Anorexie : « Mon corps a décidé qu’il n’avait plus faim, jamais »

Aujourd’hui 2 juin, c’est la Journée mondiale des TCA. En France, près d’un million de personnes souffrent de Troubles du Comportement (ou de la Conduite) Alimentaire⁠, selon l’Association Anorexie Boulimie Ouest (AABOuest). Les TCA sont la 2e cause de mortalité chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route et depuis la crise sanitaire les consultations ont explosé. Des chiffres dramatiques qui nous rappellent ô combien il est essentiel de sensibiliser chacun.e d’entre nous à la lutte contre ce fléau.

Parce qu’en 2022, de nombreux préjugés et clichés subsistent encore, nous avons donné la parole à des personnes concernées par l’un des TCA les plus répandus : l’anorexie. Mathilde, Lola, Margaux, Alizé… toutes témoignent de leur quotidien chamboulé par l’arrivée un jour de cette maladie mentale.

« L’anorexie est une spirale infernale »

Lucie : « Au début, tu veux un peu perdre du poids, affiner ton corps, te re-muscler parce que tu ne te sens pas bien dans ta peau, ou plutôt la société te fait croire que tu n’es pas comme il « faudrait être ». D’abord tu fais des recherches, tu regardes plein d’astuces pour manger le moins calorique possible, et chaque petite calorie ingérée est aussitôt calculée pour être éliminée par le sport, entre autres. Plus tu cherches des astuces, plus ça devient une habitude, un mode de vie, et tu ne t’en rends plus compte, c’est ton quotidien, ça prend toute la place dans ton esprit, mais tu gères, tu contrôles et tu vois des résultats.

Des résultats insuffisants, tu veux te prouver que tu peux faire plus et ressembler à cette fille sur Instagram, montrer que tu peux gérer ça et être comme « il faudrait ». Puis, tes proches s’en inquiètent, tu nies, « ne vous inquiétez pas, tout est sous contrôle »… jusqu’à ce jour où ton corps a puisé dans toutes ses réserves, ou tu n’as plus un gramme d’énergie pour manger, ton cœur n’a plus d’énergie pour battre assez vite et on t’annonce que tu dois rester à l’hôpital.

Ce moment, ça a été un déclic pour moi, j’étais dans le déni de l’anorexie, je ne voulais pas atteindre cet état de maladie, et je m’en suis rendue compte à ce moment que c’était trop, ça allait trop loin… En 1 an j’ai perdu 21kg, de 68kg je suis descendue à 47kg. La maladie se lisait sur les lignes de mon visage, mon corps n’avait plus assez de force pour quoi que ce soit, mais je l’obligeais à se dépenser toujours plus, et il m’a dit stop. Après le déclic de l’hospitalisation, le retour à un rapport normal à la nourriture a été long, j’ai eu du mal à réintégrer l’ensemble des aliments à mon alimentation quotidienne, à accepter de manger ce qui était un peu plus riche et pour éviter d’être tentée je me persuadais de ne pas aimer ça.

À toutes les personnes qui ne se sentent pas bien dans leur peau, essayez de trouver la raison, l’origine de cette pensée, avec des ami.e.s ou des professionnel.le.s, tentez de découvrir la racine de votre ressenti et entourez-vous de personnes qui vous tireront vers le haut. Parce qu’on a qu’une vie et qu’elle n’est pas faite pour qu’on se restreigne, qu’on se torture pour rentrer dans un moule qui n’est pas le nôtre. Trouvons qui nous sommes, ce à quoi nous nous attachons, ce qui nous mène et nous guide dans la vie, concentrons-nous sur ce qui nous fait plaisir et nous rend heureux.ses »

Mathilde : « En 2016 ma maman a fait un AVC. Quelque chose de spécial s’est alors produit, mon corps a décidé qu’il n’avait plus faim, jamais.

Au début c’est passé inaperçu, jusqu’à ce que mon corps ne tienne plus et que je m’évanouisse à tour de bras. S’en suit alors une hospitalisation qui m’a permis de mettre un mot sur mon anorexie mentale. Mais ma guérison n’y était pas possible puisque – bien que les médecins fassent de leur mieux et un travail extra – retrouver goût à manger à l’hôpital ce n’est pas terrible.

Je suis alors rentrée chez moi et il a fallu réapprendre à aimer manger. Et j’ai réussi en faisant à manger ! Au début c’était dur, je pleurais et ne mangeais pas ce que je préparais puis c’est revenu, pas à pas. Ne rien lâcher surtout. Ne pas non plus écouter les moqueries, car on passe pour quelqu’un de bizarre quand on est terrifié.e par une simple assiette de pâtes. Le mot est : persévérance ! Voici ma petite histoire sur mes TCA et comment je m’en suis sortie, en grande partie, car c’est un combat pour la vie. »

Mily : « Les TCA touchent aussi bien les enfants que les adolescent.e.s et les adultes. C’est un long parcours… Moi ça m’est tombé dessus à 28 ans et souvent je ne me retrouve pas dans les témoignages publiés dans les médias. On peut même être touché.e en étant senior, et ça non plus on n’en parle pas assez ! »

Céline : « J’ai souffert d’anorexie et j’en suis sortie après de nombreuses années de thérapie, mais surtout de « travail » d’approvisionnement de mon corps. Parce que la thérapie est utile, voire vitale en cas de trauma d’enfance, mais elle ne suffit pas.

