Deadnaming : voici pourquoi il faut arrêter de demander le prénom de naissance aux personnes trans

Pour les personnes trans, le changement de prénom est particulièrement symbolique. Il concrétise leur nouvelle identité et reflète plus fidèlement qui elles sont. Cependant, ce choix est parfois bafoué, voire volontairement transgressé. C’est ce qu’illustre le deadnaming, une pratique vicieuse qui consiste à appeler une personne trans par son ancien prénom et donc, par ricochet, à rejeter sa transition. Cette forme de mégenrage peut paraître « anodine » vue de l’extérieur, mais pour les individu.e.s qui la subissent, c’est une torture. Entendre ce prénom si dissonant, c’est se confronter inlassablement à son douloureux passé et avoir l’impression de ne pas être totalement « soi ». Qu’il soit prémédité ou accidentel, le deadnaming enferme les personnes trans dans une identité « révolue », qui ne leur correspond plus.

Comment se traduit le deadnaming ?

Contrairement à ce que beaucoup imaginent, les personnes trans ne passent pas toutes sous le bistouri pour se sentir elles-mêmes. Si faire une chirurgie de réattribution sexuelle est parfois souhaitée, le simple fait de changer de prénom est déjà un acte puissant. D’ailleurs, bien souvent, cette petite modification permet de sortir de sa chrysalide et de délaisser son « moi » du passé. Cependant, les personnes trans sont sans cesse ramenées à cette identité « enterrée » et appelées par leur prénom de naissance.

Que ce soit au travail ou dans le cercle familial, elles sont associées à un prénom qui sonne désormais « étranger » pour elles. Lorsque ce prénom d’enfance refait surface, elles ont cette sensation de ne pas être acceptées pour ce qu’elles sont. Le deadnaming, souvent hissé en petite erreur, est presque pire qu’une insulte. D’ailleurs le terme anglais est lui-même évocateur. Deadnaming signifie littéralement « nom mort », ce qui indique très nettement son « invalidité ». Appeler une personne trans par son prénom de naissance, c’est faire ressusciter une identité avec laquelle elle essaye de rompre depuis des années. User du « deadnaming », c’est « invalider » la personne dans son entièreté et faire une négation de tout son travail de transition.

Demander « c’était quoi ton prénom avant ? », utiliser le terme « prénom préféré » ou employer l’ancien prénom en sachant le nouveau est profondément dégradant. C’est comme si la nouvelle définition de la personne n’avait aucune valeur dans la société. Il suffit que ce prénom ne soit pas « officialisé » à l’état civil et il sera encore moins pris au sérieux. Le deadnaming est loin d’être une petite faute d’inattention, c’est un uppercut dans la santé mentale et physique.

Les effets dramatiques du deadnaming sur la santé

Dans une vidéo, le chanteur Redcar, ex-Christine and the Queen, se lamentait de cet irrespect criant envers sa nouvelle identité de genre. Malgré un coming out trans remarqué, il continue d’être présenté au féminin et rattaché à un prénom en opposition totale avec sa vérité. Une attitude qui a poussé l’artiste à prendre la parole et à partager son mal-être face caméra. Mais ces yeux perlés de larme et cette voix tremblante ne sont qu’une partie visible de la douleur provoquée par le mégenrage et le deadnaming.

En rappelant aux personnes trans des expériences de vie difficiles et en ne reconnaissant pas leur identité actuelle, le deadnaming peut entraîner des sentiments de dysphorie, d’anxiété et de dépression. Changer de prénom est synonyme de délivrance, alors forcément lorsque quelqu’un fait rejaillir ce prénom de « lait », le bien-être dégringole sec. Utiliser le mauvais prénom, c’est renier ce que la personne trans est réellement et la condamner à regarder inlassablement en arrière.

Ce nom, désormais « prescrit », réveille le souvenir de cette personne incomprise, moquée et en guerre contre elle-même. Lorsque vous sortez malencontreusement ce prénom révolu, vous vous placez dans une posture supérieure et vous faites valoir votre propre « vision ». Mais pour la personne trans, c’est une réminiscence de ses heures les plus sombres. C’est se remettre dans la peau de cet être en pleine croisade identitaire.

Changer de prénom, une libération pour les personnes trans

Si les personnes trans ne choisissent malheureusement pas leur sexe et vivent parfois avec une inconnue entre les jambes, elles ont le privilège de pouvoir se rebaptiser d’elle-même. Une étape encore plus salvatrice que le changement de pronom ou la renaissance par le vêtement. Une fois sorties du placard, les personnes trans souhaitent apporter de la véracité à leur nouvelle identité de genre. À la faire exister bien au-delà du « physique ». Changer de prénom revient donc à lui donner un sens et à l’affirmer avec plus d’aplomb.

Ce changement peut survenir à n’importe quel moment, mais il fait suite à une longue quête de soi. Si certain.e.s font le choix de raccourcir ou de retoucher leur prénom de base, d’autres optent pour une métamorphose plus radicale, en rupture avec leur prénom originel. Cette « mise à jour » est émancipatrice puisqu’elle s’opère en totale liberté. C’est presque le seul élément concret sur lequel les personnes trans peuvent exercer un pouvoir.

Changer de prénom, c’est clamer son authenticité et se débarrasser de ce camouflage imposé par la société. Selon une étude de 2018, réalisée sur 129 jeunes trans, le fait d’utiliser le nom qu’iels ont choisi a drastiquement baissé leurs idées suicidaires, le niveau dépressif et leur comportement suicidaire. En parallèle, le deadnaming réactive tous ces maux éclipsés.

Comment éviter le deadnaming et soutenir les personnes trans ?

Le deadnaming n’est pas toujours délibéré. Il est parfois le résultat d’une ignorance sur le sujet ou d’une curiosité mal placée. Or, vouloir connaître à tout prix le prénom « d’avant » d’une personne trans risque surtout de clore la conversation aussitôt qu’elle a commencé. Cette question est aussi intrusive que celles qui concernent l’intimité. D’ailleurs, l’information n’est d’aucune utilité et surtout, elle doit venir de la personne elle-même. Si vous forcez, les personnes trans peuvent se sentir comme des bêtes de foire ou des êtres « surnaturels ».

Pour éviter le deadnaming, répétez le prénom de la personne en boucle pour qu’il rentre enfin dans votre tête. Vous pouvez vous aider avec des exercices de visualisation et une image à l’appui. N’employez pas son nom avec un air dubitatif ou en le marmonnant, cela pourrait être interprété comme une gêne. Si vous faites malencontreusement référence au prénom de naissance, présentez vos excuses. Bannissez les phrases du genre « c’est difficile de s’y retrouver » ou « il y a de quoi s’y perdre ».

Le deadnaming, souvent minimisé ou défendu sous l’excuse de la « complexité », est une insulte déguisée. Il réduit les personnes trans à un néant et entretient l’idée transphobe qu’il s’agit d’une simple « lubie ». Une pratique qui prouve l’absence effrayante d’éducation aux questions LGBT+

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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