nouvelle voisine, fait irruption dans l’encadrement de sa porte, sa tranquillité est interrompue. Empoté du cœur, il ne sait pas comment la séduire et se creuse les méninges pour trouver une approche « crédible ». Antihéros par excellence, il est hésitant, angoissé et effrayé à l’idée de prendre des décisions.

Un humain dans toute sa splendeur. Ce sont justement ces failles et ces points faibles qui font toute la sympathie du personnage. Vincent s’épanouit dans des cases minimalistes et s’affiche sous des courbes « limpides », témoignant de sa « paresse » sentimentale. Une BD parlante, dans laquelle la vie de Julien se superpose à la nôtre, hissée en « Révélation » au Festival d’Angoulême.

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Des maux à dire, Bea Lema

Cette BD, déployée dans un style insolite proche des points de couture et de la broderie, suit le quotidien tourmenté de Vera. Petite fille au caractère sage et calme, sa pureté se heurte aux visions diaboliques de sa mère, qui se pense « pourchassée » par des démons. Cette maman, dont les monstres ont assailli l’esprit, est guère présente pour Vera. Lâchement délaissée par son mari, qui l’accuse de mensonge et critiquée de « pauvre folle » par son fils, elle passe les trois quarts de son temps dans la nuit opaque de la chambre à coucher, à prier le Seigneur de la délivrer.

Soumise à des séances d’exorcisme, en vain, les médecins la gavent de médicaments. Les rôles s’inversent et Véra materne sa mère avec le soin le plus précieux. Finalement, ce mal invasif et pénétrant était le fruit d’un traumatisme bien plus lointain… Cette BD tortueuse aborde le thème de la santé mentale sous le prisme de l’enfance, ce qui lui a valu le prix du public France Télévision au Festival d’Angoulême.

BD festival d'Angoulême

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Ces BD, propulsées par le Festival d’Angoulême 2024, ont toutes des convictions à défendre et une esthétique captivante. À découvrir sans tarder pour prendre sa dose de culture quotidienne et se familiariser avec ce style, plus « vivant ».

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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