Alors j’ai testé sophrologie, yoga, méditation, cohérence cardiaque, au fil du temps. Aujourd’hui c’est ok grâce à tout ça. Je continue à méditer chaque jour et étant prof de yoga, bien sûr la pratique m’aide à maintenir ce lien avec mon corps. Parfois de l’amour, parfois de la cohabitation, parfois encore du rejet… »

« C’est la maladie du mensonge qui nous bouffe intérieurement »

Stella : « J’ai été anorexique pendant 3 ans et je m’en suis sortie. Tout a commencé à l’âge de 11 ans, j’ai commencé à être complexée à cause de l’apparition de la puberté, je n’acceptais pas mes nouvelles formes, je me comparais à ma petite soeur de 8 ans qui elle avait un corps super mince et je complexais, car je me trouvais grosse à côté d’elle.

J’ai grandi avec une mère très pudique, qui a honte de son corps de femme et qui essaie toujours de me cacher, et en prime un père grossophobe. Je pense que ça a dû être des facteurs clefs de mon anorexie. Vers l’âge de 12 ans, ça a commencé à devenir très sérieux, je me trouvais grosse alors que je pesais 34kg pour 1m50.

Je faisais des régimes, des pompes et abdos dans ma chambre à fond. J’étais malheureuse, toujours déprimée, je détestais mon corps de plus en plus je pensais que maigrir allait être la solution qui allait me faire m’aimer… À l’âge de 14 ans, j’en suis sortie et c’est bizarrement grâce aux réseaux sociaux, car je voyais que les femmes pulpeuses étaient aussi mises en avant. »

Alice : « Je souffre de TCA depuis plus de 7 ans et ai été hospitalisée 9 mois. Aujourd’hui je suis en hôpital de jour. Je souffre d’anorexie boulimie. Je ne mangeais rien la semaine, à en avoir des crampes au ventre la nuit et des malaises là journée. Le week-end, tout m’était permis et puis le « foutu pour foutu » y jouait beaucoup. Je mangeais jusqu’à avoir du mal à respirer et à vomir sans même le vouloir.

Aujourd’hui je vais mieux, mais je ne suis pas guérie, les TCA se mêlent à la dépression et tout devient plus compliqué. Menace de sonde naso-gastrique, hyperactivité sont des mots du quotidien, enfin du mien. Les TCA sont comme un cancer, c’est la maladie du mensonge qui nous bouffe intérieurement. Nous ne sommes plus nous-mêmes… »

Alizée : « J’ai toujours vécu avec les TCA. J’ai commencé à « me remplir » vers l’âge de 5/6 ans. J’ai été obèse selon mon IMC et j’ai entamé mon premier régime à 11 ans. C’était le début de l’enfer. J’ai passé plus de 20 années à faire le yoyo et essayer par tous les moyens du monde de maigrir. L’anorexie boulimie a pris sa place dans ma vie et aujourd’hui je me bas encore pour en sortir. Plus de 20 ans de souffrance, obsédée par mon poids & mon apparence… Je ne me sentais jamais assez bien, mais depuis 3 ans j’ai décidé de me faire aider.

Je revis chaque jour un peu plus. Et pour moi le chemin de la guérison est le plus beau cadeau que j’ai pu me faire. Thérapie, acceptation de soi, connaissance de soi, hypersensibilité, hypnose, méditation, sport, apprendre l’équilibre de vie, mais aussi prendre ma santé en main. Arrêter les régimes & apprendre à me reconnecter à mon corps grâce à l’alimentation intuitive & la pleine conscience. Ce que je veux dire c’est que rien n’est facile, rien n’est rapide, mais on peut se sortir la tête de l’eau en acceptant sa maladie et en acceptant l’aide des autres. Ce n’est pas une honte ! »

« Je redécouvre les petits plaisirs de la vie »

Yolande : « Tout d’abord il faut savoir que j’étais une personne avec des formes que j’assumais à 200 %, j’étais joyeuse, drôle et je me trouvais belle dans mon corps. Il y a maintenant 3 ans, j’ai commencé des études supérieures et le cadre universitaire que nous avions nous gardait dans une pression et une compétition toujours plus toxique.

