Pourquoi les femmes sont-elles encore si peu nombreuses en politique ?

Sur les bancs de la nouvelle Assemblée nationale, fraîchement réactualisée, les femmes sont en voie de disparition. Dans les rangs du Palais Bourbon, elles ont perdu de précieuses places et ne concernent même pas la moitié de l’hémicycle. La parité en politique est donc loin d’être gagnée. Cantonnées à des rôles de second plan, décrédibilisées gratuitement et laissées en marge des débats, les femmes qui s’investissent dans la vie politique peinent à faire entendre leur voix et à asseoir leur réputation. Dans les mairies, à la tête des États ou au sein du ministère, l’idéologie machiste fait de la résistance. Pour beaucoup le pouvoir se conjugue uniquement au masculin.

Une nouvelle Assemblée nationale pauvre en femmes

Suite aux votes des citoyen.ne.s français.es lors des élections législatives « improvisées », l’Assemblée nationale a été totalement remaniée. Les sièges ont été redistribués à de nouveaux.elles député.e.s. Même si le pire a pu être évité grâce à une mobilisation massive derrière les urnes, cette mise à jour politique n’est pas forcément à la faveur des femmes. Sur ce tableau de famille politique, les visages féminins se font plus rares. Sur les 577 député.e.s nommé.e.s, 208 sont des femmes. Un chiffre qui ne cesse de régresser depuis 2017.

Les partis qui composent désormais la Chambre basse et qui annoncent la couleur dans l’hémicycle ne sont pas tous exemplaires en matière de parité. Seul Europe Ecologie les Verts fait figure d’exception avec 53,6 % d’élues féminines. Le Nouveau Front Populaire en comptent 40,4 % tandis que Ensemble, l’étiquette présidentielle, en affichent 40,2 %. Les partis « traditionnels », eux, laissent les femmes sur la sellette. Le RN en recensent 33,3 % et les Républicains 26,1 %, soit le score le plus médiocre de l’Assemblée. L’égalité des sexes, grande promesse du chef d’État, relève encore du mythe.

« On peut faire l’hypothèse que les femmes ont été victimes de l’urgence dans laquelle se sont déroulées ces législatives. Les partis politiques ont probablement eu des critères proprement politiques et la parité est passée au dernier rang des priorités », explique la politologue Mariette Sineau au micro de l’AFP

Ces élections « en accéléré » n’ont pas laissé le temps de la réflexion en interne et sapé les rôles féminins. Preuve que la parité est loin d’être acquise dans le milieu, très fermé, de la politique. Alors que le sort des femmes est régulièrement discuté derrière les portes de l’Assemblée, les femmes, en infériorité numérique, ne font pas le poids lors des prises de décisions. L’histoire des femmes en politique reste encore à écrire et à enrichir.

Les femmes en politique, encore sous-représentées

Au 21e siècle, les femmes se font toujours discrètes dans le paysage politique. Elles ne sont d’ailleurs que 6 % à tenir les rênes d’un pays et à occuper des postes à haute responsabilité à travers le globe. Dans l’Union européenne, elles ne sont que trois à avoir le leadership sur leur nation. Contrairement à leurs homologues, qui profitent d’une belle vitrine médiatique, les dirigeantes politiques sont de sombres inconnues à l’international. Ce triste constat se traduit aussi à d’autres niveaux. Selon les chiffres de l’Observatoire des inégalités, en France, les femmes représentent 36 % des sénatrices, 45 % des conseillers municipaux et 20% des maires.

Toutefois, depuis 2022, c’est une femme qui préside l’Assemblée nationale, Yaël Braun Pivet. Fait inédit et plutôt éloquent qui ne rattrape pas pour autant la féminisation poussive du corps politique. Même si la situation tend plutôt à s’améliorer, il reste encore des progrès à faire pour inclure les femmes dans la politique.

Les stéréotypes sexistes, un frein à l’ascension politique des femmes

En juin dernier, Gabriel Attal a fait irruption dans l’interview de la tête de liste Renaissance Valérie Hayer. Alors que les questions lui étaient adressées, le Premier ministre s’est octroyé le droit de répondre à sa place et de lui subtiliser le micro. Il lui a volé la parole, sans préambules. Un cas flagrant de « manterrupting« . Cette pratique misogyne, qui censure les mots des femmes, est assez récurrente en politique. En 2017, lors du débat télévisé du premier tour de la primaire de la droite et du centre, Nathalie Kosciusko-Morizet, seule femme en lice, a été interrompue 2,5 fois plus que ses homologues. Même mutisme forcé pour Sylvia Pinel, qui a à peine eu le temps d’ouvrir la bouche que son homologue Bennahmias amputait déjà son discours.

