Entre les regards moqueurs, les paroles méprisantes, les injures incessantes et la brutalité environnante, la communauté LGBTQ se trouve piégée dans une bulle d’insécurités. En 2019, les actes de haine anti-LGBTQ avaient ainsi augmenté de 36 %. Alors, l’arrivée du confinement rimait avec soulagement. Pendant cette période de huis clos, les violences ont reculé et la communauté LGBTQ a été épargnée. Ce constat réjouissant va-t-il perdurer dans le temps ? Les esprits seront-ils plus ouverts à la différence ? Pour éduquer les mentalités, le monde du 7e art a aussi son rôle à jouer. En cette Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, on vous propose de plonger dans des courts-métrages bouleversants. Les films se transforment en lanceurs d’alerte et esquissent le rude quotidien de la communauté LGBTQ.
La communauté LGBTQ encore peu considérée
Au total, 5% des séries actuelles sont considérées comme LGBTQ, d’après un rapport publié par le GLAAD (Gay and Lesbian Alliance Against Defamation). Ce chiffre bat les records historiques. Pourtant, cette progression est à prendre avec des pincettes. En effet, les personnages homosexuels, bisexuels ou trans pâtissent de nombreux clichés. L’homme gay est souvent présenté comme le bon ami efféminé prêt à se sacrifier pour les autres. Les transexuels, eux, restent généralement enfermés dans des rôles de prostitués. En diffusant ces images caricaturales et grotesques, les films nous éclipsent de la réalité.
Des courts-métrages instructifs et puissants pour alerter
Alors, des initiatives se multiplient pour faire tomber le masque de l’intolérance. C’est le cas du Mobile Film Festival (MFF). Depuis 2005, cet événement français propose des courts-métrages engagés tournés avec un seul objet : le téléphone portable. Leur particularité ? Ils explorent les questions de discriminations et ne durent qu’une minute.
Malgré cette courte durée, les contenus proposés sont brillants et pertinents. À travers leur scénario poignant et incisif, ces œuvres dépeignent avec justesse les horreurs auxquelles sont confrontées les minorités de genre. Pour cette Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, le MFF a regroupé sur YouTube 13 œuvres des précédentes éditions. Toutes dessinent, à leur manière, le portrait des difficultés actuelles.
Mobile Film Festival se mobilise
Les purges anti-gay en Tchétchénie, le refoulement total de l’homosexualité dans les cultures conservatrices, le difficile coming-out des ados de banlieue… ces thématiques de l’ombre, souvent méconnues du grand public, sont enfin mises en lumière. Un coup de projecteur salutaire qui nous permet de poser un nouveau regard sur cette communauté LGBTQ, régulièrement persécutée.
1 – I am, Ernest Junior Thamane
Thando, jeune transgenre de 26 ans a grandi en Afrique du Sud. Face caméra, elle fait un travail d’introspection et se confie sur sa transition. Dans la rue, elle est la cible des âmes malveillantes. Ses longs cils courbés, son rouge à lèvres rose bonbon et son look assumé sont régulièrement critiqués. Rejetée par sa propre famille et dénigrée par les habitant·e·s, elle traverse des étapes douloureuses. Malgré ces attaques affligeantes, elle garde un mental de battante.
2 – Face the day, Angela Blake
On pénètre dans l’intimité d’un homme qui use de toutes les parades pour ressembler à une femme. Armé de maquillage et de robes teintées de mille motifs, il se transforme. Mais dès qu’il met un pied dehors, les discours dégradants fusent. Les incompréhensions dominent. Sans cesse obligé de se défendre ou de se justifier, il semble lasser. Pourtant, il souhaite plus que tout s’assumer.
3 – Je m’appelle Carla, Siham Hinawi
Benjamin va enfin devenir Carla. Jambes croisées, jupe crayon, talon aiguille, coiffure tirée à quatre épingles, il attend avec impatience de passer sur la table de chirurgie. Pendant des années, il se sentait comme enfermé dans un corps étranger. Alors, cette transition s’apparente à une véritable renaissance. Pour être reconnue en tant que femme, la case « opération » était quasiment inévitable. Avant de parvenir à fixer un rendez-vous, Carla a mené une bataille administrative éprouvante.
4 – Annisa, Barry Putra
Annisa, jeune étudiante et musulmane pratiquante, tombe amoureuse d’une de ses camarades. Pour passer des moments ensemble, elles sont contraintes de se cacher et de s’embourber dans un tissu de mensonges. Toutes deux nouent une alliance puissante, qui semble presque indestructible. Mais la religion en a décidé autrement. Ses parents considèrent cette romance lesbienne comme un péché ultime. Annisa doit se plier aux dogmes et épouser un homme.
