Sexisme, bientôt fini ? Ce qu’il faut retenir du dernier rapport choc du Haut Conseil à l’Égalité

Comme chaque année, le Haut Conseil à l’Égalité fait un état des lieux du sexisme en France. Les nouvelles données, fraîchement révélées, ne sont pas vraiment rassurantes. Ce piédestal sur lequel les hommes se hissent s’apparente désormais à un sommet abrupt, que les femmes auront du mal à gravir. Cette tant attendue égalité des sexes semble encore relever de l’utopie. Selon les chiffres, les mentalités sont toujours pétries de stéréotypes de genre et les jeunes générations, qui incarnent l’espoir, n’ont pas l’air de vouloir acter le changement. Entre vieux relents masculinistes, backlash anti-féministe, propagande de la femme soubrette sur les réseaux sociaux… À l’approche de la Journée nationale contre le sexisme, le 25 janvier, voici les grandes lignes du rapport émis par le Haut Conseil à l’Égalité. Trigger warning : à la vue de ces chiffres, vous êtes susceptible d’avoir des nausées.

Le sexisme s’enracine davantage dans la société

Malgré une prise de conscience collective du sexisme, il continue de s’infuser dans les mentalités, à la manière d’un virus endémique. Depuis 2019, le Haut Conseil à l’Égalité, instance indépendante, publie un rapport sur le sexisme. Ce document tire rarement un bilan glorieux sur le sort des femmes. C’est encore le cas cette année. Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité, rendu public le 22 janvier dernier, dresse le portrait d’une société prisonnière de ses vieux démons. Au 21e siècle, la guerre des sexes est toujours d’actualité et l’idéologie patriarcale ne faiblit pas.

Neuf femmes sur dix déclarent ainsi avoir personnellement subi une situation sexiste. Cette discrimination, parfois insidieuse et inconsciente, débute de bonne heure. Dans le cercle familial, 70 % des femmes disent ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères. Au-delà des murs du foyer, cette différence se fait aussi ressentir derrière les pupitres. Près de la moitié des femmes de 25-34 ans pensent ne pas avoir été abordées de la même façon que leurs homologues à l’école. Selon la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette, c’est une boucle infernale qui s’ouvre « à la maison, continue à l’école et explose en ligne ».

Les jeunes générations, pas si progressistes

Si les nouvelles générations envisagent les rapports homme-femme avec un esprit plus fairplay, elles sont aussi aveuglées par les clichés. Malgré toutes les causes qu’elles défendent, les Gen X, Y ou Z ne risquent pas de délivrer la société de ses idéologies virilistes. Ces jeunes ont beau avoir un caractère militant, ils ne semblent pas porter la cause des femmes dans leur cœur. Bien au contraire.

Selon le rapport du Haut Conseil à l’Égalité, ils sont même plus arriérés que leurs aînés. Ainsi, 28 % des hommes de 25-34 ans pensent que « les hommes sont davantage faits pour être patrons« . Pire, plus d’un homme sur cinq de cette tranche d’âge pense qu’il est normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste équivalent. Non, ces chiffres ne proviennent pas d’un autre siècle, mais ils montrent à quel point les hommes tiennent à leurs « privilèges » et à cette « suprématie » du chibre.

D’ailleurs, la gent masculine n’hésite pas à prendre la posture de la « victime«  et à jouer les « vilains petits canards » pour rester droite sur son trône. Effrayés à l’idée que les femmes atteignent leur niveau, 52 % de ces messieurs estiment ainsi qu’on « s’acharne sur les hommes«  et 59 % pensent qu’il n’est « plus possible de séduire une fille sans être vu comme sexiste« . Comme le souligne le rapport du HCE, ces contre-arguments livrés par les hommes symbolisent un ferme désir de garder le pouvoir.

Le retour en force des pensées masculinistes

Si les hommes se sentent pousser des ailes et se pensent supérieurs aux femmes, ce n’est pas un hasard. Conditionnés avec cette image de l’homme fort, impassible et dominant, qui résout tous ces problèmes dans la brutalité, ils ne font que « perpétuer » les traditions. Ce précepte machiste est encore parole d’évangile pour la majorité des hommes. Cette idée de l’homme herculéen et frondeur s’inscrit chez les deux genres.

