Non-binaire : comprendre l’enbyphobie en 3 minutes

Dans une société qui ne jure que par l’hétérosexualité et qui défend une orientation sexuelle unique, les personnes non-binaires sont encore incomprises et méprisées. Elles font face à des moqueries, du mégenrage et des micro-agressions. Elles sont invitées à « arrêter leur simagrée » et à « faire un choix ». Lorsque l’identité de genre ne colle pas aux normes traditionnelles de masculinité ou de féminité, les yeux s’écarquillent et les esprits se ferment à double tour. C’est ainsi que naît l’enbyphobie, une peur irrationnelle et injustifiée des personnes non-binaires. Moins connue que l’homophobie, elle n’en demeure pas moins intolérable. Voici la racine de cette hostilité. 

Qu’est-ce que l’enbyphobie ?

Pour comprendre ce qui se cache derrière l’enbyphobie, il faut d’abord clarifier le terme « non-binaire », que beaucoup s’attèlent à déformer ou à décrédibiliser. Les personnes non-binaires ont une identité de genre fluide. Elles peuvent ne se sentir ni homme ni femme, les deux, ou toute autre combinaison des deux comme le décrit la plateforme Question Sexualité. L’identité de genre non-binaire est donc une catégorie qui inclut une variété d’expériences et de façons de se définir.

Le terme « non-binaire » est un terme générique pour désigner une diversité de genres qui échappent aux standards traditionnels de la société. Ce sont des personnes qui ne rentrent dans aucune case et qui remettent en cause la sacro-sainte hétérosexualité, dont la société fait le culte depuis la nuit des temps. Être non-binaire, c’est rejeter l’idée que le genre doit absolument se restreindre à deux voix. Par ricochet, l’enbyphobie illustre la peur ou le rejet à l’égard des personnes non-binaires.

Or, il ne s’agit pas seulement de fuir les personnes qui utilisent le pronom « iel » ou qui brandissent le drapeau non-binaire. L’enbyphobie prend des formes plus violentes. Elle se feutre sous des phrases telles que « si t’es non-binaire, moi je m’identifie comme un tabouret ». Elle se cache derrière un mégenrage volontaire, des tentatives de « conversion » à un genre strict et des attaques sous couvert d’humour. Contrairement à l’homophobie ou à la transphobie, mieux reconnues, l’enbyphobie reste une « zone blanche » des discriminations anti-LGBT.

Pourquoi l’enbyphobie est-elle si ancrée ?

Dans une société où « homme » et « femme » sont souvent perçus comme les seules options valables pour s’identifier, les personnes non-binaires s’apparentent à des « escrocs », des contrevenants à la nature. Du moins c’est la vision que les enbyphobes s’en font. La peur de l’inconnu, la nécessité de contrôler les catégories et d’avoir des repères clairs conduisent à cette incompréhension des personnes non-binaires.

En France d’ailleurs, le genre neutre n’existe pas. Il faut se ranger derrière l’homme ou la femme, il n’y a pas d’autres attributs possibles. La binarité l’emporte toujours, que ce soit sur la carte d’identité et les autres documents officiels. Selon cette croyance, la binarité est irréfutable : c’est la génétique qui décide et le genre assigné à la naissance prévaut. Alors, sans grande surprise, cette société traditionaliste et hétérocentrée refuse d’office l’existence d’une non-binarité. C’est tout bonnement inconcevable, voire « surnaturel ».

L’enbyphobie au quotidien

Dans l’imaginaire collectif, une personne non-binaire arbore un physique androgyne, des cheveux bleus, des vêtements non-genrés faits de baggy et de t-shirt ample. Un portrait caricatural qui ne fait que nourrir l’enbyphobie. À la différence de l’homophobie, l’enbyphobie est gentiment justifiée avec la fameuse phrase « tu ne peux pas faire plus simple, on y comprend rien » ou « t’es juste une femme ou un homme qui ne sait pas ce qu’il veut ».

Cette enbyphobie, quasi collective, peut aller de l’erreur de pronom à des remarques blessantes en passant par des questions intrusives sur le genre. Par exemple, certaines personnes non-binaires peuvent se voir attribuer les rôles traditionnels de « femme » ou « homme » dans les situations de la vie quotidienne, sans être reconnues à leur juste valeur. L’enbyphobie c’est également prendre la non-binarité à la légère et l’associer à un effet de mode. Elle se lit aussi dans l’espace public, à travers les sigles genrés accrochés à la porte des w.c.. En clair, les personnes non-binaires ont l’impression de n’avoir leur place nulle part, d’être des pestiférés.

Comment lutter contre l’enbyphobie ?

La première étape pour lutter contre l’enbyphobie est de s’éduquer. Comprendre la non-binarité ne devrait pas être un « effort » mais un acte naturel. La société doit s’ouvrir à cette fluidité du genre, loin des cases préétablies et des stéréotypes obsolètes.

Il est également crucial de respecter les identités de genre des autres, en utilisant les pronoms appropriés et en honorant les préférences de chacun.e. Demander poliment et écouter avec attention peut faire toute la différence dans la construction de relations inclusives. L’acceptation passe aussi par une remise en question des normes sociales imposées. Pour ne pas tomber dans l’enbyphobie, il faut d’abord prendre conscience de ce fichu principe d’hétéronormativité. Et donc « se déconstruire ».

Dans un monde où l’hétérosexualité fait foi dès le berceau, l’enbyphobie est presque inévitable. Pourtant, les mentalités s’ouvrent et le genre se libère progressivement. Il faut parfois regarder à l’intérieur de soi et purger ces vieux principes archaïques pour avancer vers un monde plus juste. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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