J’ai alors commencé à contrôler, faire des plannings, des listes pour augmenter ma productivité et le stress mélangé au contrôle de ma vie ont commencé à me faire perdre un peu de poids. Beaucoup de personnes me trouvaient plus jolie sauf que… Je ne sortais plus, je ne rigolais plus, j’avais froid, je travaillais tout le temps, j’étais fatiguée, je n’existais plus… J’étais en dépression.

J’étais très très mal, mes parents étaient loin alors ils ne l’on pas vu et mon copain n’allait pas super bien aussi alors il ne sait pas rendu compte. Le problème c’est qu’il me disait que j’étais plus jolie et il ne se rendait pas compte… J’ai perdu 20 kilos en 3 mois, mais je ne le savais pas. Un jour ma mère m’a forcé à monter sur la balance et j’ai vu 43 kilos…

Alors, sans que personne ne soit au courant, je suis allée voir un groupe de parole pour les TCA et c’est là que des professionnel.le.s m’ont dit que j’étais atteinte d’anorexie mentale. Je ne sais pas si c’est la dépression ou l’anorexie qui est venue en premier, mais il fallait que je recommence à vivre !

J’ai ouvert les yeux et j’ai quitté mon copain, car on s’entraînait vers le bas, j’ai recommencé à me forcer à manger et forcément je suis passée par l’hyperphagie et la boulimie… Au bout de 6 mois, j’ai pu dire à voie haute « anorexie mentale » et seules 5 personnes sont au courant de ce que j’ai vraiment eu… Cela fait 2 ans, j’ai repris du poids et maintenant je laisse mon corps se réguler tout seul, j’ai un copain qui me dit chaque jour que mon corps est magnifique, que je suis une femme parfaite avec mes petits bourrelets et ma cellulite et cela m’aide beaucoup, car je ne suis pas encore totalement guérie. »

Elsa : « Anorexie puis boulimie, 7 années de combat et ces maladies sont parties grâce à l’amour… »

Léa : « J’avais 20 ans. Tout ça a commencé pour perdre un peu de poids. J’ai vite compris que beaucoup de sport, moins de féculents marchaient bien et de façon rapide : – 3 kg, superbe ! Puis, changement de taille de pantalon, mon rêve !

Et là tout est allé très vite. Je mangeais très peu de féculent, plus de protéines et toujours autant de sport. Magique mon corps était de plus en plus maigre ! Et je me sentais de mieux en mieux. Mais un jour se fut le déclic, quand je suis allée chez le médecin. Prescription pour aller voire un.e professionnel.le pour anorexie… »

Lola : « Peur de ne pas m’en sortir, peur que l’anorexie soit un frein. Ça a été très compliqué au départ, plusieurs fois j’ai failli repartir. J’étais si seule. L’anorexie avait pris une place tellement importante dans ma vie.

Aujourd’hui, 3 ans plus tard, j’ai rencontré quelqu’un de vraiment bien. Il sait que les troubles alimentaires ont fait partie de la vie et que malheureusement il y a des jours avec et des jours sans. J’ai fait un énorme travail sur moi, j’ai appris et j’apprends encore de mes erreurs. Actuellement enceinte, ça été compliqué au départ de voir mon corps changer, mais il n’y a pas de mots pour décrire comment ce petit être me comble de bonheur.

Depuis que je suis enceinte, je n’ai pas eu de restrictions ni de crises boulimiques/hyperphagiques. Je me considère sauvée, mais seulement depuis peu, mon fils me sauve petit à petit, malgré lui, de cet enfer de TCA. »

Liselotte : « J’ai été hospitalisée 6 mois pour anorexie, 6 mois durant lesquels j’ai pu bien évoluer. Aujourd’hui je revis chez moi, mais c’est encore très compliqué, je fais de la dysmorphophobie et j’ai beaucoup de mal à sortir de ce contrôle alimentaire. Malgré tout je redécouvre les petits plaisirs de la vie et ça fait vraiment du bien. »

Les TCA, parlons-en ! Vous avez envie de raconter vous aussi votre histoire ? Vous voulez briser le silence ? Vous pouvez témoigner et discuter librement sur notre forum.

 

Si vous souffrez de TCA, n’oubliez pas que vous n’êtes pas seul.e dans ce combat. ⁠Vous pouvez notamment obtenir de l’aide via Fil Santé Jeune au 0800 235 236 (anonyme et gratuit)

Elodie Pimbert
Elodie Pimbert
Journaliste « touche à tout », je suis Content Manager et rédactrice web pour le média The Body Optimist. Je m'intéresse à des sujets variés (écologie, sexualité, lgbtqia+, beauté, décoration, etc.) et ai à coeur de déconstruire les préjugés, stéréotypes et normes de notre société. Je scrute le web à l’affût des dernières évolutions et tendances. Ce n'est donc pas un hasard si j'écris et fais grandir depuis plusieurs années The Body Optimist.
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