Comment faire face à l’homophobie familiale ?

L’homophobie est un fléau qui peut aussi s’infuser dans le cercle familial. Ce nid censé être chaleureux et rassurant se convertit alors en milieu hostile. Si certaines personnes de la communauté LGBT+ préfèrent entamer leur coming out malgré la peur inéluctable du rejet, d’autres misent sur l’art des « faux semblants » pour conserver l’harmonie du foyer. Qu’importe la décision choisie, cette « vraie nature » sera toujours malmenée. Lorsque la famille entière se ligue contre votre identité arc-en-ciel, par ailleurs difficile à affirmer, les espoirs d’une possible acceptation s’étiolent à petit feu.

L’homophobie familiale est une dévastation vécue de l’intérieur. Si parfois elle pousse à rompre définitivement le contact, elle n’est pas forcément irréversible. Voici quelques pistes pour faire face à cette animosité qui s’injecte dans les liens du sang.

Homophobie familiale : des chiffres assourdissants

L’homophobie ne mine pas seulement les cours de récré et les lieux publics, elle se déploie aussi au cœur de la cellule familiale. Si à l’origine, la famille est supposée cultiver sécurité, hospitalité et amour sans faille, elle peut aussi se montrer féroce devant la différence. Les premiers signes de déni et de haine s’amorcent généralement à la maison sur fond d’humour médiocre, de blagues tranchantes ou de croisades hétéro-centrées. Une destitution silencieuse qui suscite un profond mal-être.

De nombreuses personnes de la communauté LGBT+ sont ballotées entre l’espoir d’un dénouement heureux et l’envie irrépressible de fuir. Si l’homophobie familiale n’est pas une généralité, elle est tout de même bien ancrée. Pire, elle est « tolérée ». Selon un sondage BVA piloté par le Refuge, 17 % des Français.es déclarent comprendre que des parents n’acceptent pas que leur enfant soit LGBT+. Plus terrible encore, 8 % des Français.es compatissent avec les parents qui refusent tout contact avec un.e enfant LGBT + ou le.a mettent à la porte.

Des données moroses qui se superposent en filigrane à une étude SOS Homophobie tout aussi alarmante. La famille est le second environnement où a eu lieu les principaux faits d’homophobie recueillis en 2020, juste derrière Internet. Cette aversion se dédouble parfois d’une violence morale ou physique. Selon un rapport plus récent, 28 % des personnes LGBT+ déclarent subir du harcèlement de la part de leur famille. L’homophobie familiale rend le quotidien irrespirable et pousse au repli sur soi. C’est encore plus valable pour les mineur.e.s alors contraint.e.s de vivre sous le même toit que leurs détracteur.rice.s.

Homophobie familiale : comment réagir à cette sentence ?

Faire son coming out dans une famille ouvertement LGBT-phobe qui ne rate pas une occasion de piétiner le drapeau arc-en-ciel relève souvent de l’impossible. Certain.e.s décident alors de rester dans le placard le plus longtemps possible pour retarder l’échéance. D’autres se prêtent à cette redoutable confrontation pour arrêter de se mentir et se libérer d’un poids. Cette étape déjà délicate devient une épreuve périlleuse avec une homophobie familiale latente.

Cependant, ce n’est pas parce que des parents expriment une incompréhension face à la cause LGBT+ qu’ils vont forcément se désolidariser de vous. Vice-versa avec des parents qui portent un regard bienveillant sur la communauté LGBT+, mais qui déchantent une fois qu’elle dépasse le terrain familial. Voici donc quelques conseils pour envisager l’hypothèse d’une homophobie familiale, trahison la plus indicible.

Cherchez du soutien

Avant de tirer le diagnostic d’une homophobie familiale et de s’en remettre à la fatalité de l’abandon, il convient de sonder l’entourage en douceur. Pour ça, nul besoin d’en venir au cauchemar de la table ronde ou d’en faire une affaire d’état. Si vous remarquez qu’un.e membre de votre famille a une attitude odieuse et tient des propos blessants à l’égard de la communauté LGBT+, cette pauvreté d’esprit n’a rien de « génétique ».