Ainsi, 31 % des hommes et 27 % des femmes estiment qu’un homme doit savoir se battre. Ces messieurs se croient également « obligés » d’être le gardien financier du foyer. Du moins, 70 % des répondants l’ont évoqué. Les hommes veulent camper sur leurs acquis et surtout, ils ne souhaitent pas partager leur couronne. 37 % considèrent donc le féminisme comme une menace pour leur « statut ».

Les femmes, toujours en marge des filières scientifiques

Autre facette que le rapport du Haut Conseil à l’Égalité souligne : le sexisme se cristallise sur les bancs de l’école. Même si les filles sont encore assignées à cette étiquette studieuse et sage, elles se sentent toujours illégitimes dans le secteur scientifique ou technologique. 74 % des femmes ne se projettent pas dans cette branche. En parallèle, 29 % des hommes pensent que les « hommes sont plus performants dans les carrières scientifiques » et 27 % qu’ils sont « meilleurs en maths ».

Au-delà du manque criant de représentation et de rôle modèle féminin dans l’univers des sciences, les femmes se détournent également de ce chemin professionnel pour se conformer aux « normes » scolaires. Ce n’est qu’un énième reflux des stéréotypes, gobés pendant l’enfance, à travers les jouets et les injonctions comportementales.

Quand internet nourrit le sexisme

Si le sexisme émerge au sein même de la famille et se muscle à l’école, internet se charge de le doper. Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité a poncé le web pour mettre en exergue une sombre vérité. Sur les 100 contenus les plus consommés sur les plateformes de référence, 68 % des posts Instagram relayent des stéréotypes vétustes et montrent les femmes dans leur fonction « maternelle » en insistant bien sur leur serviabilité et leur dévotion.

Sur YouTube, 88 % des vidéos comprenaient au moins un cliché masculin, lié à la notion de « mâle Alpha » ou de violence. Enfin, sur TikTok, 43 % des vidéos qualifiées comme « humoristiques » se moquent volontairement des femmes et font passer cette humiliation sous le filtre de la rigolade. D’ailleurs, le HCE dénonce le côté « sournois » de ces publications, qui abordent le sexisme de façon indirecte et l’incorporent dans « l’ordinaire ».

Des hashtags grinçants et du « X » dégradant

Les hashtags #TradWife et #StayatHomeGirlfriend font même la promotion d’un mode de vie archaïque où les femmes arborent fièrement leur tablier et leur casquette de « fée du logis ». Et cette vitrine 2.0 de la femme au foyer semble avoir conquis plus d’une personne. Selon 34 % des sondées, « il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants ». Le chiffre a bondi de 7 points par rapport à l’année dernière.

Dans un autre registre, les sites pornographiques, eux aussi, propagent une vision de la femme « soumise » qui laisse son corps en libre-service. Rappelons que 90 % des contenus « X » présentent des actes non simulés de violences verbales, sexuelles ou physiques envers les femmes. Les images sont d’une extrême animosité et répandent l’idée du mâle « dominant ». Pourtant, 64 % des hommes de 25-34 ans déclarent que la pornographie donne envie de s’inspirer des actes sexuels. Ce qui jette un froid. Par ricochet, 37 % des femmes interrogées disent avoir subi au moins une « situation de non consentement« .

Quelles recommandations pour inverser ce bilan morose ?

Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité symboliquement intitulé « s’attaquer aux racines du sexisme » exige des « mesures très fortes » des pouvoirs publics. L’organisme expose ainsi plusieurs recommandations à la fin de son document pour faire bouger les lignes. Le HCE suggère de traiter le problème de l’intérieur et ne pas seulement se contenter de « mesurettes ».

Ce plan anti-sexisme tient en trois mots : éduquer, réguler et sanctionner. Parmi les pistes évoquées, il y a notamment le développement d’un programme d’éducation à l’égalité, la mise en place d’un quota de fille dans les filières numériques, l’auto-évaluation des contenus les plus viraux sur le net et la création d’un délit de sexisme vraiment fructueux. Il ne reste plus qu’à savoir si le gouvernement fera bon usage de ces préconisations.

Ce 6e rapport du Haut Conseil à l’Égalité tire un diagnostic plutôt (très) morose des mentalités françaises. Tandis que les femmes brisent les omertas sous le #MeToo et descendent dans la rue pour défendre leurs droits, les mœurs actuelles ne semblent pas aller dans leur sens. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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