En politique, les femmes sont rarement prises au sérieux. Pour cause, les clichés sexistes obstruent la mentalité de tous les politiques. Dans l’imaginaire collectif, le pouvoir est une affaire d’homme et requiert un chibre entre les jambes. Selon les normes patriarcales, les femmes n’ont pas les « épaules » pour gouverner et manquent cruellement d’ambitions. La politique est la chasse gardée des hommes, leaders dans l’âme, stratèges chevronnés et conditionnés à l’affront. Les femmes qui daignent marcher sur leur plate-bande en politique sont soit moquées, soit discréditées.

« En général, on confie aux hommes les délégations les plus convoitées, les plus importantes : les finances. Aux femmes, on leur propose ce qui est présenté comme féminin, ce sera les écoles, la culture, les services à la personne », souligne l’enseignant-chercheur en science politique, Rémi Lefebvre dans les colonnes de France 3

Les femmes ont déjà plusieurs métiers à leur actif

Si les femmes sont si fantomatiques en politique, ce n’est pas parce qu’elles redoutent leurs adversaires masculins ou craignent de ne pas tenir le choc. C’est surtout parce qu’elles doivent assumer plusieurs casquettes. Lors de son apparition sur le plateau des Grandes Gueules, l’avocate influente Marie-Anne Soubré a tenu à préciser que les femmes occupent déjà bien souvent trois fonctions au quotidien : celle de mère, d’épouse et leur profession officielle.

C’est un cercle vicieux. Au sein même du foyer conjugal, la parité relève de l’utopie. De ce fait, les femmes ne peuvent pas s’engager pleinement dans une carrière politique, à moins de ne plus dormir de la nuit. Elles doivent également travailler davantage pour empocher plus que leurs homologues. Mais ça, ce n’est pas un scoop. Les femmes qui ont passé la cinquantaine et qui pourraient se présenter, elles, se heurtent à de l’âgisme purement « orienté ».

Le terrain politique, miné par le machisme, peut également en rebuter certaines. En politique, tout est fait pour dégoûter les femmes et leur faire prendre la porte de sortie. Propos déplacés sur leur apparence, critiques permanentes, invitations à retourner à la « popote »… pour espérer s’intégrer, les femmes politiques doivent avoir des nerfs solides. « Mais qui va garder les enfants ? », jetait Laurent Fabius à Ségolène Royal. Une phrase irritable qui illustre parfaitement la mentalité réactionnaire des politiques.

Quels aménagements pour les mères qui ont une carrière politique ?

En 2016, une députée islandaise s’adressait au Parlement en allaitant son bébé de six semaines. Une image inédite jamais vue auparavant. L’élue du Parti de l’indépendance aussi en charge de la commission des lois et des affaires scolaires en a profité pour rappeler que l’allaitement était « la chose la plus naturelle au monde ». Si dans ce pays évolué et ouvert d’esprit, la scène n’a choqué personne, ce n’est pas le cas partout. En 2017, une élue japonaise a pris la même initiative en venant avec son bébé de 7 mois, mais elle n’a pas été accueillie avec autant de bienveillance. Elle avait été exclue du conseil municipal de sa ville.

Malgré les accusations d’instrumentaliser l’enfant ou de heurter les âmes pudiques, la société évolue doucement. Depuis 2022, l’Italie autorise par exemple les députées à allaiter dans l’hémicycle. En revanche, en France, ce n’est même pas un sujet. Alors que le congé maternité dure généralement six semaines, en politique, il est un peu plus expéditif. Après avoir accouché de son premier enfant, Rachida Dati était de retour à l’Élysée cinq jours plus tard. Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, avait préféré faire du télétravail pour profiter de son enfant.

Les femmes qui se lancent en politique sont ralenties dans leur élan et se cognent rapidement contre un plafond de verre solide. Rangées dans des postes d’assistantes, jugées pour leur tenue et non leur argumentaire… elles subissent ainsi les effets du sexisme fois quatre.  

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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