5 – J’ai juste besoin d’amour, Jake J Meniani
Un homme travesti se dresse devant nous avec un visage ensanglanté, couvert de balafres. Il vient d’endurer un véritable calvaire. Pris entre les griffes d’un gang homophobe, il est roué de coups et bombardé d’injures. En rentrant chez lui, il reçoit un appel alarmant de ses parents. Seul sur son lit, il semble totalement démuni.
6 – Rift, Sara Chitambo
Un homme nommé Nkuli vient à peine de rompre avec son compagnon. Effrayé à l’idée de s’afficher main dans la main avec son partenaire, il a préféré mettre un terme à leur union. Pourtant, la flamme de l’amour règne toujours. En rangeant les vêtements de son ex dans des cartons, des flashs lui remémorent les instants tendres et complices qu’ils ont passés ensemble. La peur du jugement a réduit leur idylle à néant…
7 – L’amour c’est l’amour, Alessia Pischedda
Un contraste entre deux générations. Une petite fille s’empare du téléphone de son père. La caméra se pose sur un couple de lesbiennes. Le père semble horrifier par cette scène tandis que la joyeuse fillette délaisse un beau message d’acceptation. Les idées réfractaires se heurtent à la force de conviction des nouvelles générations.
8 – Ceci n’est pas une burqa, Imad Fijjaj
En Afrique du Nord, être homosexuel est un véritable challenge. Certains usent de parades ingénieuses, mais périlleuses, pour vivre leur amour comme ils l’entendent. Caché derrière une burqa, un homme gay se fond dans la masse. Emprisonné dans une routine secrète, il doit se résigner et mettre ses rêves de côté.
9 – Leo never gives up, Balint Klopfstein-Laszlo
Un petit garçon tente de retrouver la trace de son père. Il enchaîne les numéros et redouble d’énergie pour renouer avec lui. Une mission qui semble impossible. Pourtant, grâce à son acharnement, l’enfant parvient enfin à le joindre. Un appel miraculeux qui sauve ce papa quelque peu différent.
10 – L’honneur, Pierre Folliot
Ces images d’une extrême violence nous transpercent et nous glacent le sang. En Tchétchénie, le gouvernement souhaite se débarrasser de tous les homosexuels. Les hauts dirigeants emploient des techniques inhumaines et tyranniques pour les faire disparaître. Ici, ce fléau silencieux est mis au premier plan.
11 – T’es un bonhomme, Sylvain Certain
Sous l’oeil avisé de son frère, Willy doit devenir un « vrai homme ». Mais qu’est-ce que cela signifie ? Finalement, en fonction des expériences de chacun, la définition fluctue. L’image du gros dur issu d’une cité mouvementée tombe à la renverse.
12 – La princesse et la sirène, Charlotte Audebram
Une tata raconte à son neveu une histoire qui semble tout droit sortie d’un grimoire de conte de fées. Ce récit qui fait écho à notre société n’est pas aussi enchanté. Le gouvernement se transforme en roi sévère. À cause de ses pensées obsolètes, la princesse et la sirène ne peuvent pas accomplir leur souhait le plus cher.
13 – Toi et ou moi, Armand Robin
Deux femmes en couple désirent plus que tout devenir mamans. Main dans la main, elles passent un test de grossesse. Une compétition bienveillante s’amorce pour savoir laquelle aura les meilleurs ovaires.
Certains pays hostiles à la communauté LGBTQ
Aux antipodes des histoires simplistes de certains films et séries, ponctuées d’humour douteux, un scénario plus sombre se trame dans notre société. Au 21e siècle, ère des grandes évolutions, certains pays continuent de réprimer la liberté des minorités. Ainsi, la communauté LGBTQ doit parfois mentir ou renier ses attirances sexuelles pour ne pas être jetée en pâture. Au total, 69 pays sur 193 considèrent toujours en 2021 l’homosexualité comme un délit. Plus aberrant encore : l’Arabie Saoudite ou l’Iran vont même jusqu’à appliquer la peine de mort.
Récemment, un homme iranien a par exemple été décapité par sa famille parce qu’il était gay. L’ILGA révèle également que « des enfants lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenres ou intersexes ont subi des électrochocs, l’administration d’hormones et de psychoactifs afin de les « guérir » ». Pour ne pas nuire à la réputation du pays, ces actes barbares restent étouffés dans le silence.
En l’espace d’une minute, ces créations nous montrent des destins fracturés et des âmes esseulées, sans cesse stigmatisées. Elles témoignent de cette animosité, de ce climat d’insécurités qui règne encore. Enrichissants, instructifs et authentiques, ces courts-métrages sélectionnés par le Mobile Film Festival évoquent les failles de notre société sans prendre de détours. Ils plantent véritablement le crayon dans la plaie. À visionner sans plus tarder !
