Voici pourquoi il est temps d’en finir avec la question « c’est pour quand le bébé ? »

Entre 20 et 40 ans, les femmes se heurtent à la lassante chanson « c’est pour quand le bébé ? ». Quelques mots qui résonnent comme une déflagration. Une pression sociale d’envergure colle au vagin de ces mesdames. Rebaptisé sobrement « l’origine du monde », notre organe génital devrait forcément voir émerger une petite frimousse avant le revers « fatal » de l’horloge biologique.

Cependant, par conviction écologique, par manque de moyens ou tout simplement par choix, ce désir d’enfant, vanté telle une consécration, reste en suspens. Alors, malgré toute la bonne volonté qui berce cette question, les femmes aimeraient gérer leurs ovaires à leur guise, sans regard indiscret ni remarque culpabilisante. Les injonctions à la maternité qui gigotent de part et d’autre des réunions de famille doivent cesser. Voilà pourquoi. 

Une pression sociale qui a de l’influence

Aux yeux de la société, les femmes qui souhaitent sauter la case « berceau », « hochet » et « gazouillis » s’apparentent à des OVNIS vivants. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à prendre ce parti. En 2012, moins de 5 % des Françaises déclaraient ne pas vouloir d’enfant selon une enquête de l’Institut National d’Études Démographiques. Mais si l’on en croit les récents sondages, les femmes couvent une envie de liberté encore plus prégnante à l’heure du féminisme.

D’après une étude IFOP menée avec le magazine « Elle », 30 % des femmes en âge de procréer souhaitent faire l’impasse sur le statut de « mère ». Ce choix assumé est aussi devenu le fer de lance de certaines stars comme Jennifer Aniston. L’actrice emblématique de « Friends » se défendait en clamant haut « J’ai déjà donné naissance à beaucoup de choses ».

Cependant, le « devoir de maternité » revient sans cesse en pleine face comme un boomerang. Passé le cap de la trentaine, les femmes sans enfants n’échappent pas à l’interrogatoire « c’est pour quand le bébé ? », « qu’est-ce qui t’empêche d’en avoir ? », « tu  n’as pas peur de regretter ? ». Dans notre société, l’enfant est le Graal de la famille, c’est la suite logique du mariage et de l’achat immobilier.

Des questions déstabilisantes

Cette norme coriace qui voudrait que l’utérus des femmes soit une usine « à pondre » nourrit l’idée que féminité rime forcément avec maternité. L’utérus de ces mesdames, aussi intime soit-il, devient alors une cause « public ». Chaque proche se fait avocat de la « vie », en dégainant le fameux « tu changeras d’avis » ou « un.e enfant, c’est la plus belle chose qui puisse t’arriver ».

Mais à trop entendre ce refrain, il finit par déteindre sur les mentalités « ni vu ni connu », brouillant ainsi les pistes du « désir d’enfant« . Il distille des doutes et des tiraillements qui peuvent faire pencher la bascule. Difficile de savoir si l’on souhaite des enfants pour entrer dans une case ou par réelle envie mûrement réfléchie. Avoir des enfants « à contre-coeur », pour répondre à cette promesse d’accomplissement féminin ultime est à double tranchant. En témoigne le regret maternel, qui touche ainsi 14 % des Françaises.

Ne pas vouloir d’enfant : une décision qui n’a rien d’égoïste

La question « c’est pour quand le bébé ? », en plus d’être lassante, est extrêmement intrusive. Le désir d’enfant est de l’ordre du « privé ». Mais beaucoup de personnes enfreignent cette frontière à coup de jugements hâtifs, de rumeurs grossières et de conseils inopinés soi-disant « bienveillants ». Renoncer à la maternité est bien plus profond qu’une simple volonté de conserver ses grasses matinées ou d’improviser un voyage avec une vulgaire valise cabine.

Si tourner le dos à la maternité est presque criminel pour la société, c’est surtout une décision personnelle encouragée par des combats et des ressentis. À chacune sa croisade. Par exemple, pour les GINK (Green Inclinations, No Kids), des éco-féministes chevronnées, ce désir de non-enfant se traduit dans l’urgence climatique.

Pour d’autres femmes « childfree », il fait écho à une impression de ne pas « être prête » ou de manquer « d’instinct maternel ». Dans des cas plus rares, ce souhait venu des tripes permet d’esquiver des scénarios familiaux toxiques. La faute à ces traumatismes que l’on traîne depuis l’enfance comme de vilaines casseroles. Qu’importe la raison, ce choix est intimement lié à une soif d’indépendance.

« Comme des centaines de milliers de femmes indociles, j’ai pris une décision qui demeure inacceptable : vivre comme bon me semble », suggère Chloé Chaudet dans son livre « J’ai décidé de ne pas être mère ».

L’injonction du deuxième enfant, une autre réalité pesante

Dans le palmarès des questions agaçantes, le « c’est pour quand le deuxième ? » chevauche de près le « c’est pour quand le bébé ? ». Les parents d’enfant unique sont régulièrement pressés vers un second round alors qu’ils viennent tout juste de trouver un équilibre au sein du foyer. Un doublé et c’est la « réussite sociale » assurée. C’est en tout cas ce que sous-entend l’injonction du deuxième enfant.

« Tu n’as pas peur qu’il.elle s’ennuie tout.e seul.e ? », « Il ne faut pas qu’il y ait une grande différence d’âge entre le premier et le deuxième »… La tournée de leçons de morale se poursuit, même après avoir mis un pied dans la parentalité. C’est ce qu’on appelle le revers de la médaille.

La société ne lâche pas la grappe à nos ovaires de sitôt. Malgré une possible dépression post-partum, un corps en pleine reconstruction, des cicatrices tracées tels un itinéraire de « vie » et une dette de sommeil record, les mères devraient se remettre illico presto dans les couches-culottes.

Une idée encouragée par les représentations culturelles

Le mythe de l’enfant unique capricieux.se, têtu.e et surprotégé.e est en partie responsable de cette pression qui plane sur les utérus déjà bien « destroy » des jeunes mères. Pourtant, ce modèle symétrique « deux parents, deux enfants » est loin d’être le plus courant.

« Les familles avec un.e seul.e enfant représentent 45 % des familles, contre 39 % pour celles avec deux enfants, 17 % avec trois enfants ou plus. Et c’est sans entrer dans le détail des familles recomposées ou des ménages monoparentaux », confirme Vanessa Girard, experte des questions démographiques et sociales à Brest

Cette conception « étriquée » et « idéalisée » de la famille habite surtout les références qui nous encerclent au quotidien. Publicités, films, séries… le tableau de famille est un vrai cliché. Même le golden retriever semble indispensable à l’harmonie générale. La preuve avec le retour en force de la sitcom « Mariés, deux enfants », ainsi remise au goût du jour en mai dernier.

Pédale douce donc sur les questions « c’est pour quand le bébé » ou « c’est pour quand le deuxième » qui enfoncent un peu plus le clou des diktats. Le désir de non-enfant peine encore à se banaliser, cependant des films comme « Et toi c’est pour quand ? » s’attaquent au sujet pour lui donner de l’écho. Une belle revanche sachant qu’il a fallu attendre les années 70 avant de poser ce refus de maternité sur la table.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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