Même si cette aversion décomplexée vous écorche en plein cœur, tout n’est pas forcément « perdu ». Les jeunes générations sont généralement plus « à l’aise » avec les sujets LGBT+. Il y a donc de fortes chances de trouver des allié.e.s au sein du cocon familial. Pour désamorcer la crainte du « non-retour », provoquez le dialogue en vous appuyant sur des séries, des médias queer ou même en repartageant des posts Instagram dédiés. En récoltant l’empathie et l’appui de plusieurs parties prenantes de la famille, vous reconstruisez vos repères.

Si malgré plusieurs tentatives, votre famille entière reste aveuglée par la rancœur et que personne n’est « rattrapable », vous pouvez vous tourner vers des associations. Le Refuge, par exemple, aide les jeunes de 14 à 25 ans à se mettre en lieu « sûr » et à retrouver cette affection déchue.

Imposez des limites

Malgré une homophobie familiale criante, il est parfois plus facile de faire la sourde oreille que de s’évertuer à forger un dialogue constructif. La stratégie de l’évitement devient alors un refrain bien rodé. Mais faire le dos rond à chaque critique ou mégenrage n’est pas forcément plus vertueux qu’une mise au point explicite. En fuyant les « tête à tête » pour vous protéger, vous amorcez l’effet « cocotte minute ». Autrement dit, à trop prendre sur vous, vous risquez d’exploser et d’avoir un comportement « volcanique » (par ailleurs justifiable).

Pour éviter que des paroles ne vous martyrisent ou qu’un acte vous froisse, dressez des frontières. Échafaudez des barrières à travers des conversations posées et honnêtes. L’objectif n’est pas de changer l’autre, mais de chérir son propre bien-être. En instaurant des limites, vous vous mettez « émotionnellement » à l’abri. Vous vous préservez de cette amertume ambiante et surtout vous vous économisez.

« Pensez aux commentaires ou aux comportements qui vous causent de la détresse. Une fois que vous les avez identifiés, la prochaine étape est la communication pragmatique. C’est comme tracer une ligne dans le sable – faites savoir au membre de votre famille ce qui dépasse la ligne pour vous et pourquoi », suggère le psychologue Brad Brenner au Huffpost US

Ne vous sentez pas obligé.e d’éduquer

En principe, les personnes qui se heurtent à l’homophobie familiale se persuadent qu’elles peuvent inverser les mentalités. Un challenge rempli d’optimisme qui se solde souvent par un énorme épuisement et un gros lot de désillusions. Même si cette volonté de glaner l’approbation de la famille est « naturelle », elle peut aussi avoir des conséquences délétères sur la santé mentale.

Certes, parfois, il suffit simplement de faire un peu de pédagogie pour remettre les esprits à jour. Mais malheureusement, certaines personnes sont gangrenées jusqu’à la moelle par leur conviction. Dans ce cas, vous risquez de gaspiller votre énergie pour rien. Même si c’est un véritable supplice, il faut savoir se faire une raison et essayer d’accepter l’insurmontable. Prenez du recul et entourez-vous de gens qui vous apprécient à votre juste valeur.

Trouvez une famille de coeur

Comme le dit si bien le dicton « on ne choisit pas sa famille, mais on a le pouvoir d’élire ses ami.e.s ». Pour retrouver ce sentiment d’appartenance si rassurant et remodeler ce qui a été brisé, ne négligez pas votre famille d’adoption, celle qui vous permet d’exister haut et fort.

Cette famille dictée avec le cœur est bâtie sur la confiance, le respect mutuel et l’écoute. Un cercle sain et harmonieux qui se substitue aux liens du sang. Il compense à sa manière cette famille manquée. Même si les amitiés ne remplacent pas totalement ce vide légué par une famille “avortée”, elles permettent d’aller de l’avant et de se dévoiler sans artifices ni simulacres.

L’homophobie familiale, orchestrée par les personnes qui sont censées nous aimer éternellement, est un crime sentimental inoubliable. Les victimes en gardent des séquelles à vie. Selon des études, l’homophobie familiale se répercute autant sur la stabilité financière que sur l’estime de soi. Une peine à perpétuité pour les personnes qui la traversent.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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